par Robert Dutrisac
Québec -- Dans son discours marquant son entrée à l'Assemblée nationale à titre de chef de l'opposition officielle, André Boisclair a plaidé pour un retour aux raisons essentielles de réaliser la souveraineté du Québec, qui doivent prendre le pas sur les questions techniques entourant le projet de pays.
Mais Jean Charest, en accueillant M. Boisclair devant lui à l'Assemblée nationale, a insisté sur l'importance, pour le chef du Parti québécois, de respecter le programme de son parti. Le premier ministre a rappelé les paroles que M. Boisclair a prononcées le soir de sa victoire, au terme de la course à la direction du parti. M. Boisclair avait affirmé qu'il avait apposé sa signature au bas d'un seul document : le programme du PQ.
Avant même la période de questions, Jean Charest a ainsi cherché à déstabiliser le chef péquiste en rappelant les distances que M. Boisclair a prises à l'égard du programme de son parti lors du caucus de ses députés, il y a près de 15 jours. Le premier ministre a cité les gestes que le PQ, dans son programme, s'est engagé à faire avant son élection, comme de diffuser largement le cadre financier d'un Québec souverain, d'en faire la promotion, de préparer un plan de transition et une Constitution, autant d'actions que le chef péquiste a écartées.
De son côté, André Boisclair, s'inspirant d'un texte de Gérard Bouchard, a invité les souverainistes à revenir «à des choses essentielles» et à laisser de côté les «questions techniques», la souveraineté étant aussi «un sentiment du coeur».
«La souveraineté du Québec, elle fait sens [sic] parce qu'il y a chez nous, pour notre peuple, des millions de Québécois qui cherchent de nouveaux espaces de liberté, qu'il y a des Québécois et des Québécoises qui pensent qu'ils ont toutes les compétences, toute l'intelligence, tout le talent pour pouvoir se gouverner eux-mêmes», a livré M. Boisclair.
S'il a plaidé pour une souveraineté essentielle, M. Boisclair n'en a pas moins défendu l'idée d'une souveraineté instrumentale : la souveraineté considérée comme un moyen de mettre fin aux listes d'attente dans les hôpitaux et d'avoir des services d'éducation de qualité.
Que ce soit dans les pays d'Europe de l'Est, dans les pays nordiques ou en Irlande, des peuples ont le courage d'assumer leur destin. «Je vois des gens qui, partout à travers le monde, ont du courage, puis il me semble qu'au Québec, on en a du courage, que les Québécois débordent de courage. Mais où est le plan ? Où est la vision ? Comment les rassembler ?», a lancé le chef péquiste.
Mais, en concluant son allocution, M. Boisclair a repris une citation de René Lévesque qui mettait garde les Québécois contre le manque de courage, cette prudence qui pourrait leur faire manquer le bateau. «Il est temps où le courage et l'audace tranquilles deviennent pour un peuple, aux moments forts de son existence, la seule forme de prudence convenable. S'il n'accepte pas alors le risque calculé des grandes étapes, il peut manquer sa carrière à tout jamais, exactement comme l'homme qui a peur de la vie», a écrit l'ancien premier ministre.
Quant aux «choses simples» évoquées par M. Boisclair, elles peuvent apparaître quelque peu complexes. «Ces choses simples, ces choses essentielles, c'est de donner plus de cohérence à cette société qui est bombardée dans un contexte économique difficile, qui est tiraillée dans sa façon d'envisager l'avenir», a-t-il dit.
Charest est responsable de la crise de la forêt
Comme il fallait s'y attendre, l'essentiel de la période de questions a porté sur la crise de l'industrie forestière. À tout seigneur tout honneur, André Boisclair a lancé les premières salves contre le gouvernement tout en se chargeant de la majeure partie de la période de questions. C'est Jean Charest «le grand responsable de la crise et des pertes d'emplois», a accusé le chef de l'opposition officielle.
Affirmant avoir été informé par le ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, Raymond Bachand, que le plan d'urgence pour la forêt serait prêt dimanche ou lundi, M. Boisclair s'est demandé pourquoi le premier ministre ne l'avait toujours pas dévoilé. «Pourquoi attend-il tant avant d'agir ? Pourquoi attend-il tant avant d'aider les travailleurs ? Pourquoi attend-il tant avant d'aider l'économie du Québec et des régions, qui souffre de son inaction ?», a martelé M. Boisclair.
Selon les informations obtenues par Le Devoir, certaines dispositions du plan élaboré par M. Bachand, soit celles qui visent à diminuer le coût de la fibre pour l'industrie, indisposent les Américains, qui ont déjà exercé des pressions diverses sur le gouvernement. Ces dispositions pourraient être contestées au moyen du nouvel instrument de règlement des différends contenu dans l'accord sur le bois d'oeuvre. En outre, le gouvernement Charest attend toujours de connaître quelle sera la participation exacte du gouvernement fédéral au plan d'urgence.
En réplique à M. Boisclair, le premier ministre a indiqué que sa priorité, «c'est les travailleurs , c'est les communautés». Selon lui, l'opposition officielle demande «à chaque citoyen du Québec, qui, tant qu'à moi [sic], travaille très fort, de mettre la main dans [sa] poche et de donner de l'argent à des compagnies dans le secteur forestier». Toute somme versée aux entreprises forestières pourrait très bien aboutir dans les coffres des banques, compte tenu du lourd endettement qui afflige le secteur. «Ce n'est pas vrai qu'on va faire un programme pour venir en aide aux banques», a lancé M. Charest.
«Nous vivons la crise la plus grave de l'histoire du Québec dans le secteur forestier. On va passer à travers. Il va falloir braver la tempête», a fait valoir Jean Charest.
«Le marché va reprendre», a également prédit M. Boisclair, et le gouvernement doit faire en sorte que l'industrie soit à ce moment-là «dans une bonne position».
Le premier face-à-face
André Boisclair était attendu de pied ferme
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