Texte publié dans Le Devoir du mardi 7 décembre 2010 sous le titre "Le PQ est-il vraiment vainqueur?"
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La récente élection complémentaire dans la circonscription de Koumouraska-Témiscouata, malgré la percée du Parti québécois, n'annonce rien de très réjouissant pour les deux grands partis traditionnels au Québec.
En effet, malgré une insatisfaction historique et un gouvernement sans cesse éclaboussé par les scandales de toutes sortes, le PQ et son chef n'ont, à l'évidence, pas réussi à cristalliser la grogne populaire pour en faire une victoire éclatante. Bien sûr, la circonscription de Kamouraska-Témiscouata était un château fort libéral représenté jusqu'à tout récemment encore par un député libéral apprécié. Néanmoins, la faible majorité du PQ laisse clairement entrevoir que la formation souverainiste est encore très loin d'une victoire majoritaire lors de la prochaine élection générale.
L'un des principes reconnus de la démocratie participative repose sur l'alternance à la tête de l'État de formations politiques différentes. Au Québec, le principe de l'alternance a fait en sorte que, depuis les années 1960, les gouvernements successifs n'ont jamais réussi à obtenir un mandat majoritaire plus de deux fois. Bref, en raison de l'usure normale du pouvoir, les Québécois, en bons démocrates, chassent le gouvernement en place pour le remplacer par une autre formation politique. Dans un système comme le nôtre, où il y a deux grandes forces politiques dominantes, le PLQ et le PQ s'échangent donc le pouvoir en alternance depuis 1970.
Bref, le Parti québécois fait le pari logique que le pouvoir lui revient invariablement aux prochaines élections et qu'en conséquence, il n'a qu'à laisser le temps faire son oeuvre pour retourner à la tête de l'État. Pourtant, les élections de 2007, qui ont provoqué un premier gouvernement minoritaire depuis 1867 et les résultats dans la circonscription de Kamouraska-Témiscouata, laissent clairement entrevoir qu'il s'agit là d'un pari risqué.
Un cynisme galopant
S'il y a une conclusion que l'on peut tirer de la dernière élection complémentaire, c'est que les électeurs semblent délaisser les deux grands partis traditionnels au profit de l'abstentionnisme et des tiers partis. On pensait que l'ADQ était au plancher et que sans Mario Dumont à sa tête, la formation de droite s'effondrerait, laissant ainsi les Québécois devant l'obligation de voter pour le PQ s'ils désirent chasser les libéraux du pouvoir.
Or, la grande surprise de l'élection complémentaire dans Kamouraska-Témiscouata réside justement dans la performance inattendue de l'ADQ. Avec 23% des suffrages, il semble désormais possible pour cette formation politique de rebondir sous une forme ou une autre. Pensons, par exemple, au projet mené par François Legault de créer une nouvelle formation politique. On peut aussi raisonnablement penser que, dans certaines circonscriptions plus urbaines, le mécontentement populaire soit favorable à d'autres formations politiques comme Québec solidaire, réduisant ainsi l'assise du bipartisme.
En fait, c'est la classe politique tout entière qui est éclaboussée par le manque de leadership du gouvernement actuel et par l'attentisme de l'opposition officielle. Certes, le PQ réclame depuis longtemps une commission d'enquête publique sur le financement des partis politiques et sur la collusion dans le milieu de la construction. Mais, sur ce dossier comme dans bien d'autres, le PQ n'est qu'une courroie de transmission de la société civile, jouant de facto un rôle secondaire. Comment expliquer, autrement que par l'attentisme, le fait que le PQ n'ait pas pris en charge la pétition électronique à l'endroit du premier ministre et ait laissé cette initiative au seul député de Québec solidaire?
Par ailleurs, est-il vraiment rentable, dans un contexte de désabusement et de cynisme, de faire du parlement un lieu d'affrontements stériles, en présentant une motion de confiance que l'on sait perdue à l'avance? Les deux partis traditionnels sont donc, en quelque sorte, déconnectés de la réalité, laissant le Québec sans véritable direction et alimentant par le fait même un cynisme sans cesse croissant à l'endroit de la vie politique et démocratique.
Vers un gouvernement minoritaire?
À la lumière des résultats de la dernière élection complémentaire, force est de constater que rien n'est encore joué en vue de la prochaine élection générale. Le mécontentement de la population à l'endroit des principaux partis qui dominent la vie politique depuis 40 ans ouvre donc la porte à une nouvelle période de gouvernement minoritaire.
Les sondages des derniers mois indiquent d'ailleurs clairement que le PQ plafonne en deçà des 40%, ce qu'illustre l'élection dans Kamouraska-Témiscouata. En ces circonstances, le PQ aurait peut-être avantage à revoir sa stratégie essentiellement centrée sur l'alternance du pouvoir et proposer un véritable leadership qui inspire la société québécoise. Sans ce leadership, il est probable de voir renaître l'ADQ, comme le suggère la dernière élection complémentaire ou encore d'assister à un réalignement des forces politiques.
Entretemps, les Québécois, lassés par la vie politique et par les partis traditionnels, provoqueront peut-être d'autres gouvernements minoritaires en refusant de voter massivement pour une option politique qu'ils ne jugent plus attrayante.
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Antonin-Xavier Fournier
L'auteur est professeur de science politique au cégep de Sherbrooke.
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