Avec l'impopularité toujours constante du gouvernement libéral de Jean Charest et les luttes fratricides à l'intérieur des rangs péquistes, tout semble favoriser le nouveau parti politique créé par François Legault. Sans définir clairement son programme de gouvernement, la Coalition avenir Québec (CAQ) est donc devenue, en l'espace de quelques semaines, un acteur politique «incontournable» sur la scène provinciale, laissant présager la fin d'un cycle politique et le réalignement des principales forces à l'intérieur du système partisan.
Misant sur la lassitude et la fatigue politique des Québécois à l'endroit des deux partis traditionnels, François Legault se présente comme le seul politicien en mesure de réformer la société. Pourtant, malgré la popularité relative de la CAQ, rien n'indique un engouement généralisé pour l'homme et son mouvement. En fait, si la CAQ est aujourd'hui un acteur «incontournable», c'est peut-être davantage en raison de la faiblesse de ses adversaires que des idées réformatrices qu'elle propose. Cette situation permet peut-être de dominer les sondages d'opinion, mais elle révèle aussi une fragilité qui devrait inquiéter l'équipe de François Legault.
Avec les élections fédérales du 2 mai dernier, on a assisté à une métamorphose à la fois rare et surprenante de la scène politique fédérale. En effet, le Parti libéral du Canada, longtemps considéré comme un parti de «pouvoir», a été relégué au rang de tiers parti, alors que le Bloc québécois, qui a dominé la vie politique fédérale pendant plus de vingt ans, s'est complètement effondré. Séduits par ce qu'il est maintenant convenu de nommer la «vague orange», les Québécois ont opté pour le changement et ont rejeté le statu quo.
Au centre de ce phénomène, il y a bien sûr la personnalité de Jack Layton qui, à l'évidence, a réussi à charmer les citoyens. Mais il y a plus. Le NPD avait aussi un programme politique de centre gauche, favorable à la classe moyenne et qui proposait, somme toute, des réformes cosmétiques sans grand impact pour la population. À cela, on pourrait aussi ajouter que le NPD avait, aux yeux de l'électorat, peu de chances de remporter l'élection, accentuant cette idée qu'un vote pour le NPD était d'abord et avant tout un vote contestataire.
Or, François Legault ne ressemble en rien à Jack Layton et surtout, son programme politique de centre droit semble être beaucoup plus réformateur que celui du NPD, au risque de voir une partie de ses appuis décliner à mesure que le citoyen prendra connaissance des changements proposés. En outre, tout laisse croire que la CAQ, contrairement au NPD, ne proposera pas simplement un programme «d'opposition», mais plutôt un véritable programme de gouvernement qui a des chances réelles d'être mis en application rapidement. Cette différence fondamentale pourrait, là aussi, faire fuir certains électeurs. Bref, un vote pour la CAQ impliquera forcément plus de répercussions pour l'électorat, ce qui laisse présager des débats plus difficiles pour l'équipe de François Legault.
Certes, la CAQ, qui a réussi habilement à incarner le changement depuis quelques mois, jouit actuellement d'un effet de nouveauté qui n'est pas sans séduire la population. Toutefois, l'engouement suscité par la CAQ pourrait rapidement s'estomper devant les imprévus d'une campagne électorale. En effet, François Legault est actuellement le seul maître de sa ligne d'action politique. C'est lui qui décide de faire les annonces, de dévoiler son équipe ou encore de lancer les idées de son programme.
Comment s'en sortira-t-il devant la meute de journalistes qui déstabilise si facilement les personnalités politiques? Quelle sera sa réaction devant le redoutable bagarreur qu'est Jean Charest ou encore devant la ténacité de Pauline Marois? Une chose est certaine, François Legault sera le chef de parti qui a le moins d'expérience. Autre source d'inquiétude, François Legault projette, à tort ou à raison, l'image d'un homme unidimensionnel intéressé seulement par les réformes économiques. Il faudra voir si le chef de la CAQ réussira à séduire sur d'autres questions pourtant essentielles au développement d'une société.
Ce qui devrait encore plus inquiéter la CAQ, c'est que malgré tous les coups durs, le gouvernement de Jean Charest reste en vie. Il en va de même pour le PQ qui, malgré les crises existentielles, demeure dans la course. D'ailleurs, il est utile de rappeler que la CAQ ne cesse de décliner dans les intentions de vote depuis l'automne, passant de plus de 40 % à 31 %, une tendance plutôt inquiétante, même si l'électorat reste profondément volatil.
Devant des adversaires au plancher, comment se fait-il que la CAQ ne soit pas largement en tête des sondages d'opinion? Voilà une question qui devrait réjouir les autres formations politiques, mais qui devrait inquiéter ceux pour qui, il y a quelques semaines à peine, on prévoyait plus de 100 députés!
***
Antonin-Xavier Fournier - Professeur de science politique au cégep de Sherbrooke
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé