Le président sortant des jeunes péquistes, Frédéric Saint-Jean, a décidé de clore son mandat en revenant sur la dernière campagne. Il se demande pourquoi le PQ a donné tant d’importance à la Charte des valeurs, alors que les Québécois s’en moqueraient. L’erreur fondamentale serait là.
Un fait d’abord: la Charte était à peu près inexistante pendant les deux premières semaines de la campagne électorale. Le PQ ne l’a fait réapparaitre que dans la deuxième moitié de la campagne, alors qu’il était déjà en déroute et que tout ce qu’il proposait se retournait contre lui. Inversement, c’est la Charte des valeurs qui est parvenue à tirer vers le haut le PQ avant les élections. Elle permettait au PQ, pour la première fois depuis longtemps, de reprendre l’offensive et de définir les termes du débat politique. C’est elle qui a fait monter le PQ dans les sondages et créait une bipolarisation de l’électorat à son avantage. La grande question qu’on pourrait se poser serait plutôt la suivante : pourquoi le PQ a-t-il cru que cette Charte pouvait le conduire à l’élection, mais qu’elle ne pourrait pas lui permettre de la traverser? Pourquoi avoir refusé de placer la Charte au cœur de la campagne?
Il y a quand même des limites à réécrire l’histoire. Faire porter la responsabilité de la défaite à la Charte des valeurs, comme s’il fallait désormais s’en éloigner parce qu’elle représenterait un épisode honteux ou incompréhensible de l’histoire récente du parti souverainiste, c’est une manière de s’épargner une réflexion autrement plus fondamentale sur les raisons d’une chute sur une quinzaine d’années du vote péquiste. Depuis les élections de 1998, le PQ n’a cessé, globalement, de régresser, et l’indépendance, faut-il le dire, s’éloigne de plus en plus à l’horizon. C’est son rapport à l’indépendance que le PQ doit questionner, c’est sa manière de poser la question nationale qu’il doit repenser. Qui n’a pas constaté que c’est lorsque l’indépendance s’est invitée dans la campagne que les péquistes ont dérapé gravement? Qui n’a pas constaté que le PQ n’a pas été capable de faire campagne trois jours sur sa raison d’être et qu’il ne parlait de souveraineté que pour dire qu’il ne la ferait pas? Comme je dis souvent, les souverainistes, en ce moment, ont une excellente réponse à une question que les Québécois ne se posent plus. Comment rouvrir cette question?
Le président sortant des jeunes péquistes invite finalement son parti à se tourner vers les «vraies affaires» pour en conclure par ailleurs que les vraies affaires sont les valeurs «progressistes» – lire les valeurs de gauche. C’est à se demander s’il a examiné les résultats de la dernière élection. La CAQ est en train de remplacer le PQ, et les derniers sondages confirment un glissement du nationalisme centriste du PQ vers la CAQ, aussi. C’est dans les 450 que la chose est la plus visible et c’est là qu’elle est la plus grave – des comtés historiquement péquistes sont en train de devenir tout autant de places fortes caquistes. À ce qu’on en sait, la CAQ n’est pas exactement un parti de gauche. L’électorat du 450 est francophone, nationaliste et centriste, et généralement favorable au discours identitaire, d’ailleurs. Les péquistes devraient se demander s’ils ne doivent pas d’abord et avant tout se délivrer du préjugé social-bureaucratique qui plombe peut-être davantage qu’ils ne veulent le reconnaître leur raison d’être. Reste à savoir si pour certains, les «valeurs progressistes» n’en sont pas venues à déclasser le nationalisme ou la souveraineté dans la hiérarchie de leurs priorités politiques.
Le PQ doit certainement réfléchir à son avenir et ne s’enfermer dans aucun dogme. Mais quand ses jeunes leaders reprennent plus ou moins habilement le «spin» médiatique contre leur propre parti, et cela, dans sa forme la plus caricaturale, ils confondent l’autocritique et l’autoflagellation.
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