À la veille de son conseil national, la haute direction du PQ a soumis aux membres du parti et à tous les Québécois 13 propositions visant à «changer la politique». Non seulement cet ajout à son programme répondrait à une exigence de la population, très critique envers sa classe politique, mais il serait surtout désormais une condition pour «réaliser la souveraineté du Québec». L'invitation aurait dû susciter partout le plus vif intérêt. Elle a failli au contraire passer inaperçue. Faut-il déjà se demander pour qui sonne le glas?
Son cahier d'animation vaut pourtant la lecture. La toute dernière proposition (C-4) prévoyant qu'un gouvernement souverainiste «abaissera l'âge légal des électeurs à 16 ans» fait certes rire le caricaturiste de La Presse. Les jeunes Québécois, ironise Chapleau, apprendront-ils à voter avant d'entrer en garderie? Pourtant, cette démocratisation-là ferait moins de victimes que le Québec n'en dénombre depuis qu'un gouvernement du PQ a donné le volant aux adolescents.
D'autres idées méritent un examen sérieux. Certaines pourraient même recevoir l'appui des libéraux, voire de Québec solidaire, sans qu'il faille attendre un retour du PQ au pouvoir, encore moins l'indépendance du Québec. C'est le cas d'une plus grande liberté de parole et d'action pour les membres de l'Assemblée nationale, d'une plus franche transparence des dossiers de l'administration, et d'une reddition de comptes périodique des engagements électoraux du parti au pouvoir.
D'autres changements, toutefois, n'iraient pas sans pleurs ni grincements de dents. Le PQ voudrait que les nominations de sous-ministres, de dirigeants de sociétés d'État et de délégués généraux soient soumises à l'examen de l'Assemblée nationale. Une telle réforme limiterait, en effet, le pouvoir arbitraire du premier ministre, la partisanerie dans les fonctions supérieures de l'État, et les gaspillages et autres magouilles au sein de Loto-Québec, Hydro-Québec, Investissement-Québec et maints BS-Québec.
Ce serait aussi l'occasion pour l'opposition de vérifier la langue des dirigeants de la Caisse de dépôt. Et peut-être aussi, pourquoi pas, leur force en calcul et en lecture. Plus d'habileté en mathématiques leur aurait évité, en effet, de perdre des milliards en placements folichons. Et une plus forte capacité de lecture les empêcherait de financer certains médias dits québécois qui développent moins l'économie de la province que la régression de sa culture et de ses libertés.
D'autres propositions du PQ reprennent des promesses d'antan sur la fameuse décentralisation, sans préciser comment les régions se protégeraient — mieux que les municipalités — des agissements mafieux des tripoteurs de contrats publics. Son conseil national se demandera sans doute aussi en quoi les citoyens réussiraient à participer à la gestion, non plus seulement de la santé (un échec patent), mais aussi des transports ou du tourisme. Le vrai test du PQ portera ici sur le sort des commissions scolaires.
Devenus allergiques aux référendums dictés par des gouvernements souverainistes, les Québécois accueilleraient-ils mieux ces «initiatives populaires» offertes par le PQ pour leur permettre de dicter enfin leurs volontés aux gouvernements en place? Voilà un changement, peut-on croire, qui ne risque guère de «changer la politique». Le droit d'élire un gouvernement est plus fondamental, surtout quand toute une population a le sentiment de l'avoir perdu aux mains des establishments politiques.
À ce sujet-là, le cahier du PQ réservait toute une surprise.
Question (notre traduction). Que souhaiter: une représentation à l'Assemblée nationale des choix démocratiques des Québécois? Ou l'élection d'un gouvernement majoritaire du PQ, au risque d'éliminer de l'Assemblée les souverainistes de Québec solidaire (A. Khadir), d'Option nationale (J.-M. Aussant) et d'autres voix indépendantes? Autrement dit, que la diversité périsse pourvu que la majorité réussisse? Ou bien que les Québécois, tous les Québécois, soient enfin maîtres de leur avenir?
Réponse. Un gouvernement du PQ créera une commission qui aurait, en collaboration avec le Directeur général des élections, le mandat de proposer un nouveau mode de scrutin. Ce gouvernement, ajoute le cahier, «étudiera plus spécifiquement la mise en place d'un système uninominal à deux tours». Ni donc le scrutin à la «proportionnelle», souhaité au temps de René Lévesque, ni même, comme d'aucuns en rêvent aujourd'hui, «l'élection du premier ministre au suffrage universel» ne sont retenus.
Par contre, un scrutin à la française permettrait au PQ d'éviter au deuxième tour la division des votes entre formations souverainistes et autres tiers partis, tout en donnant au cabinet majoritaire qu'ils formeraient alors la légitimité d'un gouvernement ayant obtenu aux urnes l'adhésion d'une majorité de votants, sinon de la majorité des citoyens.
Tant la proportionnelle, qui ferait entrer plus de voix à l'Assemblée nationale, que le scrutin à deux tours, qui empêcherait les voix minoritaires de s'y faire entendre, seraient un changement radical dans la démocratie parlementaire du pays. Mais serait-ce pour autant y «changer la politique»?
Probablement pas. La raison devrait en être évidente. La poubelle du Québec n'a jamais senti aussi mauvais. Le gouvernement libéral a choisi de la repeindre à grandes couches de lois à couleur éthique. Le Parti québécois, lui, propose plutôt de la remplacer par une poubelle toute neuve. Les Québécois, eux, risquent sans doute d'accorder leur vote à qui promettra d'enfin «vider la poubelle».
***
Jean-Claude Leclerc enseigne le journalisme à l'Université de Montréal.
«Changer la politique»
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé