Le G20 se réunit cette semaine à Mexico alors que les difficultés économiques dans le monde semblent particulièrement éprouvantes.
Existant depuis 1999, mais rassemblant pour une première fois les chefs d’État et les responsables des principales institutions internationales à Washington en 2008, ce club de nations puissantes prétendait s’attaquer à une crise financière et économique dont on entrevoyait clairement les conséquences dramatiques.
À l’aube de la rencontre de Mexico, il faut reconnaître que nous ne sommes pas tellement plus avancés.
Dès la rencontre de Washington, les tiraillements liés à la nature même de ce regroupement se sont fait sentir. Rappelons que le sommet avait lieu en pleine crise des subprimes, alors que les gouvernements étatsunien et européens sauvaient leurs banques à coup de milliers de milliards de dollars.
L’évaluation des causes de la crise aurait dû conduire à un contrôle rigoureusement plus strict des institutions financières. Mais un tel contrôle allait à l’encontre des intérêts de la classe financière si proche du pouvoir. Quels seraient donc les choix du G20?
La légitimité du G20 a été dès le départ mise en cause. Ce groupe de pays, répète-t-on encore aujourd’hui, rassemble les deux tiers de la population mondiale et son produit intérieur brut dépasse 80% de la production mondiale.
Mais un pareil regroupement se base sur de bien mauvais principes s’il rejette d’emblée des parties parce qu’elles ne sont ni assez nombreuses, ni assez riches. D’autant plus qu’un continent quasiment tout entier est exclu du groupe, soit l’Afrique, dont l’Afrique du Sud est le seul représentant.
Depuis sa création, le G20 a posé un sérieux problème à tous ceux qui estimaient fondamental de profiter des leçons de la crise pour donner de nouvelles bases à l’économie mondiale.
D’une part, il s’arrogeait un immense pouvoir et se donnait le mandat de prendre des décisions économiques d’une importance incontournable. D’autre part, son absence de légitimité en faisait un intermédiaire irrecevable.
L’échec de Londres en 2009
Le G20 de Londres en 2009 a été déterminant. Le choc de la crise a été si fort qu’il a poussé les chefs d’États à faire de surprenantes déclarations.
Nicolas Sarkozy voulait «refonder le capitalisme». Devant le Congrès américain, le Premier ministre britannique Gordon Brown a affirmé : «les placements de tous ne seraient-ils pas beaucoup plus sûrs si le monde entier se mettait d'accord pour interdire les systèmes bancaires parallèles et les paradis fiscaux ?»
Barack Obama s’attaquait quant à lui à «une culture d'intérêt personnel étroit et un gain à court terme aux dépens de tout autre chose», alors qu’Angela Merkell avait dénoncé bien avant eux les effets destructeurs des hedge funds.
Comme on le sait, ces belles déclarations ont accouché d’une souris. Les paradis fiscaux prospèrent plus que jamais, les mesures de façade prises n’y changeant rien. Les banquiers continuent de spéculer et de se donner de superbes bonis, parfois aux dépens d’un pays tout entier, comme la Grèce.
Le chômage et la faim dans de nombreux pays déciment les populations. Des projets concrets et réalisables, comme la taxe sur les transactions financières, ont été rejetés sans qu’ils ne soient vraiment débattus en haut lieu.
D’autre part, le G20 a pris des décisions qui vont nettement dans le sens de ce qui a provoqué la crise.
Le Fonds monétaire internationale (FMI) — celui-là même qui avait imposé sa médecine de cheval (endettement, privatisations, etc.) à de nombreux pays du Sud — s’est vu renfloué de 1000 milliards $ et a pu recommencer à sévir, lui qui périclitait à la suite de ses erreurs passées.
Le libre-échange, en dépit des inégalités qu’il provoque, de son rôle dans la déréglementation des services financiers et de ses effets néfastes sur l’environnement, entre autres, reste fortement encouragé.
Les trois derniers G20 — ceux de Toronto, Séoul et Cannes — ont montré sa grande inefficacité, étant ainsi le digne successeur du G8, dont on a crû à un certain moment qu’il prendrait la place.
L’espace consacré aux véritables débats s’est encore plus rétréci, les propositions se sont limitées à quelques questions d’actualité et les véritables problèmes mondiaux ont été vus comme une matière brûlante qu’il ne fallait surtout pas approcher.
Le vide abyssal découlant des rencontres du G20 est encore plus désolant que ce qui ressortait des rencontres du G8 — qui tâchait d’éblouir par de beaux principes jamais appliqués.
G20 contre Rio + 20
Personne ne se désole vraiment de l’impéritie du G20. L’absence de légitimité du groupe mine à la base toute action qu’il pourrait entreprendre.
Alors que plusieurs s’interrogent sur la nécessité d’un gouvernement mondial, un tel club qui s’accorde lui-même, de façon arbitraire, le pouvoir de tout diriger semble l’une des pires propositions.
Mais les problèmes devant nous restent tout entiers et personne ne fournit de relais aux innombrables organisations sociales et citoyennes qui ont des propositions pour transformer l’économie, des propositions indépendantes des intérêts immédiats des banques et des grands actionnaires.
Pour certains, la proximité de la rencontre du G20 et du sommet Rio + 20 est une occasion unique de faire avancer les idées novatrices.
Selon l’expert en politique climatique Pierre Radane, qui mentionne aussi une rencontre de la Conference of the Parties (COP), «il s’agit de 6 semaines de négociations déterminantes pour l’avenir de la Planète. Si nous ratons cette séquence, je ne sais pas comment nous pourrons nous rattraper.»
Mais les deux rencontres s’organisent de façon très différente. Rio + 20 est sous l’égide de l’Organisation des Nations unies (ONU), plus légitime, et se concentre sur des problèmes spécifiques liés à la crise écologique et climatique.
Un enjeu fondamental y sera traité : faut-il aborder les problèmes environnementaux par des solutions de marché ou accorder la priorité à protéger le bien commun ?
De nombreux représentants de mouvements sociaux seront là pour rappeler que seule cette deuxième solution est envisageable.
La rencontre sera en effet doublée d’un Sommet des peuples (comme à Mexico) et d’une rencontre internationale d’ONG, qui impliqueront des citoyens de partout à travers le monde.
Le printemps arabe, le mouvement des Indignés, le printemps québécois sont des symptômes d’une forte résistance à des élites politiques et économiques peu à l’écoute des populations, qui se rassemblent dans des rencontres ultra-sécurisées, convenues et peu profitables, tels les coûteux sommets du G20.
À Mexico comme à Rio, c’est du côté des Sommets des peuples que viendront les propositions crédibles offrant espoir et véritables perspectives d’avenir.
***
Claude Vaillancourt
L'auteur est écrivain et président d’ATTAC-Québec
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé