Aimez-vous les chiffres? Non? Eh bien, Sam Hamad, votre distingué ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, lui, il les aime. Beaucoup. Surtout lorsqu'il joue au petit papa Noël.
Tout joyeux, il vient d'annoncer que le salaire minimum passera à 9,50 $ de l'heure au printemps 2010. Que ce sera une augmentation "historique" de 5,56 %, une "progression de 30 %" en dix ans et le "troisième" salaire minimum le plus élevé au Canada.
Il a toutefois la calculette un tantinet sélective. Même à 40 heures / semaine, c'est moins de 20 000 $ par année. À ce salaire, ça prend une journée entière de travail pour se payer une simple carte d'autobus mensuelle. Alors, pour le reste, je vous laisse faire le calcul. C'est sûr que c'est mieux que rien. Mais ce n'est tout de même pas le pactole!
Quant à son 30 % d'augmentation, décodé, ça fait plutôt ceci: en passant de 6,90 $ à 9,50 $ / heure depuis 1999, on parle en fait d'un gain de seulement 2,60 $ l'heure en 11 ans! "Viande à chien, comme dirait Séraphin, c'est pas des gros bidous, ça."
Charité bien ordonnée...
Sans compter tous ceux et celles qui travaillent pour des salaires certes un peu plus élevés, mais qui en arrachent néanmoins. Aux États-Unis, on les appelle les working poor. Les pauvres qui travaillent.
Mais n'ayez crainte. D'autres papas et mamans Noël veillent au grain. La semaine dernière, quelques ministres ont volé à la rescousse de banques alimentaires débordées par la récession et leur lot d'assistés sociaux et de nouveaux chômeurs. Mais aussi par ces "travailleurs pauvres" de plus en plus nombreux.
Les ministres leur ont fait un beau "don" de 250 000 $ puisé dans leur budget discrétionnaire - une somme annuelle allouée à même les fonds publics à chaque élu pour qu'il donne des sous discrètement à des causes ou organismes de son choix.
Pour les banques alimentaires, là aussi, c'est mieux que rien. De même que pour les gens à qui ça permettra de recevoir un panier de Noël essentiel dans leurs circonstances difficiles. Mais il reste que le geste médiatisé des ministres, c'est de la charité. Et de la charité subventionnée. Ce n'est pas une politique concrète.
Mais les petits papas et mamans Noël n'avaient pas encore terminé leur distribution de cadeaux aux enfants nécessiteux de la patrie.
Il vient tout juste d'annoncer également son "plan d'action" contre l'itinérance. Un "plan", mais là aussi, toujours pas de véritable politique. Et un budget de 14 millions de dollars sur trois ans. Soit l'équivalent de 155 $ par année par personne itinérante, et ce, seulement si on compte Montréal.
Mais attendez tout de même avant d'offrir un biscuit au chocolat aux petits papas et mamans Noël de la Grande Allée. Car derrière leur bonhomie et leurs sourires chaleureux se cache leur bande de grincheux de Noël. Des grincheux dont, en fait, c'est la profession à l'année longue! Soit ceux que j'ai appelés les économistes à cravate et que Jacques Parizeau a baptisés avec ironie les déclinologues.
Bref, on parle de nos grincheux du déficit - ces économistes trempés à l'os dans la vision ultraconservatrice des "Lucides".
Par hasard, quelques jours avant Noël, ils ont déposé un énième rapport sur le "déclin" du Québec. Commandé et payé, évidemment, par le gouvernement. Car c'est toujours à ce type d'économistes qu'il fait appel. Et il le fait parce qu'il pense comme eux.
Ils ont donc fredonné leur refrain préféré: le Québec fonce dans un "mur"! Mais il l'évitera, bien entendu, si on applique leur propre remède de cheval. Soit couper dans le "panier" des services publics, réduire encore les impôts, augmenter les tarifs gouvernementaux, faire davantage appel au privé, etc. Bref, continuer à réduire le rôle de l'État et augmenter celui du privé dans ce qu'on appelle la "prestation de services".
Peuple à genoux, attends ta délivrance! Et sors ton porte-monnaie!
Notez que ces économistes grincheux ne demandent jamais qu'on instaure une fiscalité plus équitable entre les particuliers et les entreprises. Ça ferait trop ringard, trop "go-gauche"...
Tout comme on ne les entend pas trop dénoncer le fait que le gouvernement Charest s'apprête à pomper 42 milliards de nos dollars dans des infrastructures. Et à le faire sans avoir mené une enquête sur les allégations de collusion et de corruption dans l'industrie de la construction. Ni sur le pourquoi de ce 35 % de plus qu'on paye pour nos infrastructures par rapport au reste du Canada!
En voyant le gouvernement jeter autant de notre argent par les fenêtres en sachant qu'une bonne partie atterrit dans de bien drôles de poches, on comprend mieux pourquoi il pratique la charité subventionnée pour des paniers de Noël pendant qu'il s'apprête, en 2010, à couper dans le "panier" de services publics et à augmenter les tarifs.
Les petits papas et mamans Noël de la Grande Allée donnent d'une main. Mais ils reprendront bientôt de l'autre...
Je vous l'ai dit. Derrière ce père Noël de façade, se cache un grincheux. Un vrai. Un grincheux conservateur et fier de sa maxime: "Un bon État est un État qui dépense moins et un bon citoyen est un citoyen qui dépense plus pour des services de moins en moins publics."
(*) Le titre de la chronique est emprunté au film-culte de Jean-Marie Poiré.
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