Le PLQ a toujours eu des problèmes avec la question identitaire. Qu'il s'agisse de langue ou de constitution, elle a immanquablement semé la division au sein du parti. Le débat sur le statut politique du Québec a provoqué le départ de René Lévesque et de Mario Dumont. Le débat sur la langue a fait perdre trois ministres anglophones à Robert Bourassa.
Les crises de cette gravité demeurent heureusement l'exception, mais le malaise est permanent et il s'aggrave chaque fois que le PLQ sent le besoin de se rapprocher de l'électorat francophone.
Après la défaite de 1998, Benoît Pelletier avait tenté de convaincre les militants libéraux de se réapproprier le discours et les symboles identitaires, mais il s'était fait rabrouer sans ménagement. On lui avait clairement expliqué que la simple reconnaissance de l'existence d'une «nation» québécoise ferait le jeu du PQ. Jean Charest lui-même s'était empêtré dès sa première tentative de la définir. Cela avait été la dernière.
Cette fois-ci, c'est l'ADQ qui a forcé la direction du PLQ à tenter une nouvelle incursion sur ce terrain glissant. La réaction des délégués au conseil général de la fin de semaine a été aussi négative. Le PLQ se félicite d'être le seul parti à faire une aussi large place aux anglophones et allophones, mais il y a un prix à payer pour cette surreprésentation. Même pour bien des libéraux francophones, l'appartenance au Canada semble être la première caractéristique de l'identité québécoise.
«Votre définition de la nation civique est exactement la même que celle de Bernard Landry et de Gérald Larose», a lancé un délégué. «Je ne vois pas grand-chose sur le fédéralisme», a renchéri un autre. Selon un troisième, «la supposée crise identitaire est simplement la difficulté des immigrants à s'intégrer au marché du travail».
Le temps a manqué pour débattre d'une résolution imaginée par l'ancien député de Trois-Rivières, André Gabias, qui proposait la création d'une sorte d'hymne national du Québec. Pour plus de sûreté, elle avait été placée tout au bas de la liste. Elle est maintenant enterrée à jamais.
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Le premier ministre Charest l'a clairement dit hier: «Nous sommes le parti de la croissance économique.» Depuis un demi-siècle, l'économie a toujours été la clé du succès électoral, mais aussi de l'unité du PLQ. Après le désolant spectacle de samedi, M. Charest a eu tôt fait d'y revenir, promettant que, «pendant les cinq prochaines années, le Québec va connaître son plus grand chantier de construction depuis la Baie James».
Dans son esprit, la définition du «nous» semble moins une affaire d'identité culturelle que de confort matériel. Il inclut tous ceux qui voudront profiter du «nouvel espace de prospérité» que promet M. Charest. «Tous ceux qui veulent travailler, investir et réussir le Québec avec nous», a-t-il expliqué.
Tout le monde au PLQ reconnaît que c'était une erreur d'avoir voulu faire campagne sur le bilan du premier mandat. Le développement économique sera manifestement au coeur de la prochaine plate-forme libérale.
Pourtant, comme l'a souligné le premier ministre lui-même, «déjà, on a le plus bas taux de chômage depuis trente ans». Bien entendu, il y a toujours place à l'amélioration, mais l'état de l'économie n'est certainement pas la raison pour laquelle le PLQ a obtenu le pire résultat électoral de sa longue histoire.
Le nouveau «conseiller spécial», John Parisella, l'a comparé à un «club social», qui a besoin d'un sérieux ressourcement intellectuel, comme Claude Ryan lui en avait imposé un il y a vingt ans. Il est vrai que M. Ryan en avait fait un parti plus studieux, mais les libéraux avaient quand même perdu les élections. En 1981 comme aujourd'hui, le principal problème était moins le programme que le chef.
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Il faut reconnaître à M. Charest d'être un homme tenace. En fin de semaine, il n'avait vraiment pas l'air d'un homme prêt à jeter l'éponge. On peut le croire quand il se dit inspiré par l'adversité.
En principe, le retour à titre bénévole de deux anciens collaborateurs de Robert Bourassa devait envoyer un message positif aux militants, qui devront se prononcer sur le leadership de Jean Charest au congrès de mars 2008, s'il est toujours là.
Déjà, après la démission de ses trois ministres anglophones, M. Bourassa avait fait appel à M. Parisella, un ancien d'Alliance Québec, pour rétablir les ponts avec la communauté anglophone. Il pourra peut-être rendre le même service à M. Charest, à qui elle n'a pas pardonné sa quasi-exclusion du cabinet.
Il est cependant très inquiétant que ni lui ni Michel Bissonnette n'aient accepté le poste de chef de cabinet du premier ministre. Que les deux hommes ait refusé de quitter leur emploi actuel en dit long sur leur confiance dans les chances de réélection du PLQ sous la direction de son chef actuel. M. Charest devra peut-être se résoudre à recourir aux petites annonces.
mdavid@ledevoir.com
Source
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En complément
"Hier, Jean Charest a mis en garde la population contre la tentation du repli et de la méfiance qu'exploitent, selon lui, ses adversaires, le Parti québécois et l'Action démocratique. «Ils ont en commun de considérer toujours les Québécois comme des victimes: c'est la faute du fédéral, c'est la faute des "Anglais", c'est la faute de l'étranger, c'est la faute de la mondialisation. Alors, ils proposent de lever des murs pour se réfugier», a expliqué M. Charest." (Source: Le Devoir)
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