Ce ne sont pas les bonnes écoles qui font les bons étudiants, ce sont plutôt les bons étudiants qui font les bonnes écoles. Profitant de ma position d’observateur privilégié pendant près de 7 ans alors que j’étais directeur de l’École du Barreau du Québec, j’ai donc pu comparer, au fil d’arrivée, filles et garçons de toutes les universités, écoles et collèges, qu’ils soient privés ou publics.
Contrairement aux idées reçues, le parangon du meilleur étudiant n’est pas nécessairement une fille issue d’une famille riche ayant étudié toute sa vie dans un collège privé et terminé ses études collégiales à Jean-de-Brébeuf avant d’être admise en droit à l’Université McGill. Le meilleur étudiant peut également avoir suivi un parcours totalement différent. Il peut tout aussi bien être un garçon de Rosemont, avoir étudié dans une école publique, être un finissant du Collège Maisonneuve et de l’UQAM. Il peut également provenir de Rouyn-Noranda, où il a étudié dans le réseau public jusqu’à la fin de l’ordre collégial, et avoir poursuivi ses études à la faculté de droit de l’université de Sherbrooke.
Le meilleur indicateur de la réussite scolaire d’un étudiant, ce n’est pas son université, son collège ou son école secondaire, qu’elle soit publique ou privée, ce sont toujours ses résultats antérieurs, sauf dans le cas de 15 % des étudiants qui ne répondent à aucun critère, ceux qu’on appelle les éclectiques. Aucun résultat antérieur, aucun collège, université ou autres indices ne peuvent nous permettre de prévoir leurs résultats futurs. Ce sont des étoiles qui jaillissent dans le firmament de votre école comme des cadeaux inespérés dont la réussite inattendue est mue avant tout par la passion et une très grande curiosité intellectuelle. Aucun test d’admission ne peut prédire leur réussite inopinée, pourtant c’est là que nous découvrons les plus créatifs de nos étudiants.
Pour cette raison, j’ai toujours été contre le contingentement sur la base des résultats antérieurs, je me suis toujours méfié de ces cotes « Z » et « R » qui uniformisent tout et qui ne peuvent nous renseigner sur ces jeunes qui ne répondent pas au paradigme dominant, mais qui grâce à leur créativité et leur curiosité auront probablement la capacité de faire évoluer leur discipline future mieux que quiconque. Lisbeth Salander, l’héroïne de Millénium, un roman de Stieg Larsson qui a connu beaucoup de succès au cours de la dernière année, en est devenue le parfait archétype.
Dire que les meilleurs étudiants proviennent tous des meilleures écoles privées est donc un mythe entretenu par les riches familles et les plus prestigieux collèges privés parce que les meilleures écoles privées permettent aux mieux nantis et aux plus talentueux des classes inférieures de former des réseaux qu’ils entretiendront durant toute leur vie et qui leur permettront de gravir plus rapidement et facilement chacun des échelons de leur carrière.
Un éditeur, provenant tout comme moi du réseau d’écoles publiques et d’une région éloignée, m’a confié, un jour, que même s’il côtoyait les plus grands de notre profession, plusieurs étant ses meilleurs amis, jamais lui ou moi ne pourrions accéder à ces réseaux bâtis de longue date. Ces gens-là forment des « clubs » et se protègent en se favorisant mutuellement, la compétence demeurant une considération bien secondaire. La force de ces réseaux réside indubitablement dans leur étanchéité. Si on doit aider quelqu’un, fatalement, on favorise d'abord un membre du club.
Voilà à quoi servent les meilleures écoles privées et pourquoi tant de parents veulent y envoyer leurs enfants. Plus elles seront réputées, plus elles attireront de riches rejetons et, de ce fait, les réseaux qui s’y formeront ne seront que plus influents. Ainsi, les finissants de ces écoles, qui accéderont un jour ou l’autre au prestige du pouvoir, sauront en leur for intérieur que leur ascension est plus le fruit des liens qu’ils ont tissés au collège que de leur talent et, en conséquence, ne seront que plus généreux envers leur alma mater, sans qui leur succès personnel n’aurait jamais été aussi important.
Louis Lapointe
Le palmarès des meilleures écoles de l’Actualité
Le mythe de l’école privée
Ce ne sont pas les bonnes écoles qui font les bons étudiants, ce sont plutôt les bons étudiants qui font les bonnes écoles
Chronique de Louis Lapointe
Louis Lapointe534 articles
L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fon...
Cliquer ici pour plus d'information
L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
2 commentaires
Raymond Poulin Répondre
24 octobre 2008Monsieur Lapointe, compte tenu de ce que j'ai vu, entendu et vécu en tant qu'enseignant dans les cégeps, je souscris entièrement à votre analyse. Quant à la cote (“R” ou n'importe quelle autre), je la considère comme une aberration, tout autant, d'ailleurs, que les fameux tests de quotient intellectuel, dont on ne peut dire que ceci: si un Q.I. élevé dénote certainement une intelligence brillante, du moins selon les normes bourgeoises occidentales, un Q.I. moyen ou même inférieur à la moyenne ne prouve rien du tout. Ce que semblent mesurer ces tests se résume à la qualité d'un mécanisme adapté à une vision plutôt restreinte de l'intelligence.
Archives de Vigile Répondre
24 octobre 2008Statistiques étonnantes dans La Presse dernièrement.
A Montréal, 32% des élèves sont au privé contre seulement 21% en Montérégie et 17% à Laval.
Qu'est-ce que ça dit? Ca dit qu'en banlieue, même si on est généralement plus riche que sur l'Ile du Maire Tremblay, on envoie ses enfants au public tout simplement parce que le public offre de meilleures écoles qu'à Montréal. Pourquoi les écoles sont meilleures en banlieue?
http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/education/200810/22/01-32023-un-examen-pour-six-colleges-prives.php
Île de Montréal
> Privé : 24 000 élèves ou 32 %
> Public : 52 000 élèves ou 68 %
> Total : 76 000 élèves
En quatre ans, le privé a gagné 2 % du total d'élèves
Montérégie
> Privé : 17 600 élèves ou 21 %
> Public : 67 600 élèves ou 79 %
> Total : 85 200 élèves
En quatre ans, le privé a gagné 1 % du total d'élèves
Laval
> Privé : 3500 élèves ou 17 %
> Public : 16 800 élèves ou 83 %
> Total : 20 300 élèves