Sans cesse depuis des siècles le miracle de Noël se renouvelle, peut-être à cause de ce message même, demandant depuis si longtemps, dans cette nuit de Noël, de faire la paix entre tous les Hommes de Bonne Volonté, réunissant ainsi croyants ou incroyants.
L’histoire de Noël inscrite dans l’imaginaire collectif incarne l’Espoir ; toutes les cultures humaines, à toutes les époques de l’histoire, espèrent que leurs vies, leur monde, leurs connaissances seront sauvés des ténèbres, de la destruction et de la mort. Cette espérance d’un sauveur, rassérène et encourage les êtres humains. Pour les chrétiens, l’histoire de la Nativité exprime cet incroyable mystère de la vie et la foi en la Création. Mais cette fête de Noël possède en même temps une force sous-jacente, rappelant de nombreux souvenirs d’enfance, elle touche, bouleverse, ou émeut, elle apporte espoir, joie et allégresse à tous ceux pour qui ce message de Noël si primordial de paix, reste présent.
Les vieux chants de Noël concourent à faire naître une nostalgie un peu comme un regret de quelque chose de perdu…
Si Noël célèbre la naissance de Jésus-Christ ce n’est toutefois qu’au IVe siècle que la date du 25 décembre a été retenue pour célébrer la fête de Noël, dans le seul but de la substituer aux fêtes païennes soulignant le solstice d’hiver. Au Ve siècle, sous le pontificat du page Grégoire le Grand, la messe de minuit se célèbre déjà et, dès le VIIe siècle, l’usage de célébrer trois messes est établi. Au début du Moyen Âge, la célébration de Noël se répand à travers toute l’Europe, atteignant l’Irlande au Ve siècle, l’Angleterre au VIIe siècle, l’Allemagne au VIIIe siècle, les pays scandinaves au IXe siècle et les pays slaves entre le IXe et le XIIe siècle. Les premières crèches font leur apparition dans les églises italiennes au XVe siècle avant de se répandre partout au XVIIe siècle. Elles ont remplacé de manière statique les jeux scéniques des liturgies médiévales. De même les crèches s’installent dans toutes les églises de France
Dans la Nouvelle-France catholique, cette célébration de la fête de la Nativité revêt une importance sentimentale et spirituelle toute particulière chez les premiers Français venus de France Elle est arrivée avec eux. C’est à leurs ancêtres venus de France que les francophones mais aussi les Amérindiens doivent la traditionnelle messe de Minuit et ses vieux chants de noëls, dont certains remontent au Moyen Âge. Au Canada, les premières crèches d’église représentant la Nativité avec des petits personnages existent depuis les débuts de la colonie.
Avant même les débuts de la Nouvelle-France, dès l’arrivée des Français avec Jacques Cartier la nuit de Noël du 24 décembre 1535 avait été célébrée malgré le froid étonnant de cet hiver septentrional, inconnu jusque-là de ces hommes venus de France. Noël n’a jamais cessé d’être ensuite célébré au temps de la Nouvelle France même s’il était particulièrement bien fêté il faisait l’objet dans les premiers temps d’une célébration essentiellement religieuse. En 1645 une cérémonie de Noël eut lieu avec la messe de Minuit dans la maison de la Compagnie des Cent Associés, l’église paroissiale Notre Dame de Recouvrance ayant été incendiée le 14 juin 1640. À cette occasion, les Français entonnèrent Chantons Noé, un vieux chant de Noël qu’ils avaient ramené de France. Le pain béni était distribué à l’assemblée venue assister à la messe de Minuit. Traditionnellement avait lieu la veillée de Noël, parents, enfants, amis et tout le voisinage se réunissaient pour chanter, tous ensemble, au son des airs joyeux d’accordéon de violon ou d’harmonica tout comme en France, puis après la messe de minuit, c’était bien évidemment le réveillon où toute la famille partageait un repas toujours délicieusement préparé composé de dinde, de tartes à la viande et bien sûr, la bûche de Noël.
Les communautés religieuses, originaires de France, participèrent à cette tradition. Bien qu’elle demeure essentiellement religieuse tout au long de la Nouvelle-France, peu à peu la fête de Noël devient plus importante. Les communautés religieuses confectionnent des friandises pour les enfants, la messe de minuit devient un événement rapprochant et rassemblant la société.
En 1640, les Ursulines de Québec fabriquèrent une première crèche avec un enfant jésus en cire. Compte tenu de la difficulté, à cette époque, d’importer de la mère patrie les personnages de la crèche, les religieuses entreprirent de confectionner elles-mêmes, à la main, des figurines de différentes tailles, à partir de cire d’abeille coulée dans des moules de plâtre. Produisant tous les personnages de la crèche, puis s’y rajoutèrent de nombreux animaux. La crèche ne désignait que la simple mangeoire des animaux où la Vierge avait déposé l’Enfantoun à sa naissance. Par la suite cela désignera l’ensemble même du lieu de la Nativité.
La plus ancienne mention de la célébration de la fête de Noël chez les Amérindiens, remonte à 1641. Le missionnaire jésuite Jean de Brébeuf vivait alors chez les Hurons de la baie Georgienne depuis 1626. Afin de mieux leur faire comprendre le sens de la Nativité, il écrivit un récit en l’adaptant aux spécificités amérindiennes. Composé dans leur langue, ce fut le premier cantique de Noël écrit au Canada « Jesous Ahatonnia » (Jésus est né) « L’Enfantoun » fut emmailloté dans des peaux de lièvre il reposa dans une cabane d’écorce, des chasseurs remplacèrent les bergers, enfin, trois chefs indiens furent substitués aux Rois mages qui, à la place de l’or, de l’encens et de la myrrhe, offrirent des pelleteries au divin Enfant. Le 25 décembre 1648 personne ne se doute encore de ce que l’année suivante 1649, va amener comme tragédie pour le peuple Wendat/Hurons, la rancune des Odinossonis/Iroquois à leur encontre, va être si terrible qu’ils tenteront de tout faire pour tous les éliminer. Cette paisible nuit de Noël se déroule alors agréablement dans la petite chapelle de la bourgade Saint Ignace, en Huronnie à plus de mille deux cents kilomètres de Québec. Les participants entonnent le cantique du père Jean de Brébeuf, l’Enfant Jésus habillé en « Sauvage » repose dans la petite crèche d’écorce, rien ne peut laisser prévoir au cœur de cette tranquille chapelle seule au milieu de grandes forêts, infestées d’Iroquois, qu’ils se préparent déjà au prochain carnage.
Bien que le père Brébeuf ait été atrocement torturé et soit mort lors du massacre des Wendat/Hurons par les Iroquois en 1649, son cantique a traversé les siècles. Ceux parmi les Wendat qui ont survécu à l’extinction de leur peuple par leurs ennemis Odinossonis (Iroquois) en demandant au père Ragueneau de les aider à venir se réfugier sous la protection des Français à Québec, ces survivants de la Huronnie, purent par la suite s’installer définitivement à Lorette. Ils transmirent ce cantique à leurs descendants.
Les chants de Noël venus de France qui ont franchi l’Atlantique sont certes très nombreux, ces chants religieux sont devenus, avec le temps, des chants populaires« Les anges dans nos campagnes » (du Languedoc), « Il est né le divin Enfant », « Dans cette étable » par exemple…D’autres cantiques, tels « Adeste Fideles », « Minuit Chrétiens » et « Sainte Nuit », sont parvenus au siècle suivant, mais il y en eut de très célèbres composés plus tard, par Martial de Brives en 1664, par Surin en 1694, par Pellegrin entre 1701- 1711, par Garnier en 1750 ou encore par Daulé en 1819. Et bien d’autres encore souvent sur des airs d’opéra autour du 18ème siècle. Graves ou naïfs, langoureux ou gais tous apportent le parfum de poésie qui décrit un même peuple parlant une langue merveilleuse Tous ont été religieusement conservés dans les archives de l’hôtel Dieu de Québec.
Les chants de Noël se multiplièrent dès la fin du XVIe siècle mais la plupart des chants sont assez récents tel Minuit Chrétien. Les paroles du « Minuit Chrétien » ont été écrites le 3 décembre 1847 par Placide Cappeau, originaire de Roquemaure, un petit village viticole des bords du Rhône, dans le département du Gard au Sud de la France, situé entre Orange et Nîmes. Poète et auteur mais également juriste, il fréquentait les grands noms du félibrige provençal Frédéric Mistral, Joseph Roumanille ou Alphonse Daudet. Mais aussi Alphonse Lamartine…C’est à ce libre penseur socialiste républicain, anticlérical que l’abbé Eugène Nicolas, connaissant son talent de poète, avait demandé de composer un chant, pour les manifestations culturelles et religieuses, qu’il organisait afin de recueillir quelque financement, pour la réfection des vitraux de la collégiale Saint Jean-Baptiste. Cette année 1847 voyait la construction d’un pont suspendu sur le Rhône reliant le département du Gard à celui du Vaucluse en direction d’Orange. La présence en ville de l’ingénieur Laurey qui construisait le pont et dont l’épouse Emily avait connu le compositeur Adolphe Adam lorsqu’elle chantait à l’opéra de Paris, permit le recours à ce compositeur parisien réputé. Ainsi, le 3 décembre 1847, après avoir écrit le texte dans la diligence qui l’amenait à Paris, Placide Cappeau se rendit directement chez le compositeur afin qu’il mette la musique sur les paroles puis il revint aussitôt à Roquemaure. Ainsi le 24 décembre suivant, Emily Laurey toute vêtue de blanc chanta « Minuit Chrétien » pour la première fois dans l’église de ce petit village provençal.
Le baryton Jean-Baptiste Faure rendit immédiatement si célèbre ce cantique de Noël qu’il sera chanté jusqu’en Louisiane lors de la messe de Minuit, à la cathédrale Saint-Louis de la Nouvelle-Orléans, où se réunissaient les Acadiens et les Créoles. Les Créoles étaient les Français de Saint Domingue réfugiés en Louisiane encore française au moment de la révolution dirigée par François Toussaint dit Louverture, sur l’île. Minuit Chrétien est depuis un moment magique dans toutes les églises francophones. Il a été chanté pour la première fois au Canada le 25 décembre 1858, par la fille aînée du juge René-Édouard Caron (plus tard lieutenant-gouverneur) dans l’église de Sillery après que l’organiste Ernest Gagnon l’eut entendu à Paris l’année précédente. Le même jour le chant sera repris par Madeleine Belleau dans l’église Saint-Jean-Baptiste à Québec.
Le journal des jésuites décrit le Noël du 25 décembre 1895 « le temps fut si doux, la neige avait fondue, l’herbe reverdissait il ne fut pas besoin de réchaud durant la messe de minuit et cette surprenante température dura du 19 décembre au 30 décembre. » Un tel radoucissement de la nature avait été noté aussi dans « le journal du Canada » et dans « l’Evénement »
La conquête de la Nouvelle-France par les Britanniques aura peu d’effet sur la manière dont est célébrée la fête de Noël au Canada français, sinon de voir arriver un symbole des plus laïques, avec le sapin de Noël. « Le sapin de Noël était alors une tradition essentiellement allemande puis états-unienne. Le premier sapin de Noël au Canada s’est implanté à Sorel en 1781, à l’initiative d’un général britannique d’origine allemande. »
Plus vivante que jamais, la tradition de la crèche que ce soit à l’église ou chez les particuliers, a donné lieu il n’y a quelques années à la réalisation d’œuvres remarquables pour la crèche de Saint-Jean-Port-Joli, dont la célèbre Marie de l’Avent qui, depuis, n’a cessé de susciter curiosité et admiration
En 1987, l’abbé Sarto Lord, alors curé de la paroisse de Saint-Jean-Port-Joli, désirait remplacer les anciens personnages en plâtre de la crèche paroissiale.
Ceux-ci s’harmonisaient difficilement avec les teintes chatoyantes d’érable, de chêne et de tilleul que reflétaient les murs intérieurs du temple. Sous l’initiative de Benoît Deschênes, lui-même sculpteur, une quinzaine de sculpteurs de cette municipalité, considérée comme la capitale de la sculpture sur bois au Québec, firent œuvre commune afin de doter leur église d’une crèche comprenant 21 personnages et animaux en bois de tilleul. Jésus, Marie, Joseph, le bœuf et l’âne, les bergers et leurs moutons, l’ange annonciateur ainsi que les rois Mages composent, depuis, cette nouvelle crèche.
Depuis 1988, le village de Rivière-Éternité, situé dans la région du Saguenay Lac-Saint-Jean, tient annuellement une exposition internationale de crèches de Noël. Se déroulant de la mi-novembre à la mi-janvier, cette exposition présente des œuvres artistiques et des réalisations collectives. Y compris des échanges de crèches avec d’autres pays. Plus de 230 crèches sont ainsi réalisées par des artistes et artisans, ou par les habitants eux-mêmes, aussi bien au-dehors devant chaque maison, qu’à l’intérieur. Elles sont illuminées dès 16 heures la nuit tombant rapidement durant les mois d’hiver. Devant le Centre touristique, se dressent aussi de magnifiques crèches sculptées dans la glace. Plus de 10 000 visiteurs viennent chaque année les admirer. En 1994 la crèche de la ville de Trévarez, en Bretagne était présente. En 1995 ce fut le tour de ma ville d'Arles en Provence, d'y présenter une crèche et ses nombreux santons de Provence. Par la suite nous avons pu admirer lors du salon arlésien des santonniers, une crèche de Rivière-Éternité qui avait fait le déplacement jusque chez nous.
La fête de Noël revêt aujourd’hui, différentes valeurs, selon le rapport que chaque personne entretient avec elle, elle a ainsi évolué au fil des siècles en France, au Québec ou partout ailleurs dans le monde. Si pour certains elle reste une célébration profondément religieuse, pour d’autres c’est devenu aussi, une occasion d’agréables festivités, pour d’autres encore elle permet des activités commerciales intenses. Pourtant malgré ce que chacun peut ressentir, le message de cette Paix sur le Monde que cette nuit de Noël persiste à nous envoyer, continuera longtemps à être ressenti au cœur de tous les êtres humains.
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