Le fonds souverain norvégien voudrait limiter les salaires des patrons, en l’occurrence les émoluments exorbitants des hauts dirigeants d’entreprises où il investit. Parallèlement, le gouvernement français mène le même type de combat à l’égard du PDG du constructeur automobile Renault en menaçant de légiférer, si le conseil d’administration de l’entreprise ne respecte pas la décision de l’assemblée générale des actionnaires qui a refusé l’augmentation proposée pour Carlos Ghosn.
Les salaires démesurément exagérés des hauts dirigeants des grandes institutions financières ou des grandes entreprises industrielles sont devenus un sujet récurrent qui prend habituellement plus d’acuité en début d’année. C’est généralement le moment où on publie le palmarès des chefs d’entreprise les mieux payés et où l’on nous fait découvrir que ces salaires sont 400 fois supérieurs au traitement moyen versé aux employés.
Des économistes réputés comme Joseph Stiglitz ou Thomas Piketty dénoncent le caractère exagéré de tels émoluments, car ils considèrent que le lien de causalité entre la performance de l’entreprise et les décisions de ces hauts dirigeants est très ténu. Malgré cela, notre indignation dure à peine plus longtemps que le temps nécessaire pour parcourir la revue de presse. Pourtant, le prix Nobel d’économie, Joseph Stigliz, a traité abondamment dans ses œuvres de ces constructeurs de rentes personnelles que sont devenus ces hauts dirigeants, contribuant du coup à la concentration de la richesse et à la croissance des inégalités.
Plus près de nous, c’est avec la même impuissance que nous regardons les dirigeants de Bombardier s’en mettre plein les poches pendant qu’ils implorent l’aide gouvernementale. Encore plus outrageant, l’entreprise les rémunère en partie à coup de «stock options» en leur permettant d’acquérir des actions à un coût moindre que ce que le gouvernement devra débourser pour les actions avec son investissement d’un milliard à l’entreprise. C’est à croire que nos politiciens font un investissement pour bien soigner ces entrepreneurs susceptibles de leur procurer une belle niche quand ils auront fini leur vie politique.
Aussi ahurissant, ce sont les salaires exorbitants des dirigeants de coopératives ou d’organismes de bienfaisance. Il est difficile de soutenir le mérite d’un salaire de 3,5 millions pour l’ancienne dirigeante du Mouvement Desjardins, institution qui se targue d’être au service des petits épargnants. Il est tout aussi difficile de justifier des rémunérations qui varient entre le quart et le demi-million pour des dirigeants d’institutions caritatives.
En s’attaquant aux salaires injustifiés des hauts dirigeants des grandes entreprises, le fonds souverain norvégien, le plus important fonds de ce genre au monde avec plus de 600 milliards d’actif et des investissements dans plus de 9000 entreprises, amorce une véritable révolution économique. C’est une attaque directe au principe d’accumulation de capital à l’infini que Marx avait décrit comme une plaie et la source des inégalités sociales.
Comme le marché ne peut se réguler lui-même, il est intéressant que de puissantes institutions financières issues de décisions gouvernementales, comme la CDPQ, les Fonds de travailleur et les coopératives économiques, s’inspirent du mouvement amorcé en Europe dans leurs investissements et mettent fin aux rémunérations débridées des grands patrons tout en prêchant par l’exemple avec leur haute direction.
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