CONSULTATION EN CATALOGNE

Le droit de décider et le principe démocratique

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Même la Cour suprême du Canada a reconnu le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes

Depuis l’élection du 25 novembre 2012 et la formation d’un Parlement composé majoritairement de députés favorables à l’indépendance, le peuple catalan vit avec l’espoir de se prononcer sur son avenir politique. Un tel espoir repose aussi sur l’adoption par le même Parlement catalan le 23 janvier 2013 d’une résolution appuyée par 83 de ses 135 députés affirmant notamment que « [c]onformément à la volonté démocratiquement exprimée par la majorité du peuple de Catalogne, le Parlement de Catalogne convient d’engager le processus visant à exercer le droit de décision [dret a decidir] afin que les citoyens de Catalogne puissent décider de leur avenir politique collectif ». La résolution ajoutait : « Le Parlement de Catalogne encourage l’ensemble des citoyennes et des citoyens à prendre une part active dans le processus démocratique d’exercice du droit de décision du peuple de Catalogne. »

En application de cette résolution, le Parlement et le gouvernement de Catalogne ont progressivement mis en place les instruments visant à favoriser la participation dans ce processus et permettre l’exercice du droit de décider. Ainsi, la commission d’étude sur le droit de décider du Parlement catalan a procédé à des consultations et a cherché à éclairer la population sur les tenants et aboutissants de ce droit. Les travaux de cette commission ont contribué à l’émergence d’un vaste consensus autour du processus de consultation présenté le 12 décembre 2013 par le président de la Generalitat, Artur Mas, avec l’appui de 87 députés, issus de sa formation politique (Convergencia i Unio) (CiU) ainsi que de quatre autres partis : Esquerra republicana de Catalunya (ERC), Iniciativa per Catalunya Verds-Esquerra Unida i Alternativa (ICV-EUiA) et Candidatura d’Unitat Popular (CUP). C’est également à cette occasion que ce dernier rendait public le texte des deux questions qui feraient l’objet de la consultation : 1) « Voulez-vous que la Catalogne devienne un État ? » ; 2) « En cas de réponse affirmative, voulez-vous que cet État soit indépendant ? »

Après avoir tenté en vain de convaincre l’État espagnol d’organiser un référendum selon une modalité prévue dans la Constitution espagnole et essuyé une fin de non-recevoir, le Parlement catalan a adopté le 19 septembre 2014, et ce par 106 députés sur 134, la Loi sur la consultation populaire non référendaire et la participation citoyenne. Et c’est sur la base de cette loi que le président Artur Mas signait le 27 septembre un décret autorisant la tenue de la consultation non référendaire le 9 novembre et mettait en place par un décret le 2 octobre suivant une Commission de contrôle des consultations populaires non référendaires.

Réponse légale

La réponse de l’État espagnol aux gestes posés pour favoriser l’exercice par le peuple catalan de son droit de décider aura consisté, pour l’essentiel, à faire invalider ceux-ci par le Tribunal constitutionnel espagnol. Ainsi, le gouvernement demandait en premier lieu aux 12 juges de cette cour d’invalider la résolution du 23 janvier 2013. Les juges statuaient en ce sens le 25 mars 2014. Le gouvernement espagnol faisait à nouveau appel à ce tribunal pour déclarer l’inconstitutionnalité de la loi sur les consultations ainsi que du décret pris en son application. Comme l’y autorise la Constitution espagnole, le Tribunal suspendait l’application de ces loi et décret. Disant vouloir rester dans la légalité, le gouvernement catalan décidait le 17 octobre de s’abstenir de tenir une consultation en application des loi et décret dont la constitutionnalité était remise en cause. Il substituait à cette démarche un processus de participation citoyenne (www.participa2014.cat) destiné à permettre aux Catalans et Catalanes de se prononcer sur leur avenir politique. Le gouvernement espagnol s’est attaqué aussi à ce processus et une nouvelle requête en illégalité a été déposée auprès du Tribunal constitutionnel espagnol le 31 octobre.Le tribunal prononce a également prononcé une suspension de ce processus mardi.

Si la Constitution espagnole affirme en son article 2, « l’unité indissoluble de la nation espagnole » et que « la patrie est indivisible », le peuple catalan est titulaire, comme le peuple québécois, du droit à disposer de lui-même. Il peut déterminer librement, en application de ce droit, son statut politique. L’affirmation de ce caractère indissoluble et indivisible est d’ailleurs contraire à la norme impérative du droit international qu’est devenu le droit à l’autodétermination des peuples. Il l’est également avec le principe démocratique présenté par la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec comme le fondement du droit du Québec à chercher à réaliser la sécession. Cet avis consultatif du 20 août 1998 contient des énoncés qui ont une portée universelle et devraient s’appliquer dans toute société qui se considère comme démocratique, y compris l’Espagne.

Les Catalans et les Catalanes ont raison d’affirmer leur droit de décider et peuvent invoquer à leur bénéfice le principe démocratique. Luttant pour la liberté et voulant assurer la pérennité d’une langue et d’une culture, leur peuple, dont les artistes ont tant contribué à enrichir le patrimoine culturel de l’humanité, qu’il s’agisse de Joan Miró, Antoni Tàpies, Frederic Mompou, Jordi Savall, Lluís Lachs et Josep Carreras, poursuit sa démarche d’autodétermination avec courage, persévérance et détermination. Il mérite l’appui des Québécois et des Québécoises.


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