La colonisation britannique
du Canada après 1763
« L’ACTE DE QUÉBEC :
« Toute la philosophie de cette constitution tient compte des Canadiens. […]
Ce plan favorable aux Canadiens n’empêche pourtant pas le plan de colonisation anglaise…
[…] les marchands, les « Canadians » n’accepteront jamais l’Acte de Québec ».
Les oscillations et les contradictions de la politique impériale britannique tant en Grande-Bretagne que dans la colonie contribuent à alimenter le conflit tant à Londres qu’à Québec. D’où la question qu’il importe de se poser : « Que faire de la population canadienne française ? » Après 1763, Londres fait face à ses colonies. Il y a les 13 Colonies anglaises et la 15e Colonie qui est constituée des restes de la Nouvelle-France. Comment le gouvernement britannique parviendra-t-il à conserver l’harmonie dans ses colonies d’Amérique du Nord ?
Au cours de la première décennie, les enjeux d’équilibre colonial se solderont finalement par deux défaites. Les Américains ne réussissent pas à « réaliser l’union dans la révolte » et l’Angleterre ne parvient pas à « imposer l’Unité dans la soumission ». Ces deux défaites « sont à l’origine du séparatisme dans la vallée du Saint-Laurent ».
L’Acte de Québec a joué un rôle important dans ce contexte géopolitique en faveur du Canada-Anglais. Par ailleurs, il a conforté le sentiment national des Canadiens. Selon Maurice Séguin, « une survivance indestructible s’annonce très tôt pour les Canadiens-français » (dans Histoire de deux nationalismes au Canada, p. 37). Il était inévitable que le Canada du passé (avant 1760) entre en conflit, sur le plan national, avec la nouvelle colonisation anglaise dans la vallée du Saint-Laurent.
La leçon que nous devons tirer de cette période (soit les années 1770 à 1776), c’est que notre histoire récente du Québec peut nous rappeler que l’affrontement de deux nations au Canada n’est pas le fruit d’événements récents, mais de forces profondes qui tiennent aux structures historiques de notre Passé, c'est-à-dire de l’histoire qui a été réellement vécue. S’imaginer que les Québécois-Français peuvent effacer du revers de la main le poids des résistances du Canada-Anglais, c’est vouloir se bercer d’illusions.
Bruno Deshaies
***
HIST 585 Introduction à l’histoire du Canada
Maurice Séguin
Synthèse générale de l’évolution
politique et économique
des deux Canadas
III.– 1770-1774 Deuxième plan : la colonie-garnison : idée générale : une colonie militairement, militairement anglaise, composée de colons français (ce ne fut pas facile).
12.– Le Plan du Board of Trade : c’est un organisme consultatif en Angleterre, sensible aux intérêts des Canadiens anglais…) ; il veut reprendre 1763 en faisant des concessions aux Canadiens ; [il est favorable à] une chambre d’Assemblée dominée par les Anglais mais où entreraient des Canadiens ; les lois anglaises dans la colonie, mais lois civiles françaises surtout quant à la propriété terrienne ; pratique de la religion catholique et l’évêque surveillés de très près par le gouvernement colonial…
13.– Plan de Carleton : beaucoup plus libéral… : la première place aux Canadiens-français. Pourquoi ? À cause du climat, il ne croit pas à la colonisation anglaise (sauf peut-être dans les villes) ; les 13 colonies s’agitent et elles vont appeler la France à leur secours : il faut détacher les Canadiens de la France : en cas de guerre entre la Grande-Bretagne et ses colonies, la vallée du Saint-Laurent constituerait un excellent poste stratégique ; on pourrait y loger une armée anglaise de 10 000 hommes qui travaillerait de concert avec l’armée de New-York ; pour cela il faut que la paix existe ici afin de ne pas créer de problème à cette armée. La faiblesse de l’argumentation de Carleton : ce sont des idées qui ne peuvent qu’être temporaires…
14.– De plus, Carleton ne veut pas d’Assemblée : ce qu’il veut c’est un Conseil dominé par le Gouverneur et les Anglais favorables aux Canadiens avec une minorité de Canadiens… Il veut aussi l’établissement presque complet des lois civiles françaises et pleine liberté à l’Église.
15.– Résumé de ce plan : sous Murray, le nombre et la justice avaient valu des concessions aux Canadiens ; sous Carleton, un facteur nouveau se fait jour : utiliser le particularisme, le nationalisme des Canadiens vs les Américains. Une des causes de l’Acte de Québec. C’est la politique du French Party avec Mabane et Carleton : politique favorable aux Canadiens…
16.– L’Acte de Québec : vient intensifier les concessions déjà accordées, vient légaliser et appuyer la survivance des Canadiens-français ; cette constitution encourage le fait français. Toute la philosophie de cette constitution tient compte des Canadiens.
17.– Le plan de Carleton : déclasse celui du Board of Trade dès 1770 et en 1773 on commence à rédiger ce projet de loi qui est voté en 1774…
18.– Les conflits en sont accentués : ces concessions au Canada du passé accentuent le conflit qui existaient déjà entre les deux groupes… Une dure querelle aussi entre les métropolitains à Londres et ceux qui vinrent dans la colonie…
19.– Conflit dans l’administration de la colonie : Masères et Hey ne veulent pas aller aussi loin que Carleton, et LES MARCHANDS, LES « CANADIANS » N’ACCEPTERONT JAMAIS L’ACTE DE QUÉBEC [cf. NOTE].
20.– Ce plan favorable aux Canadiens n’empêche pourtant pas le plan de colonisation anglaise… Sous cet acte, les loyalistes (agricoles) viennent s’ajouter aux marchands anglais… eux-mêmes obtiennent beaucoup de succès dans le commerce des fourrures…
IV.– 1773-74-76 Deuxième phase – Crise anglaise américaine vs la Grande-Bretagne : Guerre loyale
21.– Les 13 colonies prennent les armes, tout en continuant de se proclamer « British » : à preuve leur drapeau constitué de 13 bandes avec dans le coin l’Union Jack ; ils tiennent à l’empire britannique, mais ils défendent leur statut de coloniaux…
22.– Ces impériaux vont envahir le Canada en 1775 ; ils n’ont pas encore proclamé la république. Ils envahissent le Canada pour empêcher que le Québec ne soit ce poste stratégique que les Anglais veulent. Ici, la masse des Canadiens-français est favorable aux Américains, mais ils n’ont pas de chefs qui puissent les entraîner à suivre les révoltés… (Carleton avait bien réussi dans sa politique de gagner à l’Angleterre les Canadiens).
Les Canadiens-anglais :
- il y a des mécontents qui n’ont pas oublié l’Acte de Québec ; ils auraient autant de raisons que les Américains de se révolter, mais eux ils ont besoin de l’Angleterre.
- les autres ne sont pas sympathisants : ils n’ont pas d’intérêt à se révolter : ils restent neutres d’ailleurs ils sont trop faibles quand on pense à la garnison anglaise qui était cantonnée ici.
23.– Les révoltés veulent unir le Canada à la révolte ; une lutte s’engage pour réaliser l’union dans la révolte ; décembre 1775 : échec des Américains britanniques révoltés.
24.– L’Angleterre avec une armée de 10 000 hommes, partie du Canada veut imposer l’Unité dans la soumission ; elle ne réussit pas non plus, lorsque l’armée de Burgoyne doit capituler. Ces deux défaites pour réaliser l’unité (ou dans la révolte ou dans la soumission) sont à l’origine du séparatisme de la vallée du Saint-Laurent.
Période de 1776 à 1787 (suite à la prochaine chronique)
RÉFÉRENCES :
Maurice SÉGUIN, « Synthèse générale de l’évolution politique et économique des deux Canadas. » Notes de cours établies par les étudiants qui ont suivi le cours HIST 585 intitulé « Introduction à l’histoire du Canada » en 1961-1962. Description : « Sociologie du national. Les principales explications historiques de l’évolution des deux Canadas. » (Université de Montréal, Département d’histoire.)
Maurice SÉGUIN, Histoire de deux nationalismes au Canada, Montréal, Guérin, Éditeur, 1997. Leçon II : « Début du Canada-Anglais 1763-1774 » (p. 33-57).
NOTE :
Adam SHORTT et Arthur G. DOUGHTY, éds, Documents concernant l’histoire constitutionnelle du Canada, 1759-1791. Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1911, p. 203-240
Pour les paragraphes 13 à 17, le long mémoire adressé au secrétaire d’État pour les colonies, le comte de Hillsborough, vise à influencer les idées en Angleterre en vue d’obtenir des modifications à la première constitution de 1763. Le document se prépare depuis le 20 novembre 1768 par une correspondance secrète du gouverneur Carleton adressée au comte de Hillsborough. Le 11 septembre 1769, le Procureur général, Francis Masères, fait parvenir au secrétaire d’État pour les colonies un « Projet de rapport préparé par l’honorable gouverneur en chef et le Conseil de la province de Québec, pour être présenté à Sa Très Excellente Majesté le roi en son Conseil, au sujet des lois et de l’administration de la justice de cette province ». Il faut toutefois comprendre ce « rapport » dans la perspective des paragraphes 19 et 20. Masères et Hey, soit le Procureur général le juge en Chef dans la colonie, ne veulent pas aller aussi loin que Carleton.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé