Il y a deux façons de faire dérailler un projet politique : ne plus en parler ou parler de tout, sauf du projet lui-même.
Les indépendantistes – en reste-t-il vraiment? – ont été et sont toujours victimes de ce déraillement politique.
Ils ont mis à la tête d’une formation politique connue – sauf une exception – des chefs qui ne croyaient pas à leur mission première : expliquer et expliquer toujours les enjeux et les difficultés de faire un nouveau pays. Ils se sont amusés avec le mot «indépendance», le traficotant, l’associant, le désassociant, le travestissant jusqu’à ce qu’il désigne exactement le contraire de la définition de tous les dictionnaires. Ils ont toléré des discours ambigus, des programmes frelatés, désarticulés, chamboulés. Ils ont toléré l’intolérable : des chefs qui, de leur plein gré, ont charcuté l’essentiel, mis à l’ombre l’option fondamentale, la reléguant aux calendes grecques. Pire encore, ils ont toléré qu’un chef abandonne la raison d’être même de la cause qu’ils voulaient défendre.
Ils se sont tus. Ils ont gardé silence. Ils ont espéré qu’en ne parlant pas, le pays allait naître comme par enchantement. Ils ont eu peur après avoir parlé à tant de gens qu’il fallait ne pas avoir peur. Bref, ils ont tué eux-mêmes l’espérance qui est née, un soir d’automne, en octobre. Ils se sont endormis dans les neiges hivernales québécoises, en attendant un printemps qui n’est jamais venu. Ils ne parlent plus. Ils ne savent même plus les mots pour le dire. Ils sont timorés. Ils sont écrasés. Ils protestent parfois. Mais, dans le fond, ils sont découragés, désengagés, des faux-croyants emmitouflés dans leur confort et leur indifférence.
Pire encore, le déraillement politique s’opère présentement sur un autre flanc. Ils parlent de tout, sauf de ce qu’il faudrait parler. Ils jasent de corruption, de collusion, de malversations, de pourriture et, pendant qu’ils causent de ce qui ne sent pas bon, pendant qu’ils alimentent leurs discours de détournements, d’argents sales, de pots-de-vin et de petits amis qui empilent, ils n’ont rien à présenter pour remplacer ce qui semble, de toute évidence, ne pas les satisfaire.
A l’Assemblée, une chef s’époumone à dénoncer. Elle se scandalise. Elle déchire ses vêtements devant l’abomination. Mais, de sa bouche, rien ne sort pour présenter une alternative. Elle en rajoute, en additionne, pensant que le renouveau apparaîtra sur les pourritures de régimes cousus de fil blanc.
Les indépendantistes – en reste-t-il quelques-uns ? – pourraient, dans cette mêlée nauséabonde, offrir un vent d’air frais, un espoir printanier, après les arpents de neige qui se sont amoncelés depuis des lustres. Ils semblent plutôt se régaler de la situation, la noircir davantage, pensant, qu’en faisant mal paraître l’adversaire, l’électeur les jugera plus aptes à diriger le Québec de demain. Il ne suffit pas pour mériter de produire de nobles fruits de critiquer l’arbre d’en face qui semble donner une récolte insatisfaisante. Il faut un semeur. Il faut un visionnaire. Le Québec n’a ni l’un ni l’autre. Il n’a que des opportunistes qui, sentant le pouvoir s’approcher, se consolent en pensant que la faiblesse de l’un, consacrera, de facto, la force de l’autre.
Il faut quelqu’un de neuf pour refaire du neuf. On ne met pas le vin nouveau dans de vieilles outres. Celles-ci sont démodées, percées, prêtes à être jetées aux rebus. Qui sera celui qui dira ce qu’il faut faire pour changer les choses et qui aura le courage de dire qu’il faut le faire, le faire vite, car, il en est de peuples comme des individus : si les mutations ne se font pas au bon moment, on risque de le ou les perdre dans le rythme effréné de l’histoire qui coule.
Le Québec, dans la grisaille entretenue, mérite sans doute mieux. Mais, pour mériter mieux, il faut avoir le courage d’admettre qu’il faut des changements profonds d’attitude, des mutations qui feront mal, des façons de faire qui n’ont pas encore été proposées, des habitudes à rejeter.
Le temps est venu. Il faut trouver celui qui les présentera. Il faut trouver un peuple qui les appuiera. Je ne vois pas encore le présentateur. Je ne vois pas non plus le peuple, exultant de joie, appuyant les nécessaires changements.
***
Nestor Turcotte- Matane
http://sites.rapidus.net/neturcot/
« Le monde s'est divisé entre Conservateurs et Progressistes. L'affaire des Progressistes est de continuer à commettre des erreurs. L'affaire des Conservateurs est d'éviter que les erreurs ne soient corrigées. »
(Chesterton)
Le déraillement politique
Il y a deux façons de faire dérailler un projet politique : ne plus en parler ou parler de tout, sauf du projet lui-même
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7 commentaires
Jean-François-le-Québécois Répondre
27 octobre 2009@ Gilles Bousquet:
Je le répète: la plupart des Québécois ne comprennent pas ce qui est en train de leur arriver.
Et n'essayez pas de parer dans le style typique de Sam Hamad, en me parlant de l'avenir, en l'opposant à un passé, comme si ce que j'avais dit, touchait des choses obsolètes.
Les Québécois connaissent mal leur histoire; la plupart d'entre eux ne suivent pas sérieusement l'actualité politique. Et ça joue en faveur des forces fédéralistes! Absolument!
L'avenir, il est créé étape par étape; jour après jour; et ce qui a existé dans le passé, de même que chaque geste posé dans le présent, contribuent à orienter le futur dans la direction qu'il empruntera!
Sommes-nous d'accord? En tout cas, je l'espère!
Et votre expérience, dont vous parlez maintenant... Je ne dis pas que le français va disparaître dans quelque années; mais si nous laissons faire les forces telles que le gouvernement Charest et la Cour suprême du Rest of Canada, il viendra assez vite un point où nous n'aurons plus le nombre, ni les ressources, pour défendre notre langue. Il y a déjà assez, que la plus haute cour de LEUR pays est d'emblée biaisée sur la question. Entretenez-vous un doute à ce sujet?
L'avenir évoluera dans une direction, ou dans l'autre; mais le futur ne s'est pas matérialisé, encore. Mais n'attendons pas que les choses évoluent jusqu'à un point de non-retour!
La situation peut sembler pas si mal, si on regarde certaines données, reflétant notre passé, M. Bousquet. Mais ne voyez-vous pas que la société change à un rythme plus rapide, aujourd'hui? Et les données démographiques ne sont plus les mêmes, notamment à cause de notre faible taux de natalité des années 70, 80 et 90, et de l'immigration massive, soutenue par Ottawa.
Quand on fait une comparaison, entre deux situations, on doit le faire en choisissant les bons critères, et en tenanat compte de chaque contexte.
Pourquoi ne pas dire aux Québécois les seules, les vraies, les cruciales raisons de réaliser l'indépendance, plutôt que de tenter de leur vendre, à moyen terme, un sous-produit de souveraineté, comme si notre nation, si on lui donnait enfin les faits, n'était pas capable de faire le bon choix?
Voulez-vous répondre, et honnêtement, à cela, monsieur Bousquet? Je vous donne l'occasion de clairement expliquer votre vision des choses, je pense.
Gilles Bousquet Répondre
26 octobre 2009M. Jean-François-le-Québécois, d’accord, les Québécois connaissent peu l’histoire de Lord Sutton, pas plus, que celle du gouverneur Craig. On ne va pas les motiver en faveur de la souveraineté en les pompant sur le passé mais sur l’avenir, sur ce qui pourrait leur rapporter comme seuls maîtres dans un Québec souverain...genre.
En passant, selon mon expérience, on n'a pas encore raison de paniquer sur la survie de notre langue française au Québec. D’accord pour s’en inquiéter et continuer de la protéger, malgré la Cour suprême. La langue française semblait plus en danger, avant les années 60 à Montréal, principalement dans sa partie Ouest et dans nos grandes institutions bancaires, industries et commerces, qu’elle ne n’est aujourd’hui, grâce au PQ et à sa loi 101 qui est devenue la langue de travail en remplaçant largement la langue anglaise qui régnait alors.
La langue française est encore en sécurité à Matane, St-Hyacinthe et Québec et ailleurs au Québec itou.
Jean-François-le-Québécois Répondre
26 octobre 2009@ Gilles Bousquet:
Je n'ai pas écrit que tous les Québécois ne comprennaient pas les enjeux; j'ai écrit qu'ils étaient nombreux, cependant, trop nombreux, à ne pas les saisir.
Non, la majorité des gens, dans la ville où j'habite, du moins, ne comprennent pas du tout la gravité de ce qui est en train de nous arriver; de ce qu'on est en train de faire à la nation québécoise... Sinon, nous verrions des émeutes se produire!
Monsieur Bousquet, vous dites que vous pensez que les Québécois compennent la situation, mais entre nous, beaucoup d'entre eux disent ne pas s'intéresser à la politique, mais apprennent par coeur les statistiques du hockey... D'autres ignorent, par exemple, qui étaient le boucher que fut Lord Sutton, ou qui était le tristement célèbre gouverneur Graig...
Nous avons eu aux dernières élections provinciales, un taux d'abstention record, en outre...
Ah, oui, les Québécois comprennent bien, et sont bien au fait, de ce qui est en train de se passer?
Gaston Boivin Répondre
26 octobre 2009Monsieur Bousquet, il faudra bien finir par comprendre que ce n'est pas en regardant brûler la maison qu'on la sauve des flammes. Si on atted que 60% ou plus des gens soient d'accord pour qu'on éteigne l'incendie, c'est certain qu'elle va brûler et avec tous ses meubles d'ailleurs.
Archives de Vigile Répondre
26 octobre 2009Merci monsieur Bousquet. JE connaissais votre refrain. Ils ne le font pas présentement... mais ils vont le faire un jour... Il ne faut pas faire ceci parce qu'un jour, ils font faire mieux et faire cela éventuellement.Il ne faut pas dire ceci, car cela pourrait empêcher le PQ de reprendre le pouvoir et faire ce qu'il a déjà fait avec. Etc....
Mais, sur quelle planète vivez-vous? Le BQ ne parle jamais de l'indépendance du Québec à Ottawa. Le PQ est tout aussi silencieux à Québec.
Alors, concluez. Vous ne concluerez pas parce que, tout simplement,le «péquisme» vous tient plus à coeur que les idées à défendre. Pas étonnant que Pauline reste dans la cave des sondages. Je retourne à mes livres.
Gilles Bousquet Répondre
25 octobre 2009À M. Jean-François-le-Québécois qui écrit : «Nous avons beau leur expliquer, ils ne comprennent pas bien les enjeux...»
Les Québécois, à mon avis, comprennent bien les enjeux mais, 60 % craignent encore trop les conséquences de sortir le Québec du Canada « 50 % de francophones plus 90 % d’anglophones », plus ou moins, selon les évènements.
Quoi faire ? Continuer à y croire et croire aux députés du PQ qui portent la bonne nouvelle comme ceux de l’ABCD de la souveraineté 1,2,3,4 qui sont présentés sur courtes Vidéos à Vigile, ici. Très convaincants.
Faire confiance à ses chefs vaut beaucoup mieux que de leur taper dessus parce qu’on pense qu’ils ne sont pas assez ceci ou trop cela…genre. Ils finiront bien, si nous ne leur plaçons pas trop de bois dans les roues, à mener le Québec vers une meilleure destination.
Jean-François-le-Québécois Répondre
25 octobre 2009@ M. Nestor Turcotte:
Oui, il en reste, des indépendantistes, dont votre humble serviteur. Mais c'est que le parti supposément indépendantiste, et nous, ne sommes plus sur la même longueur d'onde. Et Québec solidaire, ça me semble être un parti indépendantiste mou, disons (comme le PQ d'aujourd'hui).
Quant au PI, ça lève pas. Ou pas encore (mais le temps presse, justement).
Et nos compatriotes sont trop nombreux à ne pas comprendre ce qui se passe présentement à Québec et à Ottawa. Nous avons beau leur expliquer, ils ne comprennent pas bien les enjeux...