Samuel Lapointe - Monsieur Gagnon, à la lecture de votre texte «Haro sur le cynisme» publié dans Le Devoir de lundi, je n'ai pu m'empêcher d'accrocher sur quelques petits détails de votre exposé qui me dérangent.
Je dois d'abord vous dire qu'en exprimant une crainte en lien avec le cynisme grandissant dans la population et le désengagement politique au Québec, vous citez une problématique importante sur laquelle se sont déjà exprimés plusieurs autres observateurs. Vos préoccupations sont fondées.
S'il est vrai qu'un système démocratique sans engagement citoyen perd en soi tout son sens, une société qui voit apparaître ce genre de problématique à l'horizon serait mal avisée de ne pas en tenir compte si elle désire perpétuer ses institutions. Je vous l'accorde, Monsieur Gagnon, il faut y faire quelque chose.
À qui la faute?
Votre billet affirme que le cynisme gagne du terrain dans la population. La jeunesse, surtout, se détourne de la politique. Le tout étant contagieux, vous peignez, à l'intérieur de votre texte, le portrait critique d'une société démocratique en perte de vitesse. Le cynisme deviendrait maintenant l'ennemi à abattre.
Il faut faire attention de ne pas utiliser des propos populistes et des généralités. Il ne faut pas mélanger les causes et les effets, Monsieur Gagnon. Si le cynisme accompagne souvent les manquements démocratiques, il n'en est pas l'origine. Le cynisme est la conséquence d'une problématique plus complexe. S'y attaquer ne pourrait donner que très peu de résultats. Inverser les causes et les effets, c'est faire porter la faute sur une population qui réussit très bien à se culpabiliser sans aide.
Il est facile de lancer le désaveu sur une masse anonyme. Trouver des solutions constructives requiert, par ailleurs, beaucoup plus d'énergie. Tenter de modifier l'attitude de près de 7 millions de Québécois me semble être la moins efficace de toutes les solutions.
Le cynisme politique est, je vous l'accorde, une problématique réelle, mais il constitue aussi une réaction intelligente d'une population qui a trop bien compris ce système. Qu'est-ce qu'un manque de participation, un désengagement ou un cynisme généralisé dans la population si ce n'est un message lancé à la classe politique? Votre texte vise, mais rate. La «voix populaire» comme vous le dites, ne peut se faire entendre que si elle est écoutée.
Éducation politique
Cette question n'est pas soulevée pour la première fois au Québec, mais la conclusion reste toujours la même: «La population se désintéresse de plus en plus de la politique et la démocratie s'en trouve affaiblie. Pire encore, c'est notre jeunesse qui s'isole et ne s'exprime plus sur la place publique.»
Ce verdict pourra plaire à tout le monde puisque la population, l'accusée, possède cette capacité phénoménale de se taper elle-même sur les doigts à coups de sondages et de tribunes téléphoniques. La solution proposée au problème? Lancer une campagne pour conscientiser les Québécois à l'importance du vote et mieux éduquer la jeunesse à la politique québécoise.
Encore faut-il faire attention avec cette histoire d'éducation. Il ne faudrait pas que la démarche soit contre-productive. Il faut faire gaffe avec les jeunes. Lorsqu'on leur explique le système uninominal à un tour, il ne faut pas trop s'attarder sur le fait que leur vote change en importance selon la région d'où ils proviennent. Après tout, c'est décourageant. Ceux qui votent pour Québec solidaire en Beauce le savent très bien. On les compte, et on les jette.
Il y a bien évidemment cette contribution financière offerte aux partis selon le nombre de votes reçus, mais le but réel du vote est une représentation, non?
Il faut aussi peser nos mots quand on aborde le nombre de députés à l'Assemblée nationale. Avec 125 élus, la population entend souvent parler les 20 ou 30 mêmes. C'est qu'il faut rester flou avec des concepts comme la «ligne de parti». C'est décourageant pour un citoyen d'apprendre, après qu'il a eu la chance de voter dans la bonne circonscription, que son député joue le rôle d'une marionnette.
Il faut bien sûr parler du travail fait en comité parlementaire. Là, les députés sont libres de leurs opinions... à l'intérieur de balises bien établies. Ils font aussi un énorme travail au sein de leur communauté, où ils sont actifs et aidants. Un peu comme les ONG d'ailleurs.
Finalement, il serait plus efficace de laisser tomber l'éducation politique et de lancer des campagnes de publicité pour faire comprendre que si nous n'allons pas voter, les services publics seront abolis. La peur fait raisonner mieux que tout, finalement.
Congrès
Je tiens à vous souhaiter la meilleure des chances lors de votre congrès annuel des jeunes libéraux. J'espère que vous ferez un bon travail de réflexion sur ce sujet qui me tient à coeur. Il faut croire, Monsieur Gagnon, que la population prendra la place qu'on lui laisse sur l'échiquier politique.
Je souhaite que la Commission-Jeunesse du PLQ puisse arriver à une réflexion profonde sur ce sujet. Je vous souhaite de trouver les moyens pour que les campagnes électorales débattent des idées et des projets plutôt que du passé et des scandales. Que votre commission trouve des solutions à la désinformation et à la mauvaise foi et qu'elle trouve des façons pour rendre les institutions politiques plus efficaces et plus à l'écoute.
La population en général et surtout votre parti attend des jeunes qu'ils innovent et réinventent la politique. Et si vos collègues trouvent la tâche trop difficile, vous pourrez toujours leur répéter cette citation de Winston Churchill qui a ouvert votre propre texte: «La démocratie est le système politique le plus difficile à obtenir, mais le plus facile à perdre.»
Et de grâce, Monsieur Gagnon, ne voyez pas la population comme un groupe de cyniques désenchantés. Nous avons la fâcheuse tendance à agir comme le reflet de vos perceptions.
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Samuel Lapointe, Montréal
Réplique à Julien Gagnon, président de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec
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