Le Congrès des jeunes libéraux a été tenu sur le thème du «cynisme» envers les politiciens et des divers moyens d'y remédier. Les jeunes libéraux proposent, entre autres choses, de modifier la loi sur le financement des partis politiques et d'empêcher les élus d'éviter de répondre aux questions à l'Assemblée nationale. Selon eux, ces mesures devraient avoir un effet sur la prévalence du «cynisme» dans la population, devenu le nouvel ennemi public numéro 1 du politique.
Mais les gens sont-ils vraiment «cyniques»? Il m'apparaît que le terme «cynique» n'est pas le bon pour qualifier l'ambiance qui règne au Québec et la relation qui unit le peuple à ses élus.
De l'individu «cynique», Le Petit Robert dit: «Qui exprime ouvertement et sans ménagement des sentiments, des opinions qui choquent le sentiment moral ou les idées reçues, souvent avec une intention de provocation.»
Le terme «cynique» prend sa source dans une école de philosophie grecque antique. Un de ses fondateurs et son incarnation la plus connue, Diogène, vivait presque nu dans un baril au coeur d'Athènes. Diogène se moquait de tout le monde — les autres philosophes inclus — et ne manifestait aucun respect pour les normes et pour les conventions de la vie publique athénienne. Il narguait régulièrement Platon et, un jour qu'Alexandre le Grand demanda à le rencontrer alors qu'il dormait dans son baril de bois, il lui lança: «Tasse-toi de mon soleil.» Le comble du cynisme.
On dit aussi que Diogène ne possédait aucun bien, à l'exception de son baril et d'un manteau en peau qui lui servait de couverture et qu'il lui arrivait de se masturber en public. On parle ici d'un rebelle éduqué qui écrivait beaucoup et donnait des leçons de philosophie.
Le cynisme est une attitude provocatrice, anticonformiste et profondément irrévérencieuse. Même aujourd'hui, le «vrai cynisme» est une façon d'être étudiée, réfléchie, informée, une position philosophique solidement enracinée dans une lecture très particulière du monde. Une lecture souvent noire et frisant la misanthropie.
Il m'arrive rarement de croiser des personnes véritablement cyniques. Je ne connais personne qui soit vraiment «cynique» envers les politiciens. D'ailleurs, l'utilisation du terme «cynique» pour désigner un comportement largement répandu dans la population est en soi paradoxale. Le cynique est celui qui se place, par ses prises de position, contre le plus grand nombre et qui cherche délibérément à choquer, à provoquer, à déranger.
Je vois très peu de cas de ce genre au Québec par les temps qui courent. Le fait de ne pas aller voter, à notre époque, n'a rien de particulièrement provocant. Les scandales et la corruption ne rendent pas non plus les gens «cyniques», mais simplement désabusés, désillusionnés. Personne ne pense à narguer le système, encore moins à proposer quelque chose en échange comme le faisait Diogène à Athènes.
Inspirer
Les Québécois ne sont pas «cyniques» envers les politiciens, ils sont tout simplement désintéressés par la politique. Devant l'abondance et l'accessibilité du divertissement, il n'est pas surprenant que les gens préfèrent un bon film au nouvel épisode de la saga du CHUM ou au «débat» sur la réfection de l'échangeur Turcot.
Il faut le dire, pour le commun des mortels, la politique, c'est devenu plate. Nos politiciens sont devenus des fonctionnaires. Ils ne nous inspirent plus rien. Ils sont de petits gestionnaires qui calculent les coûts et les bénéfices de telle ou telle mesure qui n'aura probablement aucun effet sur notre vie de tous les jours. Ils n'ont aucun projet collectif à nous proposer, aucune vision forte de l'avenir. Ils naviguent à vue de nez. Une petite mesure par-ci, une petite loi par-là... (...)
À en croire la plupart des scientifiques, nous sommes à un moment charnière de l'histoire. Si nous ne faisons rien, il est possible que la race humaine disparaisse d'ici 100 ans. Pendant ce temps, vautrés dans le confort et l'indifférence — et de plus en plus dans la bêtise —, nous écoutons, las, nos politiciens se quereller sur les PPP.
Si ceux-ci parvenaient à nous faire rêver, nous indiquaient vraiment le chemin à suivre pour nous émanciper collectivement, nous inspiraient, abordaient de front les vrais enjeux — notamment le réchauffement climatique, s'ils cessaient de gérer l'État comme on gère une PME, il y a fort à parier que les gens s'intéresseraient à la politique et iraient voter...
Le «cynisme» n'a rien à voir là-dedans, et deux ou trois mesures anticorruption ne changeront rien à l'affaire.
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