Dans le dernier numéro de L’Aut’Journal, le démographe Charles Castonguay qualifiait de « suicide linguistique » le libre choix de la langue d’enseignement au niveau collégial. « Le Québec finance à même les fonds publics l’anglicisation d’une partie importante — et croissante — de son élite de demain », écrivait-il.
Année après année, quelque 4000 francophones et allophones passent du réseau secondaire francophone au réseau collégial anglophone en toute légalité, soit l’équivalent de la population étudiante d’un gros cégep, puisque les dispositions de la Charte de la langue française ne s’appliquent pas au collégial.
Cette tendance s’est accélérée, particulièrement chez les francophones. Selon les chiffres du ministère de l’Éducation, la proportion des francophones qui se sont inscrits au cégep anglais est passée de 7,8 % à 10,4 % entre 2010 et 2015, soit une augmentation deux fois plus rapide en cinq ans qu’au cours des 25 années précédentes. Si le réseau collégial anglophone est actuellement en pleine croissance, c’est que la moitié des étudiants qui fréquentent ses établissements ne sont pas des anglophones.
Après des années de débats houleux au sein du PQ et une vigoureuse campagne contre le libre choix menée par Pierre Curzi, les délégués au congrès d’avril 2011 avaient finalement résolu d’étendre la loi 101 au cégep. Le gouvernement minoritaire de Pauline Marois n’avait cependant pas inclus cette mesure dans le projet de loi 14, sachant très bien que les partis d’opposition empêcheraient son adoption. Jean-François Lisée est d’avis que son coût politique serait trop élevé pour le PQ. Dans le passé, le PQ a eu tendance à compenser l’éloignement de l’horizon référendaire par une ardeur renouvelée sur la question linguistique, ce qui offrait un exutoire à la frustration des militants, mais M. Lisée prône plutôt la retenue sur les deux fronts.
La question du cégep va redevenir une pomme de discorde à l’approche du congrès de septembre prochain. Le Journal de Montréal rapportait samedi qu’une trentaine d’associations de comté péquistes avaient adopté une résolution réclamant que l’extension de la loi 101 au niveau collégial demeure inscrite dans le programme du parti.
Sans surprise, l’ancien président de la CSN et porte-parole du SPQ Libre, Marc Laviolette, actuellement président de l’association de Beauharnois, fait partie du groupe. « Il faut avoir de la colonne pour défendre le français au Québec. En politique, tu ne peux pas être sans saveur ni odeur. Le PQ est un parti souverainiste, on défend la nation québécoise, pis on défend le français », a-t-il lancé.
Le problème est que l’abolition du libre choix heurterait de front les deux clientèles dont le PQ chercher à se rapprocher : les jeunes et les communautés culturelles. Dans son rapport intitulé « Osez repenser le PQ », Paul St-Pierre Plamondon constate que les jeunes francophones ont un rapport à l’anglais différent de celui des baby-boomers et qu’ils ne ressentent aucun sentiment d’injustice ou d’infériorité, comme cela avait été le cas des générations précédentes. C’est plutôt leur interdire l’accès au cégep anglophone qui risquerait de leur apparaître comme une injustice.
Il est normal que le PQ cherche à mieux adapter son discours aux préoccupations des nouveaux électeurs. C’est ce que tous les partis politiques s’efforcent de faire. Son désir tout à fait légitime de reprendre le pouvoir ne doit cependant pas lui faire perdre de vue sa raison d’être.
Après les malheureux dérapages auxquels le débat sur la charte de la laïcité a donné lieu, le rapport Plamondon recommande de « redéfinir le nationalisme pour l’éloigner du populisme et de l’intolérance parfois associés au nationalisme traditionnel », mais la préservation de l’identité québécoise n’en demeure pas moins l’essentiel du projet souverainiste.
« La laïcité et l’identité québécoise sont deux choses dissociables pour les moins de 40 ans. Le Parti québécois doit désormais parler de l’identité québécoise en faisant référence à la langue française, à la spécificité et à la culture du Québec. La laïcité doit être présentée comme un enjeu politique qui contribue au vivre-ensemble. Elle n’est cependant pas une composante de l’identité des citoyens et des citoyennes », peut-on y lire.
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