Bâtonnier est un roman qui raconte les tribulations de Jacques Milaire, un avocat de 50 ans représentant les médias et les compagnies de pétrole qui souhaite devenir Bâtonnier et...juge. Toute ressemblance avec la réalité est purement fortuite.
- Bonjour, Me Jacques Milaire; vous êtes en communication avec le ministre de la Justice, M. Cyril Cotton.
- Bonjour, Jacques; comment vont Suzanne et les enfants ?
- Aux dernières nouvelles, très bien; je les ai à peine vus au cours des derniers jours.
- Console-toi, Jacques; c’est encore pire en politique. Toi tu peux toujours refuser des mandats pour consacrer plus de temps à ta famille, un ministre ne peut jamais refuser un mandat du premier ministre ou confier la gestion d’une crise nationale à un confrère.
- Pourquoi, dans ce cas-là, souhaites-tu devenir premier ministre du Québec ?
- Pour contrôler les mandats de mes ministres, il ne me restera qu’un inconnu : les crises nationales. D’ailleurs, as-tu rencontré le Bâtonnier de Montréal ? Souhaite-t-il toujours organiser ma venue en politique provinciale au cas où le premier ministre démissionnerait ? Tu sais qu’il a de sérieuses difficultés dans les sondages.
- Tu as tous les appuis qu’il te faudra pour te lancer, tu serais surpris du nombre d’avocats qui rêve de sauver le Canada pour devenir Juge.
- Pourquoi ne souhaites-tu pas t’occuper de ma campagne, toi aussi tu pourrais devenir juge un jour.
- Écoute, Cyril; je me suis déjà occupé de tes problèmes matrimoniaux il y a quelques années et cela a failli mettre fin à notre amitié. Je préfère prendre un chemin qui me permettra d’atteindre mes objectifs de façon plus discrète et qui sauvegardera notre amitié.
- Alors, que puis-je faire pour toi, Jacques ?
- J’ai une information confidentielle que j’aimerais te communiquer, il y aurait un retraité de la GRC qui coulerait de l’information confidentielle. Je ne dois pas être le seul à avoir eu vent de ces rumeurs voulant que la vache folle canadienne soit américaine.
- En effet, j’en ai entendu parler. Le pire c’est qu’il y a beaucoup plus de rumeurs qui courent. Il y a aussi des rumeurs sur notre politique d’armes à feu; l’octroi de contrats à une ancienne compagnie du premier ministre; les liens du ministre de la Santé avec les compagnies d’assurances; le lobby sur la privatisation de l’eau qui aurait ses entrées auprès du ministre du Commerce extérieur et j’en passe. Écoute Jacques, de tout temps, les fausses rumeurs ont toujours existé, plusieurs s’inspirant d’un mince filet de réalité; le scandale des commandites en est un bel exemple : le premier ministre a nommé un bon grand-papa pour présider cette commission, un bon juge qui a le sens de l’humour et qui sait se faire aimer des avocats et des justiciables. Finalement, qu’est-ce qu’on a appris qu’on ne savait pas ? S’il y avait autre chose, on ne l’a pas su. Ce qui est réconfortant dans notre système démocratique, c’est qu’on n’a pas besoin d’influencer directement le processus décisionnel pour obtenir les résultats recherchés. On a qu’à contrôler les nominations; on n’a même plus besoin de leur dire quoi faire, ils le savent d’instinct. Si nous nommons des personnes intelligentes qui ont été formées dans les bonnes écoles où elles ont été entourées de bons amis, elles n’auront qu’à suivre les traces de leurs parents ou à imiter leurs meilleurs amis. Tant que nous nommons des gens de notre club, même s’ils ne sont pas du même bord politique, nous sommes tranquilles, c’est à cela que ça sert les collèges privés. Nous ne pourrons jamais trop remercier nos bons jésuites qui ont tracé la voie. En passant, tu sais comment faire peur à tes clients trop ambitieux ? Parle-leur du coût des procédures et des risques que cela comporte. Fais-leur peur ! Pendant ce temps, laissons courir les rumeurs, cela alimente les échanges lors des soupers de famille. Même si nos concitoyens se trouvent plus intelligents que nous le sommes, parce qu’ils croient avoir découvert toutes nos intrigues, cela ne les a jamais empêchés de voter pour nous. Et s’ils nous mettent à la porte, ils finissent toujours par nous réélire un jour ou l’autre, ne se souvenant que des méfaits du gouvernement sortant.
-N’empêche que l’on devrait peut-être mettre un peu d’ordre dans nos services secrets. Si toutes ces rumeurs sont des fabulations de quelques esprits mal intentionnés, nous pourrions faire la démonstration que nos forces de sécurité sont bien dirigées et respectent la loi dans l’intérêt national.
- Es-tu en train de suggérer que nos forces de sécurité pourraient ne pas respecter la loi, si c’est dans l’intérêt national?
- Ce n’est pas ce qu’ils font lorsqu’ils alimentent des rumeurs persistantes au mépris de leur code de déontologie ?
- Je crois que tu as raison, le respect de la loi est plus important que les intérêts nationaux, sinon où s’en va la cohésion sociale que les lois servent à sauvegarder ?
- Tu me fais penser à quelque chose qui pourrait te donner rapidement la popularité que tu recherches au Québec. Le président de l’association des producteurs de bovins de boucherie du Québec souhaite que soit instituée une commission d’enquête sur le scandale de la vache folle, leur but serait de blanchir les producteurs québécois aux yeux des consommateurs américains et de faire ouvrir les frontières américaines aux bœufs du Québec.
- Tu crois qu’une commission fédérale donnerait, comme résultat, une mesure fédérale qui favorise le Québec au détriment des autres provinces. L’asymétrie c’est bien dans les discours, mais ça fait perdre des votes dans le ROC.
- Qu’est-ce que ça peut te faire, puisque tu veux faire le saut en politique provinciale ?
- Je préfère l’idée d’enquêter sur les agissements des services secrets canadiens et de la GRC. Personne ne s’émouvra réellement des résultats, puisque l’opinion publique s’attend à ce que ça soit croustillant. Ça nourrit les grands journaux et les chaînes d’information continue qui ont désespérément besoin de nouvelles pour soutenir leurs cotes d’écoute. En plus, ça fait plaisir aux téléspectateurs qui sont friands de scandales. Enfin, ça détourne le regard des citoyens des vrais dossiers qui devraient les préoccuper davantage. Tes clients, les compagnies de pétrole, vont être contents d’avoir un peu de répit; ils vont pouvoir continuer à polluer en faisant plus de profits...
À suivre...
Copyright © Louis Lapointe, 2005. Tous droits réservés.
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Autres épisodes de « Bâtonnier » :
Une rencontre avec le Cardinal
Quand le Québec s’éveillera, le monde s’étonnera ! Révolutions et Révolution tranquille
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2 commentaires
Frédéric Picard Répondre
26 août 2009C'est exactement comme ça que ça se passe dans le dommaine des brevets. Les agents de brevets sont les seuls pouvant représenter un client auprès du bureau des brevets. Pour controler le membership, les grandes firmes d'avocats du Canada (principalement de l'Ontario) ont constitué (ou du moins, investit) l'Institut de la Propriété Intellectuelle du Canada (IPIC). Par le truchement de contacts biens placés et un important lobbying, l'IPIC a réussit à obtenir son mot pour la nomination des... correcteurs d'examens d'agent de brevets (Commission d'examen d'agent de brevets).
Ainsi, les grandes firmes d'avocats (auxquelles s'associent les agents de brevets) dictent qui est et qui n'est pas agent de brevet au Canada. Non seulement on garde le nombre d'agents de brevets bas (donc on créé une rareté), mais en même temps on exclus les méchants outsiders, ceux qui peuvent changer le système par en dedans.
Les petits agents dans les compagnies, les petites firmes dynamiques sont exclues. J'ai un ami qui s'essaie depuis 8 ans...
Vous voulez devenir agent de brevet? Sachez que, grâce aux loyaux services de l'IPIC, seulement 6 correcteurs sont bilingues et 6 correcteurs sont unilingues anglophones. Aucun test linguistique n'est effectué, se prétend bilingue qui le veut bien. Les correcteurs unilingues francophones, ça n'existe pas.
Pas étonnant que 96 % des demandes de brevets, au Canada, sont rédigées uniquement en anglais. Le copinage a corrompu le système. De plus, les clients doivent payer 400 $/h pour avoir accès à un agent de brevets. La PI n'est plus l'outil du faible au fort (Ce qu'il devait être, pour protéger les Edison, Watt de ce monde), mais bien du fort au faible.
On a pervertit une bonne idée pour alimenter les ti-namis du pouvoir. C'est ça le Canada: Une république de bananes.
Archives de Vigile Répondre
25 août 2009« Fonds secrets. - Sommes incalculables avec lesquelles les ministres achètent les consciences. »
Gustave Flaubert(1821-1880)
Ecrivain français
Extrait du Dictionnaire des idées reçues