Le chat est sorti du sac

Laïcité — débat québécois




Il y a longtemps que je me dis que cet engouement très subit pour la laïcité a quelque chose de suspect, et qu'il pourrait bien s'agir d'une façon de masquer une réaction contre l'immigration musulmane. Ce n'est pas le cas chez tous les tenants de la laïcité radicale, loin s'en faut, encore qu'on ne les avait jamais entendus parler bien fort avant que la question des accommodements raisonnables fasse les manchettes. Mais je mettrais ma main au feu que pour un certain nombre, l'éloge démesuré de la laïcité à la française - une idéologie étrangère à la culture politique nord-américaine et qui, du reste, n'a jamais représenté un courant de pensée important au Québec - sert de paravent «honorable» à l'instinct xénophobe.
Eh bien! Le chat est sorti du sac. La semaine dernière, André Drouin, l'ex-conseiller municipal de Hérouxville et auteur du fameux «code de vie» qui interdisait la lapidation des femmes (!), a témoigné devant la commission parlementaire qui étudiait le projet de loi interdisant le voile intégral dans les services publics. Il a fait une apologie de la laïcité la plus radicale, et réclamé en même temps un moratoire total sur l'immigration. La corrélation est limpide.
Plus encore, non content de réclamer le retrait de la référence à Dieu dans la charte canadienne des droits et libertés, M. Drouin voudrait que la charte ne mentionne pas la liberté de religion!
On ignorait que le paisible village de Hérouxville avait produit de tels zélotes. Il faudrait chercher loin pour trouver, même dans cette France qui se veut la patrie de la laïcité pure et dure, une personnalité qui foulerait aux pieds la notion de liberté de culte. Dans toutes les démocraties, faut-il le rappeler, la liberté de religion est partie intégrante des libertés fondamentales, au même titre que la liberté d'expression et la liberté de pensée.
Mais comment se fait-il que ce désir de laïcité «mur à mur» ne se soit jamais exprimé auparavant? Que cette revendication, qui est maintenant le fait du Parti québécois et d'une bonne partie de l'intelligentsia francophone, ait coïncidé avec les débats sur les accommodements?
M. Drouin est un homme qui a voyagé et qui a du bagout. Si ses convictions laïques étaient aussi fortes, pourquoi n'a-t-il pas protesté contre l'inclusion de la liberté de religion dans la charte au moment où le contenu de la charte faisait l'objet de débats publics?? Poser la question, c'est y répondre. La laïcité, de même que «la dignité des femmes», voilà les outils distingués avec lesquels les gens branchés combattent désormais l'immigration musulmane... dont les aspérités dérangent tellement M. Drouin qu'il est prêt à ce que le Québec se passe d'immigrants pendant un certain nombre d'années, au mépris du fait que le Québec se dépeuplerait dangereusement sans l'apport des immigrants.
Le Québec aurait pu se donner une grille de sélection différente, fabriquée de manière à privilégier, par exemple, l'immigration chinoise. Cela aurait eu des avantages par certains aspects. Mais nos gouvernements ont choisi, et comment les en blâmer, de privilégier l'immigration francophone. Or, il y a belle lurette que les francophones européens de vieille souche ont cessé d'émigrer en masse. Et il se trouve que le plus important bassin de l'immigration francophone, de nos jours, c'est le monde musulman: Maghreb, Afrique de l'Ouest et Français d'origine maghrébine qui croient que leur avenir sera plus facile ici qu'en France. Dans ce flot d'immigrants, il y aura, inévitablement, quelques intégristes. Alors on fait quoi? On apprend à vivre avec cette réalité ou l'on enferme le Québec dans son vase clos?


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