Paris - Le principal centre de coopération universitaire franco-québécois est en train de fermer ses portes en douce sans que personne en ait fait l'annonce officielle. Au siège du Centre de coopération interuniversitaire franco-québécoise (CCIFQ), sur le boulevard Raspail à Paris, il y a bien une secrétaire qui répond encore au téléphone, et le site Internet est toujours accessible, mais c'est tout. Le mandat de la directrice exécutive n'a pas été renouvelé, aucun successeur n'a été nommé, et les activités sont au point mort depuis le mois de mai. En pratique, le gouvernement du Québec aurait déjà décidé de fermer boutique sans l'annoncer officiellement ni consulter son partenaire français.
Né en 1984, le CCIFQ joue depuis près d'un quart de siècle un rôle important dans la coopération entre les universités françaises et québécoises. L'organisme a été à l'origine de nombreux échanges et colloques. Il soutenait chaque année une centaine de projets universitaires et des tournées de conférences au Québec comme en France. Dans l'attente d'une fermeture définitive, ses bureaux offrent toujours une aide personnalisée aux étudiants français désireux de venir étudier au Québec. Mais pour combien de temps encore?
Au printemps dernier, le gouvernement québécois a formé un comité consultatif dont les recommandations n'ont toujours pas été soumises au ministre. Selon certaines sources, le rapport, qui pourrait être déposé dans quelques jours, proposerait ni plus ni moins que la fermeture pure et simple du CCFQ. Il y a longtemps que l'on soupçonne les grandes universités québécoises qui ont les moyens, comme l'Université de Montréal, de vouloir faire cavalier seul. Cette dernière envisagerait même d'ouvrir son propre bureau à Paris. Pour les grandes universités, le CCIFQ serait donc devenu inutile, voire même un concurrent.
Ce sont les petites universités qui souffriront le plus de cette disparition, estime l'ancienne directrice exécutive du CCIFQ, Yolande Cohen qui est professeure d'histoire à l'UQAM. «Cette fermeture est déplorable, dit-elle. Il est très important dans un pays centralisé comme la France d'avoir un organisme sur place qui puisse défendre la vision des universités québécoises et établir des liens avec les ministères. Des rencontres ad hoc et un site Internet ne pourront jamais remplir cette fonction.» Yolande Cohen n'est pas la seule à interpréter la disparition du CCIFQ comme une forme de «privatisation» de l'action internationale des universités québécoises.
Responsables français en colère
Selon plusieurs sources, les responsables français seraient en colère d'avoir été mis devant le fait accompli et de n'avoir été consultés qu'une fois la décision à peu près arrêtée. L'affaire leur laisserait un goût amer dans la bouche qui est de mauvais augure pour la poursuite de la coopération universitaire au plus haut niveau. En attendant une éventuelle fermeture officielle qui pourrait n'être annoncée qu'au début de 2008, le directeur général du CCIFQ, l'ingénieur français Jacques Gelas, assume encore quelques fonctions administratives. De passage au Centre, il a refusé de répondre à nos questions invoquant son devoir de réserve. Mais tous ceux qui lui ont parlé le disent profondément dégoûté par l'attitude québécoise. Le gouvernement français assumait la moitié des frais du centre et fournissait gracieusement des locaux très avantageusement situés sur la rive gauche parisienne.
Yolande Cohen ne cache pas non plus le fait que les universités et le gouvernement québécois trouvent que les quelque 6000 étudiants français qui étudient au Québec leur coûtent cher. L'université de Montréal en compte à elle seule 1300. Or, le CCIFQ servait aussi à orienter les étudiants français désireux d'étudier au Québec. En vertu d'une entente qui remonte aux années 60, ces étudiants sont exemptés des droits majorés que paient normalement les étudiants étrangers. Le recrutement d'un étudiant américain ou allemand rapporte au moins six fois plus.
En revanche, le nombre d'étudiants québécois qui étudient en France est loin d'atteindre le niveau des années 60 et 70. Malgré une augmentation récente, «il y a très peu de Québécois qui font leur doctorat en France, déplore Yolande Cohen. Les Québécois ne viennent généralement que pour de très courts séjours.» L'ancienne directrice accuse la «frilosité» des universités québécoises à laisser partir leurs étudiants et la difficulté de faire reconnaître les crédits acquis à l'étranger une fois de retour.
Pour l'ancienne directrice du centre, Anne Légaré, la disparition du CCIFQ cause un tort irréparable à la coopération universitaire entre la France et le Québec. «Tout le réseau patiemment construit par le CCIFQ est en train de s'écrouler, dit-elle. Cette fermeture est une décision à court terme qui ne prend pas en compte l'importance de nos relations avec la France.»
Correspondant du Devoir à Paris
Relations France-Québec
Le Centre de coopération interuniversitaire ferme discrètement ses portes
Les étudiants français au Québec coûtent-ils trop cher ?
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