Un sur 10. C'est le nombre de Canadiens qui souffriront d'un épisode dépressif majeur dans leur vie. En 2030, la dépression sera au deuxième rang des maladies les plus fréquentes, prévoit l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Et pourtant, nous nous entêtons à considérer ce problème comme une anomalie. Il est temps de changer notre perception.
Les mentalités évoluent, c'est vrai. Dans les milieux de travail, on comprend et on accepte beaucoup mieux qu'un employé ou un collègue fasse une dépression - quoique les commentaires formulés en privé se révèlent parfois beaucoup moins indulgents. Mais ce capital de sympathie fond rapidement lorsque le travailleur fait une rechute. Pourtant, la moitié des dépressifs connaîtront un autre épisode, souligne un article diffusé cette semaine par Statistique Canada.
Rédigée dans un style très accessible par les chercheurs Heather Juby, de Montréal, et Scott Patten, de Calgary, cette synthèse s'appuie sur une cinquantaine d'études scientifiques récentes, la plupart réalisées avec des données de Statistique Canada. Elle fournit donc un portrait très précis, et très éclairant, de la façon dont la maladie se manifeste ici.
On sait que les femmes sont plus à risque. Mais beaucoup d'autres facteurs demeurent méconnus. Par exemple, la dépression frappe deux fois plus les personnes seules ou qui ont déjà été mariées que celles qui le sont encore. Et elle est trois fois plus fréquente chez les gens à faible revenu que parmi les nantis. On ne peut évidemment pas parler de causes directes, mais ce genre d'information nous aide à mettre les choses en perspective. Un contexte n'est pas neutre, même s'il n'affecte pas tout le monde de la même façon.
Le travail de nuit, par exemple, est soupçonné d'augmenter le risque de développer certains cancers. Nous viendrait-il à l'idée de reprocher à ces employés de se complaire dans un horaire qui menace leur santé? Pourtant, c'est un peu l'attitude que nous adoptons lorsque nous tenons un dépressif pour seul responsable de son état.
On entend de plus en plus parler des liens entre les problèmes cardiaques et la dépression. Une étude canadienne a ainsi démontré que les patients ayant vécu un épisode dépressif grave couraient trois fois plus de risques de souffrir d'une maladie cardiaque dans les cinq années suivantes. On a cependant tendance à sous-estimer l'effet insidieux de la douleur. Pourtant, de tous les facteurs étudiés dans cette synthèse, ce sont les maux de dos chroniques qui sont le plus fortement associés à la dépression. Plus ils sont aigus, plus le risque de dépression est grand.
Chaque année, plus d'un million de Canadiens vivent un épisode dépressif majeur. D'un point de vue statistique, c'est un problème aussi commun que le diabète ou les maladies cardiaques, soulignent les auteurs. Il est donc grand temps de l'envisager avec la même sérénité. Car comme on peut le voir, les préjugés négatifs n'ont pas freiné la progression de la maladie dans la société. Ils risquent par contre d'empêcher ceux qui en souffrent de consulter à temps.
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