Québec, le 22 novembre 2015.
Dans un article de La Presse publié ce 22 novembre à 15h16 et intitulé «L'Alberta devrait mettre en vigueur une taxe sur le carbone dès 2017», la première ministre de l'Alberta, Rachel Notley, tente de faire bonne figure juste avant la rencontre internationale sur le climat à Paris.
Mais à 18h38, La Presse a mis à jour l'article avec un nouveau titre: «L'Alberta veut devenir leader de l'industrie verte», tout en faisant disparaître une phrase qui révèle les faits: «Les néo-démocrates provinciaux au pouvoir plafonneront aussi les émissions de gaz à effet de serre provenant des sables bitumineux à 100 mégatonnes, ce qui laisse amplement de latitude pour la croissance de l'industrie.»
En effet, les 100 mégatonnes annoncées correspondent à la marge de manœuvre en émissions de GES qui est requise pour permettre tous les projets d'expansion de la production, du transport et de l'exportation des sables bitumineux. On a affaire ici non seulement à du plus pur greenwashing, mais à de la manipulation d'information pour faire disparaître les réelles intentions du Canada une semaine avant le COP21!
Dans un récent communiqué expédié aux médias ce vendredi 20 novembre, je rendais publics les chiffres réalistes du résumé d'un rapport d'étude sur les émissions de GES des sables bitumineux. L'analyse exhaustive de la documentation disponible jusqu'en 2015 révèle des chiffres peu flatteurs pour le Canada dans un rapport qui sera rendu publié d'ici la fin de novembre, juste à temps pour le COP21.
Il n'y a pas de quoi se réjouir des intentions de la première ministre de l'Alberta, au contraire. Les États, dont le Canada et le Québec, doivent réduire leurs émissions de GES de 40% d'ici 2030 et de 80% d'ici 2050. Ce qui correspond à une réduction des émissions du Canada de 290 mégatonnes d'ici 2030 et de 580 mégatonnes d'ici 2050!
Le Canada n'arrivera certainement pas à atteindre ces cibles en permettant la croissance des sables bitumineux avec une augmentation de 100 mégatonnes, car il ne pourra pas réduire les émissions du transport, la deuxième plus importante source de GES après les sables bitumineux, tel qu'annoncé dans un communiqué du Conference Board le 12 novembre.
En 2013, le Canada émettait 726 mégatonnes de GES. D'après l'analyse présentée dans le résumé du rapport, la croissance des sables bitumineux en 2015, avec ses 72 mégatonnes de GES, a fait augmenter les émissions du Canada de près de 13 mégatonnes pour passer à 739 mégatonnes. La croissance des sables bitumineux contribuerait à émettre jusqu'à 136 mégatonnes par année en 2030, ce qui totaliserait 815 mégatonnes.
C'est exactement ces 100 mégatonnes de plus qui ont été retirés de l'article par La Presse! Cette limite de 100 mégatonnes de GES pour freiner la croissance des sables bitumineux ne freinera absolument rien!
Madame Notley n'annonce donc rien de bon, au contraire. Parce que limiter la croissance des sables bitumineux à 100 mégatonnes de GES, c'est ne pas la limiter du tout! Et pour que cette croissance de l'exploitation puisse avoir lieu, il faudrait construire Énergie Est pour faire passer les 401 millions de barils de brut par année au travers du Canada et du Québec et laisser passer les 12 convois ferroviaires de 62 000 barils chaque jour sur nos rails.
Rien, absolument rien n'est changé sinon le ton du mensonge. Mais on ne ment pas avec la physique du climat...
Stéphane Brousseau - Directeur de recherche
B.Sc. GéologieIRASD - Institut de recherche en architecture sociale durable
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