Langue française: la bilinguisation du Québec

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Il faut mettre fin au bilinguisme institutionnel de l'État québécois


François Legault a eu beau exprimer ses craintes quant à l’avenir du français au Québec, son discours d’ouverture ne mentionnait aucune mesure pour défendre ou promouvoir la langue française. Manifestant la même préoccupation, la ministre Nathalie Roy a écarté d’emblée tout renforcement de la loi 101, promettant seulement de se montrer plus ferme dans l’application des règlements actuels sur la langue d’affichage commercial, comme si c’était suffisant.


Pendant près de quinze ans, les libéraux se sont refusés à affermir la Charte de la langue française (CLF) ; ils l’ont plutôt assouplie, en encadrant les écoles passerelles ou l’affichage des marques de commerce anglaises. En matière de langue de travail, ils n’ont rien fait, sinon déployer avec la Chambre de commerce du Montréal métropolitain une « stratégie commune d’intervention », faite de mesures volontaires, dans le but d’inciter les plus petites entreprises à se franciser, stratégie dont les résultats ont été des plus modestes. Mais au moins, la passivité libérale s’expliquait par une vision jovialiste de la situation de la langue française au Québec.


Pour l’heure, la stratégie linguistique du gouvernement Legault repose essentiellement sur une meilleure francisation des immigrants. En campagne électorale, la Coalition avenir Québec a promis de rendre obligatoires les cours de français pour les nouveaux arrivants qui ne connaissent pas le français et de leur imposer un examen de français. Or comme le gouvernement caquiste veut qu’ils soient plus nombreux à occuper un emploi dès qu’ils débarquent, sans pour autant qu’ils sachent le français, il devra leur offrir des cours, préférablement dans les milieux de travail. Il faudra bien qu’il force la main aux employeurs qui se montreraient réticents, comme c’est le cas à l’heure actuelle, à participer à la francisation de leurs employés. Il en découle également que la langue de travail au sein des entreprises qui embauchent des nouveaux arrivants devra être le français, ce qui n’est pas toujours le cas, puisque 30 % des immigrants travaillent en anglais. Nous voyons mal comment le gouvernement Legault pourra arriver à ses fins sans présenter de projet de loi.


Il faut reconnaître que si tant d’immigrants choisissent de vivre en anglais, c’est que le principal objectif de la loi 101 n’est pas atteint, celui de faire du français la langue de l’État et « la langue normale et habituelle du travail, de l’enseignement, des communications, du commerce et des affaires ».


Nous assistons à l’heure actuelle à une bilinguisation croissante de la société québécoise, phénomène auquel le gouvernement Legault, s’il rejette le laisser-faire libéral en matière linguistique, devra répondre.


Le bilinguisme institutionnel se porte bien au Québec. Hydro-Québec envoie des comptes en anglais seulement à 400 000 de ses clients. Les universités francophones multiplient les programmes en anglais pour attirer des étudiants étrangers, souvent français, d’ailleurs. Spontanément, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, prononce une allocution exclusivement en anglais devant des investisseurs britanniques. Il est vrai que la Ville de Montréal, dont la charte dit qu’elle est « une ville française », n’a toujours pas de politique linguistique. Tant le président d’Hydro-Québec, Éric Martel, que la mairesse ont fait amende honorable. Mais que ces écarts ont pu se produire témoigne de l’air du temps.


Loin de se montrer exemplaire, l’État québécois continue de communiquer en anglais avec des allophones ainsi qu’avec les entreprises. Pendant ce temps, il exige le bilinguisme d’un nombre grandissant de ses employés pour répondre en anglais aux nouveaux arrivants. Dans le secteur privé, l’exigence de bilinguisme comme critère d’embauche est généralisée, sans que l’employeur ait besoin de le justifier, ce qui nuit aux possibilités d’emploi des immigrants francophones, notamment.


Et puisque l’éducation est la priorité de l’actuel gouvernement, le ministre Jean-François Roberge devra nous expliquer comment cela se fait que des élèves ne lisent aucun roman québécois durant leur secondaire et que la chanson américaine règne en maître dans les fêtes scolaires dès le primaire.


Certes, on peut arguer que le Québec ne peut se soustraire à une mondialisation où l’anglais, jadis langue de l’oppresseur national, serait devenu un nécessaire espéranto. Or c’est précisément ce contexte qui devrait inciter le gouvernement Legault à réfléchir à la question du bilinguisme et aux moyens à prendre pour assurer le rayonnement du français et de la culture québécoise. Malgré sa posture nationaliste, il ne semble malheureusement pas conscient de l’ampleur de la tâche qu’il a devant lui.




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