L’allocution du premier ministre Legault m’encourage à compléter mon exercice amorcé samedi visant à répondre à certaines objections au projet de loi sur la laïcité.
6. Ce qui compte, c’est la neutralité de l’État, pas l’apparence de l’employé.
La neutralité n’est pas que théorique et abstraite. Elle doit s’incarner de manière concrète et visible. L’employé reste libre de ses convictions religieuses, mais le citoyen doit avoir un maximum d’assurances que cette personne adhère à un système de normes dans lequel le pouvoir civil est au-dessus des convictions personnelles. C’est pourquoi, par exemple, les employés de l’État n’arborent pas de macarons politiques, même si on sait qu’ils ont des opinions politiques. À l’impartialité effective doit s’ajouter l’apparence d’impartialité, qui est l’une des bases du climat de confiance dans la relation entre le citoyen et l’État.
7. En quoi un signe religieux vous dérange ?
Certains seront dérangés, d’autres non. On légifère non pas à partir d’une opinion personnelle – dérangement ou pas –, mais parce que la vie en société exige des règles claires. Dans l’établissement de ces règles, il est raisonnable de tenir compte d’un cheminement historique collectif qui, chez nous, a progressivement éloigné le religieux de la sphère étatique pour le confiner au privé, à la rue et aux lieux de culte.
8. Le hijab, qui focalise le gros des passions, n’a pas de signification religieuse pour beaucoup de femmes qui le portent.
Oui et non. Cela fait une cinquantaine d’années que des forces politiques, dont l’objet est de redonner une place centrale à la religion, ont fait du hijab l’un de leurs symboles militants. Il est cependant vrai qu’en Occident, pour beaucoup de femmes, il a pris, avec le temps, des significations variées. Mais comme le législateur ne peut savoir quel sens personnel chaque femme lui donne, il doit trancher en se fondant sur la recherche d’un équilibre entre l’individuel et le collectif, entre la tradition et le changement. La restriction proposée est très ciblée.
9. Un enseignant n’est pas une figure d’autorité avec pouvoir de coercition.
Pardon ? Ce n’est certainement pas un gardien de prison, mais s’il ne réussit pas à s’imposer comme figure d’autorité ou s’il pense que cette dimension ne fait pas partie de son rôle, il n’est pas dans le bon métier. On ne frappe plus les élèves comme jadis, heureusement, mais on donne des ordres, on se fait respecter et, parfois, on doit punir. La plus belle preuve que les enfants le sentent, disait un lecteur, c’est la différence de traitement réservé au professeur titulaire et au professeur suppléant.
10. On empêchera des gens de devenir enseignants.
Non, on leur dit d’avance la règle du jeu. Tous les milieux professionnels imposent des conditions d’exercice, souvent d’ordre vestimentaire. Libre à chacun de faire ensuite ses choix. On fait ici primer l’importance pour un enfant d’apprendre dans un environnement à l’apparence neutre au plan religieux sur la volonté du croyant de projeter sa foi personnelle. Ce n’est pas déraisonnable.