Deux partis politiques ont fait connaître leur position au sujet de la laïcité de l’État avant le déclenchement des élections, soit le Parti libéral du Québec (PLQ) et Québec solidaire (QS). Voici une courte analyse de leurs positions.
Le 11 juin dernier, le PLQ annonçait qu’un gouvernement libéral abolirait l’interdiction des signes religieux pour les enseignantes et les enseignants. Pour ce parti, «il est fondamental de s’assurer que les actions du gouvernement n’entraîneront pas de restrictions injustifiées des libertés individuelles. Toute limitation de ces libertés, pour être acceptable, doit être justifiée par un bien supérieur, lequel doit être établi de manière concluante».
Or, ce faisant, le PLQ néglige de tenir compte de l’impact de sa proposition sur la liberté de conscience des citoyens, liberté actuellement protégée par la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21). Aucune justification «par un bien supérieur, établie de manière concluante», n’est donnée pour justifier ce recul pour la liberté de conscience des citoyens. Il s’agit d’un angle mort du PLQ en matière de laïcité.
Rappelons que la liberté de conscience est le droit accordé à une personne d'avoir les valeurs, les principes, les opinions, les religions et les croyances qu'elle veut. La liberté de conscience fait partie des droits protégés par les chartes canadienne et québécoise des droits de la personne. Ce droit a d’ailleurs été reconnu par la Cour suprême, dans la célèbre cause de la prière au conseil municipal de Saguenay, lorsqu’elle a jugé que la récitation de la prière et l’exposition de symboles religieux par un représentant de l’État portaient atteinte à la liberté de conscience et de religion des citoyens et contrevenaient ainsi à l’obligation de neutralité de l’État.
Dans le cas de la loi 21, des parents sont venus témoigner à la Cour supérieure au nom de la protection de la liberté de conscience. Ils sont d’avis que l’État doit s’abstenir de véhiculer un modèle religieux auprès de leurs enfants quant à la façon dont il faut se vêtir ou se comporter pour être un ou une bonne catholique, musulmane ou juive. Pour eux, le signe religieux porté par l’enseignante de leur enfant brimait tout autant leur propre liberté de conscience, puisqu’ils devaient taire leurs convictions à propos des valeurs sexistes véhiculées par certains signes religieux, pour ne pas nuire à la relation de leur enfant avec son enseignant. La loi 21 rappelle, en quelque sorte, le devoir de réserve et de neutralité demandé aux représentantes de l’État.
Aucun droit n’est absolu, y compris l’expression de sa religion. La liberté de conscience de tous les citoyens doit aussi être protégée. Il est clair, dans ce contexte, que la proposition du PLQ brimerait ce droit nouvellement protégé.
Les volte-face de Québec solidaire
En 2019, QS reniait son appui à l’interdiction du port des signes religieux pour les employés de l’État en position d’autorité, comme le recommandait le rapport Bouchard-Taylor, et rejetait toute interdiction de signes religieux. Par la suite, QS annonçait que sa plateforme électorale 2022 serait muette au sujet de la laïcité de l’État. Gabriel Nadeau-Dubois a cependant précisé que si QS prend le pouvoir, la loi 21 serait modifiée afin de «permettre le port de signes religieux pour que tout le monde puisse travailler au Québec, peu importe ses croyances». Il convient de noter ici que la loi 21 n’empêche personne d’aller travailler, dans la mesure où le code vestimentaire prescrit est respecté.
Les volte-face de QS en matière de laïcité laissent perplexes, d’autant plus que le parti semble s’éloigner aussi de ses principes fondateurs que sont la lutte contre le patriarcat religieux, la solidarité internationale et le droit des femmes à l’égalité.
En effet, QS dit reconnaître que «les inégalités vécues par les femmes sont le résultat d’un système d’oppression, le patriarcat. Ces inégalités viennent des rôles sociaux et culturels attribués aux femmes, lesquels sont considérés comme inférieurs par rapport aux rôles des hommes.» Or, le patriarcat religieux est toujours présent au Canada, comme en fait foi l’expérience de la Canadienne Yasmine Mohammed, forcée de porter le voile islamique malgré les lois canadiennes. Il est donc étonnant de voir QS défendre aujourd’hui des pratiques patriarcales religieuses sexistes.
QS dit également soutenir «les luttes féministes, ici et ailleurs», et «prêter main-forte aux mouvements de solidarité avec les peuples en lutte contre des situations d’oppression», dont les «femmes exploitées et opprimées à travers le monde». Or, en défendant le port des signes religieux dans le contexte de la laïcité de l’État, QS se montre sourd aux appels des Afghanes, des Iraniennes, des Saoudiennes, par exemple, entre autres, à une plus grande solidarité pour défendre leurs droits. En refusant l’établissement de lieux communs libres de toute influence religieuse, QS se désolidarise du combat des femmes dans le monde.
Enfin, soulignons que ce n’est évidemment pas le rôle de l’État de réguler les pratiques religieuses sexistes. Mais c’est néanmoins son devoir de veiller à ce que ses institutions soient exemptes de sexisme. En ce sens, la loi 21 répond aux principes d’égalité entre les sexes promus par QS.
Il serait éminemment souhaitable que QS définisse de façon plus transparente et pérenne sa position à l’égard de la laïcité de l’État.