La semaine dernière la mairesse de Lac-Mégantic laissait entendre qu’elle aurait engagé les services d’experts pour engager le processus de reconstruction de sa ville et elle a fait montre d’un certain plan de réaménagement «aux commerçants» du coin. Ceux-ci n’auraient pas rechigné. Sans plus d’explications. Cette démarche, d’apparence, ne prêtait pas à discussion car tout le monde est en faveur du bien.
Cette question de la reconstruction de Lac-Mégantic, moi, me fait quand même un peu peur. La Commission Charbonneau ne nous a-t-elle pas montré que le fait de laisser le planning urbain et interurbain entre les mains des maires, sans contrôle de l’État, donne des résultats disons… décevants? En tout cas ce n’est pas le maire de Laval qui a maîtrisé l’art de construire un centre-ville et de relier celui-ci au reste du territoire!
Dans une chronique, il y a un mois, je soulignais l’importance, dans le cas de Lac-Mégantic, d’impliquer à fond l’organisme souverain en affaires municipales, soit l’État du Québec, dans tout ce processus de reconstruction du centre-ville et… d’aménagement territorial.
Depuis ce temps, rien! Le gouvernement du Québec se tait. Il laisse la mairesse devenir en douce une sorte de planificateur urbain (parfaitement en cachette) et il fait fi de ses responsabilités relatives au bien commun. Les conseils municipaux ont la mission d’administrer leurs territoires pour ce qui concerne la marche de tous les jours. Et ils ont bien le droit de le faire à leur manière. Mais lorsque le bien commun de la nation est en jeu, c’est l’État qui doit décider.
La manière de reconstruire le centre-ville de Lac-Mégantic concerne le bien commun de la nation parce que les gestes qui seront posés là serviront d’exemple aux autres villes du Québec. Et Dieu sait si, en cette matière d’urbanisme et d’architecture celles-ci ont besoin d’aide! Qui peut dire que nos villes et villages sont conçus pour rendre les citoyens heureux et pour propager la beauté à la ronde? Il fallait donc, disais-je, saisir l’occasion du sinistre de Lac-Mégantic pour oser innover! Étant donné que ce n’est pas ce qu’on dit qui compte, mais le nombre de fois qu’on le répète, j’y reviens.
Je ne me prends pas pour un savant. Mais je suis libre de dire que, sans une intervention de l’État responsable, celui qui se trouve à Québec – il n’y en a pas d’autre - nous risquons de tomber à nouveau dans la médiocrité urbaine. La semaine dernière, dans une entrevue à la radio, un excellent urbaniste, professeur et tout, se plaignait du fait que les firmes d’aménagement, d’architecture et d’urbanisme du Québec – celles qui «conseillent» les villes contre rémunération, ont été complaisantes dans leurs tractations avec les conseils municipaux! Ah oui? Quelle nouvelle! Et alors que faire? Il souhaitait simplement que ces experts bien payés deviennent un jour vertueux et qu’ils se mettent à résister aux pressions des intérêts particuliers des promoteurs. Les firmes d’urbanisme deviendraient donc ainsi des martyrs! Il me semble que ce n’est pas leur nature…
Alors, mon avis, il faut être plus pratique que cela. Il faut, en ce cas-ci, que le gouvernement du Québec crée un comité spécial d’aménagement, d’architecture et d’urbanisme, responsable directement au bureau du Ministère du premier ministre, pas à celui des Affaires municipales, pour l’aviser sur la manière de reconstruire la ville sinistrée. C’est une affaire d’État, pas de conseil municipal. Et si cette expérience devait être fructueuse cela pourrait être le germe d’un nouveau ministère de la Ville, là où les grandes orientations de développement seraient déterminées.
Actuellement les initiatives de l’État sont trop dispersées et trop engagées dans le quotidien pour être libres. Rappelons que l’État de Hollande (Pays-Bas) a créé une institution intéressante qui s’appelle l’Architecte d’État (State Architect). Dans ce bureau on effectue une révision de tous les projets d’architecture d’intérêt public. Ne pourrions-nous pas imaginer, pour nous, quelque chose de semblable?
En attendant les citoyens ont le devoir d’exiger des réponses à mille questions importantes. Puisque la politique c’est l’art de gouverner la Cité, le moment de voir s’il y a un brin de transparence dans cette gouverne de la chose publique :
- Qui, au gouvernement, à Québec, a autorisé le conseil municipal de Lac-Mégantic à engager les services d’un ou des bureaux d’architectes et d’urbanisme? ;
- Quels sont ces bureaux et quels sont leurs compétences particulières? ;
- De quel ministère viendront les fonds et quel est leur quantum? ;
- Pourquoi n’y a-t-il pas de concours pour le choix des architectes?
- Quel ministère engagera-t-il des pourparlers avec l’État fédéral au regard du déplacement des voies de chemin de fer? ;
- La décision de maintenir les voies de chemin de fer dans la ville est-elle prise? ;
- L’État responsable, le nôtre, fera-t-il pression pour que la charge de l’entretien des rails revienne à l’État (fédéral)? ;
Et le reste et le reste. Mais la question principale c’est la création d’une institution gouvernementale de contrôle.
Il s’agit, en l’instance, d’exiger de notre gouvernement qu’il mette les meubles urbains à leur place et qu’il crée de la beauté par le bon choix des formes et des matériaux. Ceci ne se ferait pas sans que les initiatives et les désirs de la base municipale soient prises en compte, évidemment, mais cela se ferait en guidant la démarche, comme un chef d’orchestre sait le faire. Actuellement les ministères souverains agissent comme des usines à subventions, pas des guides offerts aux conseils municipaux dont plusieurs sont de bonne volonté. Et pire encore, l’État ne se donne pas la tâche d’aider les citoyens – pas d’abord les commerçants – à vivre heureux dans une ville bien conçue.
Cet engagement nouveau de l’État surgirait ainsi du mal qui nous a été fait par l’État fédéral (qui a inconsidérément privatisé le rail). Il donnerait espoir à notre peuple. Et si les résistances à notre projet commun devenaient trop paralysantes, notre peuple pourrait bien trouver là une bonne raison de vouloir s’affranchir dans l’esprit républicain qu’il faut pour conserver
Le gouvernement agit-il en toute transparence ?
Lac-Mégantic : la reconstruction sans l'État ?
Un processus à définir
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5 commentaires
Archives de Vigile Répondre
25 août 2013Ils seraient préférable de ne pas laisser le conseil de Mégantic seul avec cette argent la ,il faut ce rappeler qu'avant le 6 juillet la ville avait un record d'ENDETTEMENT du a une gestion disons ,ODINAIRE (sans limite) pour une population 5800 habitant ,le reste de la province voit ce que les médias présentent ,mais la mairesse reste la même ,Bien des idées grandeur avec l'argent des autres
Archives de Vigile Répondre
15 août 2013La mairesse de lac Mégantic est élue démocratiquement et il faut respecter la hiérarchie dans la prise de décisions. Ce n'est pas parce que Québec est le «créateur» des municipalités qu'il doit s'ingérer dans tout ce qu'elles font. D'ailleurs, de nos jours, Québec pourrait se planter dans le projet de reconstruction aussi bien que l'administration locale, sauf que dans le cas de Québec, il pourrait y avoir plus à éponger.
Je serais plutôt d'avis que Québec prenne de la hauteur, ne dédouble pas les pouvoirs municipaux, mais s'investisse dans les affaires canadiennes et internationales pour aller batailler et y tailler sa place.
La croyance que plus gros fera mieux dans la reconstruction de Lac Mégantic n'est pas fondée. Lac Mégantic, je m'y étais arrêté deux ans passés, était un belle comme un poème. Cet art de la poésie, si il doit être recréé, a, selon moi, de meilleures chances de l'être en faisant confiance aux talents et à l'inspiration locales, même si rien n'est acquis.
Gilles Verrier
Archives de Vigile Répondre
14 août 2013Il vaut vraiment mieux que l'état ne soit pas si proche. L'État donne trop de pouvoir à quelques uns qui infiltrent et dépossèdent les citoyens. Je doute du gouvernement actuel; le dernier ne me laissait aucun doute sur son intégrité. Je préfère croire que les citoyens de Mégantic finiront le travail dans leurs intérêts
M Dubé
Archives de Vigile Répondre
14 août 2013Je place ces 2 liens,je premier est Sébastien Bovet qui dénonce la close de confidentialité accordée par le fédéral protégeant la MMA au lieu des citoyens de Lac Mégantic
Avis de confidentialité pour protéger la MMA 24/60
http://www.radio-canada.ca/widgets/mediaconsole/medianet/6791851
et l'autre,l'entrevue de Paul Arcand brassant le pompon de Denis Lebel,ministre et lieutenant québécois de Stephen Harper,qui laisse aller les choses comme vous le mentionniez dans votre article au sujet de la responsabilité du gouvernement fédéral face à la tragédie de lac Mégantic.
Denis Lebel, lieutenant pour le Québec pour S. Harper
http://www.985fm.ca/audioplayer.php?mp3=186541
Archives de Vigile Répondre
14 août 2013Très bon "papier" .il faudrait poser d'abord et avant tout la question aux citoyens de cette ville sans exception.Pourquoi ne pas les laisser discuter librement avec les architectes, les ingénieurs , les verts etc..Ils tiennent d'abord mordicus au déplacement du rail. Point à la ligne. En second lieu, quel est le degré de pollution , à quelle profondeur, son niveau de toxicité.
J'ai, un exemple à proposer. Une petite ville de 15,000 habitants nichée au bord du fleuve Missouri a été inondée par des crues exceptionnelles causant des dommages irréparables. Le maire et les quatres conseillers étaient dans l'incapacité de venir à bout de cette catastrophe.
La seule solution repartir à 0 et tout recommencer . Ils ont choisi une colline dans les hauteurs tout près du lieu d'origine. Simplement ceci. Ils ont initié une consultation publique génėrale demandant à leurs citoyens et citoyennes sans exception de dessiner leur nouvelle ville, d'en débattre collectivement. Celà a été une véritable réussite. Savez-vous que la ville de Porto Alegre en Argentine compose le budget annuel et ensuite le soumets à la participation citoyenne dans tous les quartiers avant de l'adopter?
Voilà.