J'ai cru rêver quand j'ai réalisé que Claude Morin signait l'un des trois textes du Devoir du 6 novembre, à l'occasion du trentième anniversaire du rapatriement de la constitution sans le Québec. Claude Morin ! Comme si de rien n'était ! Sans aucune référence à son rôle déterminant dans l'échec tragique de 1981. [Comme s'il n'avait pas trahi ignominieusement la confiance que le premier ministre René Lévesque et les Québécois avaient mise en lui.->www.vigile.net/archives/ds-federation/docs/02-4-18-morin-1982.html]
On nous dit qu'il faut se souvenir de la trahison par Pierre Elliott Trudeau des promesses faites aux Québécois avant le référendum de 1980. Il ne faut pas seulement se rappeler ce qui fait de nous des victimes. Au contraire, si on veut se redonner du pouvoir, il faut se souvenir de tout. Y compris de ces éléments douloureux dont nous sommes responsables comme Québécois.
Pour les nouvelles générations qui ne le savent pas et les anciennes à la mémoire ramollie, rappelons ce que Normand Lester a révélé en 1992.
Quelques semaines avant les fatidiques négociations constitutionnelles de l'automne 1981, René Lévesque a appris que son conseiller privilégié et ministre des Affaires gouvernementales, ce Claude Morin auquel il faisait totalement confiance, était par intermittence un agent double payé par la Gendarmerie royale du Canada. Y compris quand il était ministre de son gouvernement !
L'ILLUSION
C'est avec un poignard planté dans le dos que René Lévesque est allé pour nous au combat de sa vie, il y a trente ans. Ce ne sont pas seulement Trudeau ou les Anglais qui nous ont trahis. C'est aussi un Québécois qui était au coeur de la négociation, un prétentieux qui pensait qu'il pouvait se jouer de tout le monde et n'a jamais admis sa grossière erreur de jugement : jouer l'agent double payé par la GRC, un agent que l'on voit sur une bande vidéo recevoir de l'argent...
Le même personnage troquera sottement le veto historique du Québec - que Trudeau avait toujours reconnu - contre une chimérique alliance avec les autres provinces. Il avait accouché dans les années 1970 de cette débilitante stratégie étapiste qui a tellement fait plaisir aux Québécois sur le coup.
On leur faisait miroiter l'illusion qu'ils pourraient avoir le beurre en même temps que l'argent du beurre. On ne les incitait d'aucune façon à dépasser une ambivalence littéralement sans limites - comme le fut le double jeu de Morin. Au-delà du vieux monsieur qui essaie de revenir comme si de rien n'était, Claude Morin incarne notre ambivalence dans ce qu'elle a de malsain.
FUTILES ALLERS-RETOURS
On avait l'habitude de dire que les Québécois, en votant Trudeau à Ottawa et Lévesque à Québec, avec leurs petits coups à gauche et leur petit coup à droite, étaient de fins stratèges politiques. On comprend mieux maintenant de quoi il en retourne avec nos futiles allers-retours Bloc-NPD-Legault-Marois-Duceppe.
Le Devoir a le droit de faire d'un Claude Morin encore révéré secrètement par bien du monde l'un des trois interprètes de notre drame d'il y a trente ans. Est-ce trop lui demander que de rappeler alors le côté trouble d'un personnage qui ne fut pas qu'«ancien ministre des Affaires intergouvernementales du Québec»?
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