Dans leur empressement à pourfendre la nouvelle stratégie des gestes de souveraineté de Pauline Marois, les ténors fédéralistes du Québec n'ont pas réalisé, apparemment, que ce dont parle la chef du PQ c'est, en réalité du fédéralisme!
Remarquez, Pauline Marois non plus n'a pas vu l'ironie de la chose. «Il faut, a-t-elle confié au collègue Tommy Chouinard, repousser les limites le plus loin possible, tout en restant dans la légalité.»
Nous sommes loin ici de la «rupture bête et brutale», comme chantait Brel. Nous en sommes à la rédaction d'une Constitution québécoise, ce que le Québec peut fort bien faire à sa guise, à l'élaboration d'une citoyenneté québécoise (symbolique et non légale) et au plein exercice des pouvoirs du gouvernement du Québec dans ses juridictions.
Mme Marois et Gérald Larose peuvent y voir des avancées vers la souveraineté, mais il s'agit en fait bien plus de fédéralisme. Et même, si ça fonctionne, de fédéralisme exemplaire.
Ce que Mme Marois propose, secondée par Gilles Duceppe, c'est d'exercer à Québec les pouvoirs juridictionnels et d'adopter des symboles nationaux comme une Constitution. C'est aussi ce dont parlait hier Louis Bernard dans une lettre publiée dans nos pages éditoriales: drapeau québécois, adoption du Régime des rentes du Québec, création de la Caisse de dépôt et placement et utilisation de la clause dérogatoire pour la loi 101, notamment.
Dans n'importe quelle fédération normale du monde, on appelle cela du fédéralisme. Ici, on appelle cela des gestes de souveraineté ou de rupture.
Un peu comme le Bloc québécois, qui se voulait au moment de sa création un geste de souveraineté, mais qui est devenu, 18 ans plus tard, un rouage involontaire du système fédéraliste. Au départ, les députés du Bloc devaient ouvrir le chemin souverainiste à Ottawa; à la longue, ils ont fait la preuve que le Québec, représenté par des souverainistes, peut fort bien continuer à mener ses batailles au sein de la fédération canadienne.
À moins que Mme Marois parle d'autre chose. À moins qu'elle reprenne à son compte l'idée défendue en 2004 par Robert Laplante, de l'Action nationale, qui suggérait au Parti québécois, alors dirigé par Bernard Landry, de forcer le jeu, de rapatrier des pouvoirs, quitte à faire des gestes illégaux pour défier Ottawa. Autrement dit: on n'est pas capable de sortir le Québec du Canada, donc on va sortir le Canada du Québec. Pièce par pièce.
Si c'est le cas, la chef du Parti québécois devrait détailler la liste de ses gestes de souveraineté avant la prochaine campagne électorale. De quoi parle-t-on au juste? De citoyenneté québécoise, de Constitution, d'hymne national ou de gestes radicaux ou illégaux pour tester les limites de juridiction du Québec. Mais même cela, dans une fédération normale, ça fait partie du jeu. Ici, l'exercice vise un autre but, politique, bien sûr.
On parle de nouvelle position de Pauline Marois, mais, dans les faits, il s'agit plutôt d'une énième version d'une très vieille stratégie péquiste qui consiste à se faire dire non par Ottawa pour démontrer les limites du fédéralisme. Une bonne bataille de mots avec le gouvernement fédéral, suivie d'une contestation en Cour suprême, un échec ou une demi-victoire, voilà la recette idéale pour réanimer les sentiments nationalistes.
Mais cette recette lève-t-elle encore au Québec, maintenant que l'ADQ est venue brouiller les cartes de la vieille joute souverainiste-fédéraliste? Pas si sûr. C'est peut-être Mario Dumont qui a beau jeu maintenant, lui qui promet des gestes autonomistes, sans la menace permanente d'un nouveau référendum.
Par ailleurs, le contexte a changé aussi à Ottawa, ce que les souverainistes ont du mal à comprendre. Nous ne sommes plus dans l'ère trudeauiste ou chrétiennesque, où il suffisait que Québec demande la moindre chose pour se faire dire non (et, ainsi, pour relancer une chicane fédérale-provinciale). Bien sûr, Stéphane Dion a ressorti sa cape de Unity minister mercredi pour pourfendre Pauline Marois. La réalité, c'est que le premier ministre s'appelle Stephen Harper, un homme qui, contrairement aux libéraux, n'est pas allergique au principe d'autonomie des provinces.
Après avoir promis un vent de renouveau au PQ, Mme Marois est donc revenue bien vite aux vieux réflexes souverainistes. La même constatation s'applique aussi, remarquez, aux fédéralistes québécois, dont la réaction est complètement disproportionnée. À commencer par Jean Charest et sa grande peur des perturbations référendaires. Un peu plus et il nous ressortait la théorie du trou noir. De toute évidence, souverainistes et fédéralistes ont du mal à penser «en dehors de la boîte», comme disent les Anglais.
La sortie de Mme Marois illustre bien son dilemme: comment mettre le référendum sur la glace tout en gardant le feu sous la marmite souverainiste?
Cela devait arriver un jour, elle vient à son tour de tomber dans la poésie incantatoire, un exercice qui consiste pour tout chef péquiste à trouver de nouvelles formules pour dire aux troupes: vous découragez pas, on va y arriver un jour.
On a eu les 1000 jours de Bernard Landry et son obligation morale de gagner, l'horizon référendaire de Jacques Parizeau, les conditions gagnantes de Lucien Bouchard et le «à la prochaine fois» de René Lévesque. On a maintenant une nouvelle formule magique: les gestes de souveraineté.
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La souveraineté par le fédéralisme
Dans n'importe quelle fédération normale du monde, on appelle cela du fédéralisme. Ici, on appelle cela des gestes de souveraineté ou de rupture.
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