Il faut faire confiance à la sagesse populaire, a déclaré Pauline Marois pour justifier son ralliement au référendum d'initiative populaire (RIP).
C'est précisément cette sagesse qui devrait l'inquiéter. La population se méfie toujours de l'incertitude, et le conseil national du PQ a généreusement contribué à l'entretenir en fin de semaine.
Certes, le conseil national n'était pas le lieu pour discuter des modalités du RIP, mais Mme Marois a reconnu que l'on n'en saurait pas davantage avant les prochaines élections générales, puisque la résolution adoptée par les délégués prévoit que l'Assemblée nationale devra d'abord examiner la question avec le Directeur général des élections.
Sans régler tous les détails, le PQ aurait intérêt à préciser dès maintenant les principales balises qu'il souhaite imposer. Le RIP serait-il exécutoire ou simplement consultatif? Le gouvernement pourrait-il imposer un veto à la tenue d'une consultation indésirable?
Depuis quand le PQ doit-il attendre d'être au pouvoir pour présenter un projet de loi? Rien n'empêche que des amendements y soient apportés par la suite, comme c'est le cas de la plupart des projets qui sont soumis à l'Assemblée nationale.
Hier, libéraux et caquistes se sont simplement demandé sur quelle planète vivait le PQ. Si cela ne suffit pas, ils se feront un plaisir d'évoquer l'exemple californien et d'imaginer les scénarios les plus cauchemardesques. Mieux vaudrait mettre les choses au clair.
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Bernard Drainville a fait valoir que le RIP constituait une «deuxième voie» vers la souveraineté. Si Mme Marois s'y était opposée aussi farouchement en 2008, c'était plutôt qu'elle y voyait une voie de contournement, qui risquait de lui faire perdre le contrôle de l'échéancier référendaire.
Il est vrai que la résolution adoptée en fin de semaine contredit le programme officiel du PQ, qui prévoit la tenue d'un référendum sur la souveraineté «au moment jugé approprié par le gouvernement». Dorénavant, il ne sera plus le seul juge de l'opportunité du moment.
Théoriquement, il y a toujours une possibilité que le gouvernement soit contraint. Après l'échec de l'accord du lac Meech, en 1990, Robert Bourassa aurait peut-être pu être entraîné malgré lui dans un référendum dont il ne voulait pas.
En pratique, le risque semble très faible. Il serait étonnant que des centaines de milliers d'impatients imposent la tenue d'un référendum dans un contexte où les chances d'une victoire du oui seraient presque nulles.
Le scénario d'un référendum imposé par des fédéralistes qui voudraient profiter de la faiblesse du mouvement souveraineté pour le mettre définitivement K.-O. relève de la politique-fiction. L'hypothèse la plus vraisemblable est qu'un gouvernement souverainiste résolu à tenter le coup utilise le RIP comme un instrument de mobilisation qui lui donnerait une longueur d'avance.
Il est clair que Mme Marois n'aurait pas découvert aussi soudainement les vertus de la sagesse populaire si son leadership n'avait pas été aussi fragilisé depuis le printemps dernier. Le plus urgent était de refaire l'unité et de ranimer la flamme. À cet égard, le conseil national est indéniablement un succès.
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L'ouverture des registres n'est cependant pas pour demain. Si Mme Marois devient première ministre, le RIP ne sera sûrement pas une grande priorité pour son gouvernement. Il est d'ailleurs loin d'être certain qu'il fera partie de la plate-forme électorale du PQ.
Dans un parti où chaque virgule compte, il faut être attentif au libellé des propositions. Celle qui concernait le RIP était formulée de façon nettement moins engageante que les autres. Un gouvernement péquiste «abaissera» à 16 ans l'âge légal pour voter, il «créera» une Chambre des régions, mais il «proposera de modifier» la Loi sur la consultation populaire.
Bernard Drainville a joué un jeu audacieux au cours des derniers mois. Mme Marois a sans doute été la première à prendre la mesure de ses ambitions et elle n'oubliera pas qu'il lui a forcé la main. «Bernard a fait son travail correctement. Il est sûrement très satisfait», a-t-elle dit.
Il a en effet tout lieu de l'être. Au caucus, plusieurs de ses collègues le regardaient de travers depuis longtemps et il ne s'est pas fait de nouveaux amis en déclarant que le PQ risquait de disparaître. Le député de Marie-Victorin a cependant démontré qu'il avait du cran. Il aurait pu démissionner avec les autres en juin dernier, mais il a choisi de faire le débat à l'intérieur et il a réussi à faire bouger les choses sans triomphalisme excessif. Les militants péquistes en ont certainement pris bonne note.
Il n'avait pas prévu que son entrevue au Devoir aurait des suites aussi dramatiques, mais le voilà maintenant débarrassé de son plus dangereux rival. Après s'être dégonflé deux fois en autant de tentatives, on voit mal comment Gilles Duceppe pourrait en faire une troisième.
Rien ne peut être tenu pour acquis au PQ, mais Mme Marois ne devrait normalement plus être inquiétée d'ici aux prochaines élections. Si le PQ les perd, il faudra toutefois lui trouver un remplaçant, et M. Drainville fait maintenant figure de dauphin. Ses collègues ne l'aiment peut-être pas, mais ils n'aimaient pas davantage André Boisclair en 2005.
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