Réactualiser le combat pour notre liberté collective

La révolution tranquille interrompue le 5 novembre 1981

Nouvelle donne, nouvel élan vers l’indépendance

Tribune libre

Je ne vous apprends rien en constatant que le mouvement indépendantiste québécois vit présentement une période de déprime politique, peut-être la pire de son existence. Les causes - et surtout les acteurs - qui sont à l’origine de la montée du nationalisme au Québec depuis le début des années 1960 ne sont plus aussi évidents aujourd’hui, particulièrement pour les générations qui ont suivi la première élection du Parti québécois (PQ) et de son chef René Lévesque le 15 novembre 1976. La perception populaire – grandement induite par les médias nationaux – veut, malheureusement, que la défense du français est moins populaire qu’elle l’était avant cette date symbolique. De même l’animosité envers la bourgeoisie anglophone qui contrôlait les postes de direction et l’économie a fait place au désenchantement, l’élite francophone qui l’a remplacée ayant démontré le même capitalisme sauvage et la même insensibilité vis-à-vis la misère du petit peuple.
Hélas, l’élection du premier gouvernement péquiste a peut-être permis de corriger les iniquités les plus criantes (statut du français en milieu de travail et comme seule langue commune, intégration des enfants d’immigrants à la langue et la culture québécoises, etc.) envers la nation québécoise, mais elle a également contribué à calmer l’élan populaire issu de la Révolution tranquille. D’abord en ayant dissocié l’indépendance du mandat qu’il sollicitait des électeurs (l’étapisme), puis en reportant de près de quatre ans la tenue du référendum sur la souveraineté-association qu’il avait promis en campagne électorale. Ensuite, à part la Loi 101 et la tenue de son référendum, le gouvernement Lévesque n’a posé aucun geste susceptible de provoquer une réaction négative de la part d’Ottawa ou du Canada anglais, du moins susceptible d’accroître ou même de soutenir la ferveur nationaliste. Pire : on a contribué à faire croire au peuple québécois que l’indépendance était, dans les faits, déjà chose faite. Qu’on pense au changement de nom de la Saint-Jean-Baptiste en Fête nationale, à la dénomination de Québec comme Capitale-Nationale, en l’utilisation à outrance du "Gens du pays" de Gilles Vigneault à tous les rassemblements populaires au point de susciter l’illusion qu’il s’agissait effectivement de notre nouvel hymne national, etc. Au point où les gens, confortés par un gouvernement qui semblait apporter des solutions à tous les problèmes de l’époque, percevaient de moins en moins la nécessité – et encore moins l’urgence – de faire l’indépendance.
Bien sûr, le référendum du 20 mai 1980 aurait pu connaître un dénouement autrement plus favorable si le gouvernement de Joe Clark (plutôt conciliant envers le Québec) n’avait pas été renversé par les libéraux de Pierre-Elliott Trudeau à Ottawa à peine trois mois avant sa tenue. À cette époque, Trudeau représentait l’autre modèle de réussite d’un grand nombre de Québécois, celui du Canada français prenant sa place dans l’administration publique fédérale.
On connaît tous la suite : campagne de peur en faveur du NON, engagement solennel de renouvellement du fédéralisme canadien, défaite du OUI, négociations constitutionnelles des 10 provinces et du fédéral, opposition à la charte fédérale des droits et libertés, "Nuit des longs couteaux" ayant mené à un accord qui isolait le Québec, refus de l’idée d’élection référendaire par René Lévesque et mise en veilleuse de la souveraineté-association, récession de 1982, ouverture au renouvellement du fédéralisme ("Beau risque"), démission des ministres puis de René Lévesque, élection de Pierre-Marc Johnson et de "l’affirmationnisme", défaite du 2 décembre 1985 et retour des libéraux de Robert Bourassa.
Jacques Parizeau a ensuite pris la direction du PQ et en a fait à nouveau un parti indépendantiste. Malgré ses objections initiales contre l’étapisme, il maintient encore le référendum comme outil pour réaliser l’indépendance. Malheureusement pour lui – et pour nous – c’était Robert Bourassa, un premier ministre inconditionnellement fédéraliste, qui tenait la barre lors de l’effervescence nationaliste qui a suivi les échecs de Meech et de Charlottetown de sorte que la ferveur s’était sensiblement refroidie lors de l’élection du 12 septembre 1994 lorsque le PQ et les indépendantistes sont revenus au pouvoir. On connaît tout le travail pédagogique et de participation citoyenne que l’avant-projet de loi n° 1 sur la souveraineté a suscités, mais les réserves de Lucien Bouchard et son obsession du consensus ont conduit à l’édulcoration du projet de pays présenté aux électeurs. De sorte que les critiques sur la question et le chantage perpétré par Ottawa sur le partenariat ont monopolisé les débats au détriment des avantages de l’indépendance. Enfin, les manœuvres illégales du clan du NON et la contribution de Citoyenneté et Immigration Canada à l’accélération du processus de naturalisation des immigrants ont contribué à la défaite du OUI. Défaite qui n’en était pourtant pas vraiment une, compte tenu de la faible marge séparant les deux options et l’importance de l’appui des francophones à l’option du OUI, sans compter les abus de moyens utilisés par le camp adverse en comparaison de ceux en faveur du OUI.
À nouveau, lorsque le Bloc québécois (BQ) a pu relever les preuves démontrant l’utilisation abusive des deniers publics au financement d’une campagne délibérée de propagande pro-canadienne exclusivement au Québec (le "Scandale des commandites"), c’était un gouvernement fédéraliste majoritaire qui contrôlait l’Assemblée nationale, de sorte qu’une nouvelle fenêtre d’opportunité s’est fermée aux indépendantistes pour capitaliser sur le ressentiment populaire contre le Canada. On sait que le PQ n’a pas davantage contribué à sa cause, se refusant d’entreprendre les réformes nécessaires à son programme pour s’ajuster à la nouvelle donne politique et se donnant un chef incarnant une fausse image de renouveau et de contenu. De surcroît en porte-à-faux vis-à-vis de la base militante traditionnelle du parti et incarnant la rectitude politique jouant à l’autruche devant les causes profondes des problèmes affectant l’humeur électorale des Québécois (comme la crise des "accommodements (dé)raisonnables").
Aujourd’hui, nous faisons face à un Canada plus sûr de lui que jamais face aux récriminations du Québec et à un Parti libéral (PLQ) qui ne cesse de s’enfoncer dans la médiocrité, les révélations de la Commission Charbonneau ne cessant de mettre à jour son système occulte de financement et la corruption de ses lobbyistes. En face de nos ennemis jurés, le PQ de Pauline Marois peine à émerger comme force politique, ayant depuis longtemps remisé son option fondatrice au profit d’un électoralisme, d’une improvisation et d’un copinage à peine différents de ceux du précédent gouvernement de Jean Charest. Quant à lui, Québec solidaire (QS) joue sur l’ambiguïté et le populisme pour tenter de recueillir l’électorat du NPD fédéral, ayant lui aussi totalement évacué le règlement de la question nationale de son action politique. Option nationale (ON) se cherche depuis le départ de son fondateur Jean-Martin Aussant et n’arrive pas à faire adopter un programme cohérent avec son objectif noble et nécessaire de ramener l’indépendance au centre du débat politique. Enfin, le Parti indépendantiste (PI), d’abord espoir de renouveau des indépendantistes déçus du PQ, s’est déchiré par ses luttes intestines et s’est avéré incapable de rallier une masse critique de militants pour en faire une véritable force politique.
Cet article se veut une introduction à mon prochain qui analysera – par une analogie avec un phénomène physique - les difficultés auxquelles nous faisons face pour relancer l’appui à l’indépendance. Ce n’est qu’après avoir compris les raisons de nos échecs et en saisissant mieux les contraintes que nous imposent notre situation de servitude politique que nous pourrons amorcer un nouveau cycle favorable à l’accession du Québec à l’indépendance. À la différence qu’il ne devra pas nécessairement compter sur la conjoncture politique ou les erreurs stratégiques de nos ennemis fédéralistes.


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4 commentaires

  • Luc Bertrand Répondre

    3 février 2014

    Colette, ce n'est pas d'hier que les quotas d'immigration et, surtout, la difficulté d'intégrer ces immigrants à la société civile québécoise compromettent l'avenir de notre nation. Est-ce que je peux me permettre de vous demander ce qui vous a fait changer d'idée vis-à-vis du PLQ? En effet, même avant Jean Charest, Daniel Johnson et Robert Bourassa savaient très bien que les allophones appuient massivement le PLQ au provincial et le PLC au fédéral, peu importe son programme, peu importe qui en est le chef et même qui le représente dans leur comté!

  • Archives de Vigile Répondre

    2 février 2014

    Au contraire, je suis l'exemple vivante que même moi qui a toujours été en faveur du partie Libéral du Québec toute ma vie (57 ans) je viens juste de comprendre l'enjeu primordial de l'indépendance du Québec grâce au projet de loi de la Charte des Valeurs Québécoises de notre ministre Bernard Drainville. Je suis maintenant en faveur de faire du Québec un pays et ça presse avant que la nation Québécoise telle que nous l'avons connue ne cesse d'exister. L'immigration massive que nous avons connue durant les 9 dernières années avec le partie Libéral a beaucoup nuit aux valeurs communes des Québécois de souche avec des immigrants qui ne s'intègrent pas du tout à notre façon de vivre au Québec et qui nous cause de sérieux problèmes que nous aurons beaucoup de difficultés à régler. De ce fait, la Charte des Valeurs du Partie Québécois devrait tous nous unir fortement derrière ce projet de pays. Et j'en suis convaincue plus que jamais.

  • Archives de Vigile Répondre

    2 février 2014

    Les difficultés sont réelles. Le nombre d'immigrants ayant de beaucoup augmenté depuis le référendum de 1995, un référendum gagnant est de plus en plus improbable.
    De plus, la jeune génération de Québécois de souche est de plus en plus modelée par la culture anglophone du Système et est carrément en perte d'identité et en voie de se fondre dans le Système mondial. Je suis toujours étonné de voir l'ampleur qu'a pris au Québec la musique en anglais, tellement qu'au Festival d'été de Québec, les spectacles en français sont minoritaires.
    Tout ça fait qu'il se peut bien que la souveraineté du Québec ne soit plus possible.
    Il est remarquable que votre article ne reçoive pas beaucoup de commentaires. Cela démontre que les gens ont tendance à jouer à l'autruche pour ne pas voir la réalité en face.
    Et pour certains, même s'ils continuent de se dire souverainiste, ils n'y croient plus vraiment. Leur situation personnelle n'étant pas si mal, ils ne leur est pas coûteux de vivre dans le passé.

  • Archives de Vigile Répondre

    1 février 2014

    Ça va prendre plus qu’un cheerleader comme vous pour faire l’indépendance.
    La démolition tranquille est en train de tout saccager au Québec. Je vous cite un belle phrase. ’Européen convaincu à ses débuts, il désespère aujourd’hui de voir une Europe vieillissante et démographiquement malthusienne jouer un jour un rôle significatif dans le concert des grandes puissances de demain.’
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Crash_d%C3%A9mographique