Ça y est, le sort en est jeté, ou « Alea jacta est », pour reprendre les mots de Jules César franchissant le Rubicon, ce petit fleuve (ici, ce serait à peine une rivière) qui servait de frontière entre la Rome impériale et la Gaule cisalpine, pour libérer Rome de l'emprise de Pompée. Suétone, historien de l’époque, lui attribue ces mots : « Allons où nous appellent les prodiges des dieux et l'iniquité de nos ennemis ! Le sort en est jeté. »
Si je prends la peine de rappeler cet épisode pour commenter notre actualité, c’est que les événements que nous vivons en ce moment sont, toutes proportions gardées, aussi lourds de conséquence pour l’avenir du Québec que le fut la décision de Jules César pour l’avenir de l’empire romain.
Le nouveau projet de Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodements a en effet ceci de commun avec la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec que l’Assemblée Nationale vient de réaffirmer à l’unanimité par voie de motion il y a quelques semaines qu’il constitue un exercice clair et sans équivoque du droit du Québec à disposer de lui-même.
Il ne faut donc pas se surprendre que le gouvernement fédéral ait, dans les deux cas, manifesté son intention de s’opposer à l’exercice de ce droit, dans le premier en prenant fait et cause pour les particuliers (un groupe d’anglophones du West Island) qui avaient choisi d’intenter en justice un recours en invalidité contre la Loi 99, et dans le second sous la forme d’un avertissement, par la voix du ministre de l’Emploi et du Multiculturalisme, Jason Kenney, de l'intention très ferme du gouvernement fédéral de contester la Charte québécoise si elle est adoptée dans la forme déposée hier par le ministre Drainville.
On notera au passage que l'intervention fédérale n'est pas venue du lieutenant québécois de Stephen Harper, Denis Lebel, désormais soupçonné de trahison dans les cénacles fédéralistes pour avoir déclaré récemment qu'il était plutôt en accord avec le projet de Charte des valeurs québécoises.
Mon confrère et ami Pierre Cloutier a brillamment décrit hier, dans son article intitulé Les jeux sont faits, rien ne va plus , la manière dont vont s’opposer les chartes canadienne et québécoise et la confrontation politique qui va en résulter entre les deux gouvernements. Je vous invite à prendre connaissance de ce texte si ce n’est déjà fait.
Pour ma part, je tiens à revenir sur l’esprit particulier qui anime la démarche québécoise, un esprit que j’ai osé qualifier de républicain dans deux articles récents, à la surprise de plusieurs. Bernard Landry, mon ancien collègue au conseil des ministres sous le gouvernement de Jacques Parizeau y a fait une allusion indirecte dans la lettre ouverte qu’il rendait publique la semaine dernière pour clarifier sa position sur la Charte : « Hélas, nous ne sommes pas encore en république, mais nos voisins américains et nos cousins français qui le sont pourraient sur ce point nous inspirer à certains des égards. »
Bernard a évidemment raison sur le plan technique. La République du Québec n’a pas encore été proclamée. Mais la Loi de 2000 et la nouvelle Charte de la laïcité sont des actes républicains et conduisent à la proclamation d’une république (du latin res, la chose, et publica, publique). Mais si le mot est d’origine latine, donc né au temps des Romains, la notion de république remonte à la Grèce antique où elle était connue sous le nom de πολιτεία (politéia). C’est d’ailleurs le titre en grec de « La République » du philosophe Platon, Η Πολιτεία του Πλάτωνα.
Cette notion a évolué avec le temps, et, aujourd’hui, elle décrit
« [...] une forme institutionnelle qui combat toute privatisation du pouvoir, qu’elle soit extrême et datée comme la monarchie, ou sournoise et actuelle comme l’oligarchie. Mais c’est aussi un humanisme émancipateur et universaliste qui affirme l’unité du genre humain et défend l’égalité absolue des êtres humains dans la conduite de l’histoire. La République est donc doublement révolutionnaire dans le monde actuel. Elle combat le capital qui accapare tous les pouvoirs. Et elle s’oppose frontalement aux théories du choc des civilisations qui essaient de diviser artificiellement l’humanité »,
pour reprendre les termes d’un ouvrage récent intitulé justement « La République nous appelle ». On découvre donc toute sa pertinence dans le contexte du Québec, sous le joug à la fois de la monarchie britannique, le paravent derrière lequel les colonialistes Canadian se cachent pour nous faire toutes leurs vacheries, et sous celui des oligarques prédateurs à la Desmarais.
Si le débat ne m’avait pas amené jusqu’ici à puiser dans mes racines françaises (par mon père) pour forger ma compréhension et mon analyse de la situation actuelle, je dois vous avouer que le titre de cet ouvrage « La République nous appelle » a réveillé en moi le souvenir de l’Histoire de France qu’on nous enseignait du temps où j’usais mes fonds de culottes sur les bancs du Collège Stanislas à Outremont.
« La République nous appelle », c’est le leitmotiv du « Chant du départ », un chant patriotique et guerrier qui remonte à la Révolution française et aux premières années de l’ère napoléonienne, demeuré très présent dans la mémoire française, au point que l’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing (1974 – 1981), pourtant un conservateur bon teint peu suspect de dérive révolutionnaire, en avait imposé la diffusion dans toutes les communications de l’État, tout de suite après La Marseillaise.
Le texte du « Chant du départ », comme tous les textes patriotiques et guerriers de l’époque, fait plutôt « pompier », mais on y retrouve les trois segments de phrase, on ne peut plus actuels, et tout aussi pertinents que percutants, dont je me suis servi pour le surtitre, le titre et le sous-titre du présent article : Le peuple souverain s’avance, La République nous appelle, La liberté guide nos pas.
Et si les mots ne parviennent pas à eux seuls à stimuler votre ardeur républicaine, je vous propose ci-dessous trois versions du « Chant du départ », la version instrumentale officielle, la version paroles et musique interprétée par Mireille Mathieu et l’orchestre des Choeurs de l’Armée Rouge, et la version paroles et musique interprétée par les Choeurs de l’Armée Rouge.
Enfin, je m'en voudrais de terminer cet article sans souligner que la fanfare du Régiment de cavalerie de la Garde républicaine française a été invitée à donner un spectacle (l'équivalent d'un Tattoo de la GRC) à New York en 1986.
Surprenant tout de même qu'elle n'ait pas été invitée à en donner un à Montréal ou à Québec par la même occasion, pour profiter de cette très rarissime présence en Amérique du Nord. Sans doute voulait-on à Ottawa éviter de troubler les natives québécois et jeter du sel sur les vieilles plaies encore ouvertes de l'histoire. Il y a des mauvais génies qu'il faut savoir laisser enfermés dans leur bouteille.
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Mireille Mathieu Le chant du départ par enzo92110
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10 commentaires
Archives de Vigile Répondre
17 novembre 2013La République nous l'aurons le jour ou un Parti Politique Québecois Indépendantiste aura dans son programme un NOUVELLE distribution des terres comme ceci est arrivé à plusieurs reprises dans nos 450 de vie comme Nation Francophone . C'est ce que j'explique avec détails sur mon FORUM MPQ
Archives de Vigile Répondre
10 novembre 2013Le Canada fait un don de 5 millions pour venir en aide aux victimes du Typhon aux Philippines et
Philippe Couillard dit que c'est au Québec de faire sa part aussi.
Chercher l'erreur?
http://www.radio-canada.ca/regions/ontario/2013/11/10/003-typhon-philippines-aide-canada.shtml
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
10 novembre 2013Merci à Danièle Fortin,
Suis-je le seul à apprendre autant d'essentiel en si peu de mots?
Ouhgo
Archives de Vigile Répondre
10 novembre 2013Je crois aussi que la République est en marche avec Mme Marois. Allez sur pq.org et lisez l'allocution de Mme Marois lors de la clôture du conseil national du PQ. Je crois qu'il serait bon de reproduire ici cette allocution.
Je suis aussi d'accord avec François Ricard pour que Vigile nous propose un modèle de constitution québécoise, ça donnerait un coup d'envoie pour amener le PQ vers une démarche concrète.
J'aime beaucoup vous lire M. LE HIR.
Danièle Fortin Répondre
9 novembre 2013Sylvie Janette Cloutier :
« J’ai de la difficulte avec ce terme de republique ... en raison de " republicain. En raison de nos voisins. »
Madame Cloutier,
D'abord le parti républicain aux États-Unis ne fut pas la création des ultra-néo-libéraux Reagan, Bush père et fils mais du président Abraham Lincoln qui mis fin à l'esclavage des Noirs et à la Guerre de Sécession.
Restons en Amérique. Savez-vous que du Pôle Nord à la Terre de feu, sur ce continent, tous les pays sont des républiques ? Que le seul qui soit encore une monarchie est le Canada et quelques îles britanniques qui font office de paradis fiscaux ? Une monarchie dont la souveraine réside sur un autre continent ?
Dans le monde, sur 193 pays membres de l'ONU, 136 sont des républiques.
Aussi, il est NORMAL qu'un peuple sous occupation d'une couronne étrangère se dise républicain. C'est le contraire qui est inconcevable dans la mesure où il n'y a que TROIS types de régimes politiques: républicain, monarchique ou dictatorial.
Or, depuis sa fondation, le Pq contrairement aux républicains des É.U., de l'Irlande et de la France, n'a jamais fait la promotion de la république. Pourquoi ? À quiconque je pose cette question,parmi les autorités péquistes, on me répond invariablement que le peuple ne sait ce qu'est une république; que nous confondrions ce régime, comme vous le démontrez, au Parti républicain étasunien et/ou à une "république de bananes". Ça ne s'invente pas.
Je crois moi, que le Pq n'est pas républicain, qu'il ne veut en aucun cas instaurer une république car ce serait accorder la souveraineté au peuple québécois alors que ce parti profite des privilèges que lui consent le régime actuel. Parce que fonder une république n'est pas l'affaire d'un parti politique mais de TOUT le peuple; s'en réclamer c'est consacrer l'ÉGALITÉ de tous sans égard aux particularismes basés sur l'ethnie, la religion, la classe sociale, les compétences, etc. Seule compte la volonté générale. Et de cette volonté découle la Loi, la Constitution qui, encore, ne peut être la chose d'un parti ou d'une classe sociale et économique. Établir une république au Québec sera nécessairement mettre à mort le Parti québécois. Voilà pourquoi, il me semble, nous déclinons la république tout de travers. Si d'aventure le Pq nous fabrique une république selon ses intérêts ce sera n'importe quoi sauf une république. Et pourtant, quel bonheur ce serait de voir les Harpeur, Couillard, Trudeau junior, Pratte, Dion, Charles Taylor, Mulcair,Coderre défendre la monarchie britannique, sa couronne contre la souveraineté du peuple québécois ! Placée sous cet angle, le combat pour l'indépendance nationale serait à portée de main. Qui peut être contre la vertu sans se couvrir de ridicule ?
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Archives de Vigile Répondre
9 novembre 2013Effectivement, M. Le Hir, la position du Québec se rapproche de l'assise fondatrice du Pays au lieu de demeurer flottante entre 2 chaises. Il faut le remarquer, le marquer en bleu lumineux ce passage à mobilité accrue, "mine de rien" selon l'équivocité de l'expression, observable pour certains, mais méprisable ou à réduire pour d'autres, médiacratie en tête.
Soit dit en passant, je seconde M. François Ricard dit l’Inconnu (vigilien bien reconnaissable par son stilus): pourquoi ne pas ouvrir sur Vigile un dossier constitutionnel du Québec, commentable librement, avec une présentation, un préambule et des éléments légalo-politique articulés par MM. Le Hir et Cloutier. Merveilleux coup de pouce stimulant et altermédiatique en vue du Pays déjà-là et sa constitution imminente, promise de fait par Pauline Marois.
Après tout, si l’indépendance et la constitution du Québec, sont de promotion notoirement péquistes, la finalité elle, est d’État-nation souverain. Le débat doit ratisser à la largeur de tous les québécoisES républicains de volonté et de désir.
Vouons ainsi notre cœur national au battement affirmatif du corps de Notre État-Pays.
Déjà, épars, beaucoup d’éléments d’une telle constitution ont été abordés par de nombreux vigiliens contributeurs.
En rassemblant dans un cadre plus formel ces composantes, cette proposition de constitution deviendrait un projet palpable, un journal-mémoire du peuple écrit pour et par lui.
N’est-ce pas rejoindre une définition concrète de toute république par ses racines mêmes?
Déposer ce mémoire collectif à l'Assemblée nationale serait pousser un cran plus avant la mission de Vigile dans la réalisation du Pays.
L'action venant en faisant, l'effet papillon bleu lys en surprendrait plusieurs, "mine de rien".
ChristianP
Alain Rioux Répondre
9 novembre 2013La souveraineté législative du Québec, en ses pouvoirs spécifiques, prime les tribunaux. Sinon, nous ne serions plus en démocratie mais en une république de magistrats. Au reste, la laïcité concerne des fonctions (personnes morales) et non des individus (personnes physiques), ces dernières seules détentrices des droits, édictés dans les déclarations des droits (1789, 1948, 1975, 1982). C'est ce qu'a bien compris la France des IIIe, IVe et Ve Républiques. Osera-t-on la déclarer anti-démocrate?...
Par conséquent, la sécession du Québec s’imposerait, ipso facto, comme ultime moyen de défense de protection de la démocratie, face au despotisme fédéral, advenant tout recours judiciaire d’Ottawa, à l’encontre de notre charte de laïcité!
François Ricard Répondre
9 novembre 2013Pourquoi Vigile ne ponderait pas un modèle de constitution républicaine qui pourrait être proposé à toute la population?
Avec des Richard le Hir, des Pierre Cloutier et bien d'autres,
Vigile pourrait sûrement faire oeuvre utile à ce sujet.
Archives de Vigile Répondre
9 novembre 2013Synthèse de la situation politique actuelle qui a le grand mérite de nous encourager à dépasser nos divisions et à mettre de coté les luttes fratricides qui nous tirent vers le bas. Texte qui est à la hauteur de l'envergure de notre cause, un appel encourageant à sortir par le haut,avec une dignité et une classe que le Canada ne connaît pas, du carcan national qu'il nous impose. Les Québécois, ceux de souche comme ceux de branche, devraient se sentir tous concernés par cet appel universaliste indépendamment de leur race, de leur origine et de leur confession religieuse.
Archives de Vigile Répondre
8 novembre 2013J'ai de la difficulte avec ce terme de republque ... en raison de " republicain",
En raison de nos voisins. Je disais a ma mere que si j'etais americaine , je ne pourrais pas etre republicaine , mais democrate.
La famille Bush et leurs amis qui profitent et controlent l'agenda de ce parti pour enrichir des grappes industrielles reliees a l'armement.
J'imagine que je ne suis pas seule qui reagisse en associant ce mot a quelque chose de pejoratif.
La majorite des Quebecois, n'est pas familiere avec ce terme comme le sont les Francais.
Deja que l'on melange souverainete , nationalime, federation, confederation. Un nouveau terme pour definir politiquement un nouvel etat, necessitera de l'education et vulgarisation (un lexique accessible)
J'aime vous lire et sachez que vigile.net me rend l'espoir d'un pays