Drôle de semaine : à quelques jours de la rentrée parlementaire durant laquelle on débattra du projet de loi sur la laïcité et les signes religieux, les partis politiques n’ont jamais été aussi hésitants. Je vais peut-être vous étonner : je trouve cela plutôt bien.
Qu’on me comprenne : je rejette toute hésitation sur l’échéancier. Ce dossier traîne depuis la Commission Bouchard-Taylor de 2007. La CAQ a promis de le régler dans la prochaine session parlementaire. Respectez cela !
Premiers à se montrer prudents, les députés de la CAQ évaluent certains aspects. Doit-on inclure une clause qui reconnaîtrait les droits acquis des enseignants qui travaillent déjà depuis des années en portant un signe religieux ? François Legault va écouter les points de vue. À la fin, il pourrait être forcé de trancher.
Les libéraux
Chez les libéraux, la position qui semblait claire ne l’est plus. Certains libéraux entrouvrent la porte à un encadrement des signes religieux pour les personnes en autorité. Pour ce parti qui veut à tout prix éviter de devenir le parti des non-francophones, incapable de gagner des sièges hors Montréal, le sujet doit faire l’objet d’une grande attention.
Québec solidaire nous avait préparés à un changement de position à 180 degrés. Ce parti qui soutient depuis des années la mise en vigueur du rapport Bouchard-Taylor avait l’air en voie de prendre un fort virage multiculturaliste. Cette semaine, la chose est beaucoup moins claire. QS va peut-être rester fidèle à sa position du passé.
Saine prudence
Que chacun se lance dans la discussion avec ouverture constitue une bonne nouvelle. Le débat sur les signes religieux touche plusieurs aspects délicats de la vie des gens. On aborde les croyances religieuses, les valeurs, l’emploi, les droits de chacun.
On navigue aussi dans la zone délicate entre le droit de la majorité et ceux des minorités. Le droit de la majorité de normer le fonctionnement de ses institutions dans le respect de valeurs communes importantes, et les droits des minorités de vivre leurs spécificités, notamment en matière religieuse. C’est là que la Commission Bouchard-Taylor avait tracé une ligne, avec cette notion d’employés de l’État en position d’autorité.
Vous trouvez que ces hésitations des partis politiques reflètent un manque de convictions ? J’y vois aussi une certaine sagesse devant l’importance de l’enjeu. J’y vois un niveau de conscience de son caractère explosif. Je préfère de loin ce ton d’ouverture au ton partisan et incriminateur de Philippe Couillard qui accusait les autres de « souffler sur les braises de l’intolérance » lorsqu’on abordait ces questions.
Il faut quand même retenir les leçons du passé. Lorsque le PQ a introduit sa Charte des valeurs, il a commis deux erreurs. La première, c’est que les interdictions allaient trop loin en visant tous les fonctionnaires. Mais la plus grosse erreur fut de refuser les compromis et de ramener la Charte dans le débat partisan d’une campagne électorale. Un tel débat gagne à rester loin de la partisanerie.