Le CPR (Centre de prévention de la radicalisation)

La radicalisation, un ennemi multiple

Une échelle de radicalisation

Tribune libre

En début de cette année, le gouvernement du Québec a mis en place un plan de lutte à la radicalisation, un Observatoire sur la radicalisation et l’extrémisme violent, et tout récemment, le Centre montréalais de prévention de la radicalisation->https://info-radical.org/fr/] (CPR). Il y a donc une volonté politique de faire face à cette problématique sociale. Tous ces moyens vont nous aider à mieux comprendre ce phénomène, à le prévenir et à intervenir rapidement le cas échéant. Le [CPR « est déjà intervenu auprès de 90 familles et a reçu 360 appels depuis mars 2015. Avec sa ligne téléphonique et son équipe d'interventions sur le terrain, il vient notamment en aide aux familles craignant que des proches ne se radicalisent. L'organisme, financé par Montréal et le gouvernement du Québec, veut combattre le radicalisme violent, qu'il soit religieux, d'extrême droite ou d'extrême gauche. »

Un peu partout dans les médias, on entend dire que certains individus se sont radicalisés rapidement, à l’intérieur de quelques semaines ou quelques mois. Alors que personne de leur famille ou de leur entourage ne s’en soit aperçu. La question qui surgit est la suivante. Est-ce qu’on peut se radicaliser en si peu de temps? N’existerait-il pas des étapes, c’est-à-dire une échelle évolutive vers la radicalisation, vers la violence? Il y a un mythe qui court et duquel on doit se méfier, est celui de croire que les jeunes et les moins jeunes, qui entrent dans des groupes criminalisés ou qui partent combattre en Irak et en Syrie, sont des fous dangereux, des psychopathes, peu instruits, sans emploi, etc. Il y a du vrai là-dedans, mais cela n’explique pas tout!

Selon toute vraisemblance, le profil des radicalisés serait avant tout motivationnel. « C’est plus un profil motivationnel qui les caractérise, car il y a des jeunes, des adultes plus âgés, des hommes et des femmes. La radicalisation apparait lorsque sont réunis trois éléments: le sentiment d’injustice, une idéologie —on associe beaucoup les radicaux au djihadisme mais les autres extrémistes ont leur lot de radicaux— et un réseau social. Il est possible, en trois clics, de tomber sur les messages de recruteurs radicaux. Avec les réseaux sociaux, c’est beaucoup plus simple d’être exposé à ce type de messages et pour peu que le jeune soit vulnérable, cela peut le séduire. Les vidéos postées sur YouTube peuvent être très attrayantes pour quelqu’un qui cherche du sens à sa vie. »

Une première observation

Je vous présente, ici, ma vision du phénomène de radicalisation. Elle n’a rien de scientifique, mais peut aider à la compréhension de ce phénomène. À l’intérieur de toute population, il y a comme trois groupes d’individus. Il y a les citoyens ordinaires qui représentent plus de 99.9% de la population et qui ont 0% de radicalisation en eux. Peut importe leur origine, leur croyance, leur idéologie, leur statut social, leurs réussites ou leurs échecs, ils ne se laisseront jamais entraînés vers la radicalisation et la violence.

Mais à la marge de cette population, il y a aussi un nombre restreint d’individus qui cherchent à donner un sens à leur vie et qui se laissent séduire par la radicalisation. Graduellement ils se dirigent vers une radicalisation à 80% (vous comprendrez que ce chiffre est hypothétique et qu’il est voulu dans le but de faciliter la compréhension). Ces individus hypothétiquement radicalisés à 80% ne sont pas prêts à commettre des crimes et aller jusqu’à tuer. Cependant ils éprouvent de la sympathie envers les radicaux (les mafieux, les gangs de rue, les criminels). Ils apportent leur contribution via Facebook, Tweeter, YouTube, en faisant suivre les chats, les tweets et les vidéos. Ils naviguent continuellement sur le Net à la recherche de sensations fortes où la violence est honnie présente.

Par contre, à l’intérieur de ce groupe de radicalisés à 80%, il y a un petit nombre d’individus qui vont passer à l’acte. Ce sont eux qui se radicalisent rapidement de 80% à 100%. En effet, ils se radicalisent petit à petit avant de passer à l’acte. Pour nous de l’extérieur, nous croyons qu’ils se sont radicalisés soudainement. Et c’est dans cette population de radicalisés à 80% que sont recrutés les radicaux de demain. Tout cela pour dire qu’il est difficile, mais non impossible, de passer de 0% de radicalisation à 100%. Dans un moment de détresse, de fragilité, il leur suffit d’écouter un protagoniste radical, de visionner une vidéo, de rencontrer deux ou trois autres sympathisants pour allumer la mèche de leur totale disposition à la radicalisation. Une fois radicalisés à 100%, ils sont prêts à risquer leur vie et mourir pour leur noble cause. Leur but est de s’identifier et d’entrer dans un groupe puissant qui fait la loi, comme chez les motards ou les groupes criminalisés. Dans le cas des jeunes musulmans, c’est la même chose qui se produit, ils quittent pour aller rejoindre le califat qui a établi son territoire en Syrie, présentement. Mais très bientôt, suite aux bombardements de plus en plus intensifs, ce califat devra se replier et déménager en Libye où règne un chaos total. Là, les radicaux (extrémistes, djihadistes, terroristes) pourront continuer à imposer leurs lois.

Une deuxième observation

L’autre question qui surgit est de savoir comment arrive-t-on à 80% de radicalisation. Le phénomène de la radicalisation est très complexe. Comment part-t-on de 0% de radicalisation à 100%? Il y a un chemin intermédiaire, une graduation, une échelle vers la radicalisation. Voici quelques paliers ou échelons. Cette liste, présentée ici, ne prétend pas être exhaustive, mais indicative.

GRAPHIQUE

1. Familles, 2. Écoles confessionnelles, 3. Associations-groupes radicaux, 4. Lieux de rencontres, 5. Quartiers-ghettos, 6. Réseaux sociaux, 7. Medias-propagande, 8. Stages en prison, 9. Chaînes satellites, 10. Recruteurs radicaux.

À première vue, l’échelon numéro un, la famille, serait le terreau le plus fertile d’où surgit toute radicalisation. Mais encore là, tout est relatif par rapport à la personnalité de chaque individu. Les 10 échelons ne sont pas nécessairement mis par ordre chronologique. Tout dépend de l’impact que chacun d’eux exerce sur les individus. Par exemple, la famille, qu’un nouveau converti quitte en coupant tous les liens, n’a pas beaucoup d’impact sur lui. C’est différent pour celui ou celle qui vit ou a vécu dans une famille endoctrinée, violente, rigide, autoritaire. Il lui est très difficile de lutter contre sa propre famille radicalisée. Va-t-on retirer les enfants d’une famille radicalisée ou arrêter et emprisonner les parents? Bien sûr que non, à moins qu’ils n’aient commis de graves délits devant la loi! La radicalisation peut venir aussi bien de l’école, d’un quartier, d’un groupe d’amis, de stages en prison, de réseaux sociaux, de la propagande, des médias, etc. Il y a tellement de carneaux extrêmes et puissants, bien structurés, en apparence inoffensifs, qui peuvent nourrir la radicalisation.

La lutte contre la radicalisation est une responsabilité collective et de tous les instants. Le danger est de trop compter sur les forces de l’ordre. Laissées à elles-mêmes, celles-ci n’arriveront jamais à contrer la radicalisation. Le CPR est un moyen efficace dans notre lutte à la radicalisation, mais à condition que tout citoyen se sente concerné et y collabore. Cet ennemi est multiple et ce n’est pas en coupant une de ses tentacules qu’il va disparaître. Nous ne devons pas prendre la radicalisation à la légère. Sachons qu’aucune technique, qu’aucun appareil (détecteur de métal, caméra, scan, surveillance informatique, fichage et autre), qu’aucune présence policière ou armée, même avec des décrets d’états d’urgence prolongés, ne sera en mesure de nous protéger à 100%. Les moyens les plus surs, ce sont les agents d’infiltration et nous sur le terrain. Voilà un joli défit pour nous tous, braves citoyens!

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Marius Morin130 articles

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Citoyen du Québec, Laval, Formation universitaire, Retraité toujours
interpellé par l'actualité socio-politique

Laval





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1 commentaire

  • Gaston Carmichael Répondre

    11 décembre 2015

    Dans son numéro de Novembre 2015, Québec Science a justement publié un article sur ce sujet. Vous avez accès à une partie de cet article ICI.