Le jour où elle est devenue chef du PQ, Pauline Marois avait déjà décidé de se débarrasser du SPQ Libre. La question était simplement de savoir quand et comment.
Il n'était pas nécessaire qu'elle accorde cette malheureuse entrevue à La Presse canadienne pour savoir que sa longue et dure rivalité avec Bernard Landry lui avait permis de développer un «instinct de tueuse».
La liquidation de l'ancien directeur général du PQ Raymond Bréard et la rapidité avec laquelle elle a sorti Gilles Duceppe de la course à la succession d'André Boisclair l'avaient déjà démontré. Les dirigeants du SPQ Libre n'ont pas eu le temps de voir venir le coup.
Dans un parti où la contestation avait été la règle depuis quarante ans, autoriser la création de «clubs politiques» autonomes revenait à institutionnaliser la dissidence. C'était comme si René Lévesque avait donné sa bénédiction aux Caribous libres.
Bernard Landry, inspiré par le modèle du Parti socialiste français, souhaitait que d'autres clubs viennent s'ajouter au SPQ Libre. Heureusement que cette floraison ne s'est pas produite. Le PQ serait devenu carrément ingouvernable. Déjà, il était absurde de conférer un statut spécial à un club dont la majorité des membres pouvaient théoriquement être membres d'un autre parti.
Un parti qui se prétend ouvert au débat a cependant le devoir de lui fournir un cadre. Jusqu'en 2005, les conseils nationaux prévoyaient une période pour l'étude des propositions dites d'urgence, qui permettaient aux militants de s'exprimer publiquement sur n'importe quel sujet.
La refonte des statuts a renvoyé l'étude de ces propositions à une autre instance, la Conférence nationale des présidentes et des présidents, dont les travaux se déroulent essentiellement à huis clos.
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Le principal reproche fait au SPQ Libre est d'avoir constamment critiqué les positions du parti dans les médias plutôt que dans les instances du parti. Certes, il ne s'en est pas privé, mais quel autre choix avait-il? Actuellement, les structures du PLQ laissent plus de latitude à ceux qui veulent contester les politiques de leur parti que le PQ. C'est dire.
Les prédécesseurs de Mme Marois ont eu la même frustration de voir un petit groupe peu représentatif donner la fausse impression d'une profonde division. Entre un désaccord sur une orientation et la contestation du leadership, il peut être très difficile de tracer la ligne.
S'il veut conserver une chance de faire l'indépendance, le PQ doit néanmoins demeurer une coalition, ce qui suppose une cohabitation de gens qui peuvent diverger d'opinion sur tout le reste. Un parti qui favorise le statu quo n'a pas ce genre de problème.
Il serait assez inquiétant qu'un parti qui a toujours défendu une vision collective du développement économique décide soudainement que «l'enrichissement des individus de tous les âges sera au centre de la politique économique» sans que personne s'en émeuve. On peut contester la manière, mais il demeure que la critique la plus articulée du virage à droite que Mme Marois veut faire prendre au PQ est venue du SPQ Libre.
Cinquante ans après la Révolution tranquille, on peut plaider que l'État doit être moins interventionniste et que l'entreprise privée est mieux à même de créer la richesse nécessaire au maintien du filet de sécurité sociale.
Il est cependant légitime de se demander jusqu'à quel point la fiscalité québécoise doit être plus généreuse pour les entreprises que celle de l'Ontario et s'il est bien équitable de recourir davantage à la taxation indirecte plutôt qu'à l'impôt sur le revenu. Celui dont le revenu est déjà trop faible pour être imposé est-il en mesure de payer plus de taxes à la consommation?
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Le problème du SPQ Libre, qui est également celui du front commun des employés du secteur public, était que l'on ne savait pas trop dans quelle mesure il défendait les intérêts de la population ou ceux des syndicats. Au lendemain du congrès péquiste de 2005, ses dirigeants se félicitaient ouvertement que le nouveau programme soit calqué sur l'«agenda» syndical.
Selon le secrétaire du SPQ Libre, Pierre Dubuc, le PQ a voulu se dissocier de sa base syndicale. En réalité, Mme Marois veut surtout se rapprocher de l'électeur moyen — pas seulement adéquiste — qui se méfie des syndicats. Une méfiance que les négociations dans le secteur public et les allégations d'intimidation systématique sur les chantiers de construction risquent de renforcer.
Le dernier sondage Léger Marketing-Le Devoir a donné la mesure (70 %) de l'insatisfaction à l'endroit du gouvernement Charest, mais il indique tout aussi clairement que la confiance envers le PQ et Mme Marois elle-même demeure fragile.
Amir Khadir semble tout disposé à accueillir les membres du SPQ Libre à Québec solidaire, qui en abrite déjà quelques-uns, mais la gauche communautaire et la gauche syndicale ne font pas nécessairement bon ménage. Le ralliement à QS n'a jamais intéressé beaucoup les dirigeants du SPQ Libre, qui promettent maintenant un geste «surprenant». La plus grande surprise serait qu'ils décident de se taire.
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mdavid@ledevoir.com
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