La peur est une émotion causée par un danger anticipé. Elle est essentielle à la survie de l’espèce humaine. Elle nous permet de rapidement identifier les dangers qui menacent notre bien-être et parfois nos vies. Elle nous protège en nous obligeant à évaluer la situation à laquelle nous sommes confrontés et à choisir le meilleur moyen de se protéger.
Si nous ignorons la peur nous nous exposons à des dangers dont les conséquences peuvent être dramatiques. Notre code génétique nous prédispose à craindre les dangers réels ou imaginaires.
Les politiciens, mieux que tout autre, comprennent cette caractéristique fondamentale de l’être humain. Ils la cultivent et l’exploitent à satiété. Que ce soit un état impérialiste comme les États-Unis ou un état providence comme la France ou le Québec, l’un et l’autre exploitent la peur pour soumettre la population. S’il est vrai que les démocraties modernes dépendent de l’opinion publique il est aussi vrai que celle-ci est largement dictée par la peur.
Machiavel a très bien exprimé ce principe : « Puisque l’amour et la peur peuvent difficilement coexister, si nous devons choisir, il est préférable d’être craint que d’être aimé. » (Since love and fear can hardly exist together, if we must choose between them, it is far safer to be feared than loved.)
Un rappel historique.
Les premiers gouvernements se sont imposés par la guerre et la conquête. Les vaincus qui n’avaient pas été exécutés ou vendus comme esclaves devaient payer un tribut aux vainqueurs. Au moindre signe de rébellion, les vainqueurs menaçaient de confisquer les biens des conquis et de les réduire à l’esclavage. Dans ce contexte, le paiement d’un tribut était un moindre mal. Ainsi apparurent les premiers régimes d’impôts.
Ces régimes s’apparentaient plus à l’esclavage qu’à une taxe équitable. Le moindre signe de faiblesse de la part des conquérants se soldait par la révolte des conquis. Faute de pouvoir reprendre leur liberté, ils redoublaient d’ingéniosité pour se soustraire aux exactions du gouvernement. Ainsi, le maintien du gouvernement par la force était une entreprise coûteuse qui donnait rarement les résultats escomptés.
Tôt ou tard, les gouvernements s’allièrent aux pouvoirs religieux. Parfois, le chef de l’état cumulait les pouvoirs militaires et religieux comme dans le cas des Pharaons. D’autres fois, les pouvoirs militaires et religieux formaient une alliance, comme dans le cas des monarchies européennes, pour mieux dominer et exploiter la population.
Les représentants religieux détenaient un pouvoir considérable. De connivence avec les pouvoirs militaires ils dictaient les comportements acceptables - obéissance et soumission - pour s’assurer une place privilégiée dans l’au-delà. Ainsi, le pouvoir militaire menaçait la sécurité et la vie des gens sur terre et le pouvoir religieux menaçait leur bien-être dans l’au-delà. Le cumul de ces pouvoirs constituait une force beaucoup plus considérable que ces mêmes pouvoirs opérant séparément.
Avec le temps, l’utilisation de la peur à des fins politiques s’est raffinée. Les politiciens se sont arrogé le rôle de protecteur du citoyen. Le mandat du gouvernement devient celui de protéger la population contre les dangers réels et imaginaires. Souvent, les gouvernements deviennent la source du danger contre laquelle ils promettent de protéger les citoyens. Celui-ci n’a plus le choix il est protégé de gré ou de force et contre lui-même si nécessaire.
Au fil des ans le développement du concept de démocratie incorpore la notion que le gouvernement c’est le peuple. Donc, le gouvernement est le reflet de la volonté populaire. Ainsi commence l’âge d’or des groupes de pression. Encouragé dans leurs efforts par les politiciens, ceux-ci prétendent représenter l’intérêt public et revendiquent plus d’interventions gouvernementales pour éviter les catastrophes appréhendées. Ils capitalisent sur les peurs des gens pour influencer l’opinion publique : terrorisme, environnement, pauvreté, épidémie, chômage, libre-échange, éducation, etc. Ils popularisent la notion que le gouvernement est le seul organisme capable de protéger les citoyens. Ainsi, le gouvernement finance les groupes de pression et en retour ceux-ci réclament plus de gouvernement. L’état providence est né.
Gestion de la peur.
L’utilisation de la peur comme moyen de contrôle politique doit s’adapter aux réalités changeantes des époques et des sociétés.
L’effet de la peur s’amenuise avec le temps. À moins que les catastrophes annoncées se matérialisent le doute s’installe rapidement. Le gouvernement doit posséder un inventaire toujours renouvelé de danger pouvant raviver la peur dans la population. Le choix est illimité : santé, criminalité, terrorisme, environnement, etc.
Les médias véhiculent avec enthousiasme la peur. Elle se prête bien aux grands titres spectaculaires et mousse les ventes. Le leitmotiv des journaux et des bulletins de nouvelles semble être : à chaque jour sa peur.
La population est maintenue dans un état constant d’appréhension. Cette stratégie détourne l’attention de la population et camoufle les vrais problèmes. Ainsi, il est plus facile de faire accepter de nouvelles taxes, lois et règlementations.
Au Québec cette stratégie fonctionne merveilleusement bien. Un sondage CROP fait pour la chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, conclut que les trois quarts des Québécois sont assez ou très favorables à une hausse de la taxe de vente si les revenus sont dédiés à la santé. Près de sept répondants sur 10 sont prêts à payer plus si l’argent sert à l’éducation et à la lutte contre la pauvreté. Les Québécois réalisent que depuis vingt ans les budgets alloués à la santé et à l’éducation augmentent au même rythme que les services se détériorent. Toutefois, la peur d’être privé de soin ou que leurs enfants n’aient pas accès à une bonne éducation les convainc de choisir l’option qui apparaît la moins risquée.
Le vrai problème découle du fait que ces services sont fournis par des monopoles gouvernementaux hyper syndiqués. Malgré tout, les politiciens, les syndicats et les nombreux groupes de pression qui bénéficient de ces monopoles, réussissent à faire croire aux Québécois que tous les problèmes peuvent être réglés par le gouvernement. En utilisant la peur comme outil de propagande, ils proposent des nouvelles lois et règlements pour y arriver. Les taxes augmentent proportionnellement à la croissance de la bureaucratie sans que les services ne s’améliorent. On est dans un cercle vicieux d’où il ne semble plus possible de sortir : plus de gouvernement crée plus de problèmes ce qui en retour nécessite plus de gouvernement.
À chaque instant, des opportunistes profitent des peurs générées et entretenues par les gouvernements pour s’enrichir au détriment de la population. D’anciens politiciens et fonctionnaires deviennent du jour au lendemain des experts consultants. Ils rédigent de volumineux rapports, chèrement payés par les fonds publics, confirmant les dangers dénoncés. De nouvelles entreprises naissent, d’autres s’enrichissent, grâce aux subventions générées par les programmes gouvernementaux créés dans le but exprès d’endiguer les nombreux dangers qui nous assaillent. Ces mêmes programmes subventionnent des centaines d’organismes sociaux et à but non lucratifs, pour aider la population à gérer le stress créé par la peur.
L’environnement.
La guerre froide (1945-1990) est un excellent exemple de l’utilisation de la peur pour obtenir le soutien populaire. Si la perception du danger représenté part le bloque communiste s’amenuisait dans l’opinion publique, les bénéficiaires du complexe militaro-industriel américain se faisait un plaisir d’annoncer un nouveau danger. On nous informait que les Russes possédaient un nouvel avion de chasse, un nouveau sous-marin ou une nouvelle génération de satellites et le tour était joué. Comme par hasard les budgets militaires augmentaient en conséquence.
À la fin de l’ère communiste il y eu une période de flottement d’une dizaine d’années. Les populations exigeaient que les gouvernements réduisent les dépenses et les budgets militaires. Le désarroi des politiciens était évident. Il devenait urgent de trouver une nouvelle source de danger pour éviter une perte graduelle de pouvoir.
C’est au cours de cette période que les gouvernements, avec l’aide de l’ONU, déclarent l’environnement la source de tous les dangers du 21ième siècle. La Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC), ratifiée par 189 pays, entre en vigueur le 21 mars 1994. Le protocole de Kyoto, la suite logique de la CCNUCC, est signé par 156 pays et entre en vigueur en février 2005.
L’environnement est un domaine idéal pour perpétuer la stratégie de gouvernance par la peur. Il y a toujours eu des catastrophes naturelles et il y en aura toujours.
Les dangers environnementaux sont réels, frappent sans avertir et sont présents partout sur la planète. Chaque ouragan, tsunami, inondation, sécheresse donne aux politiciens l’occasion de rappeler à la population que le gouvernement existe pour les protéger et les assister dans le besoin. Quoi de mieux pour maintenir la population dans un état constant d’appréhension du danger et de bienveillance envers le gouvernement.
Le terrorisme.
De tout temps la sécurité publique représente la forme la plus efficace d’utilisation de la peur pour gouverner. La guerre est la menace ultime à la sécurité publique.
En temps de guerre le pouvoir de l’appareil gouvernemental est illimité. Les politiciens, bureaucrates et entrepreneurs militaro-industriels comprennent d’instinct qu’ils ont la chance de vivre une période exceptionnelle. Les opportunités d’enrichissement personnel ne sont limitées que par le manque d’imagination des individus qui exerce le pouvoir. Les politiciens obtiennent les augmentations de budget tant attendu. De nouveaux organismes nécessitant des milliers de fonctionnaires sont créés instantanément. Les demandes des militaires sont approuvées sans discussions. Les contrats sont accordés sans soumissions.
Ceux qui oseront questionner le bien fondé de certaines décisions seront accusés d’antipatriotisme, ou pire, de traîtres. Ils seront harcelés par les services de sécurité et abandonnés par leurs amis, voisins et confrères. Les autres qui songeaient à dénoncer les abus et les fraudes y penseront à deux fois.
Les évènements tragiques du 11 septembre 2001 fournirent aux politiciens du monde entier une occasion inespérée d’assurer la pérennité du mode de gouvernance par la peur. Pour s’assurer que le message serait bien compris par le monde entier George W. Bush qualifia le geste des terroristes d’acte de guerre.
Le terrorisme est une source inépuisable de dangers potentiels. Les actes terroristes sont spectaculaires et créent un fort sentiment d’insécurité dans les populations. La plupart des gens sont convaincus que les gouvernements sont les seuls organismes susceptibles de protéger les populations et de prévenir les actes terroristes.
Depuis 2001, la guerre au terrorisme est devenue le véhicule privilégié pour maintenir les populations en état de soumission. Le terrorisme sert tellement bien les visés des politiciens que certains pays dont les États-Unis, l’Australie et le Canada privilégient le terrorisme à l’environnement comme véhicule de propagation de la peur.
Conclusion.
Les politiciens ont toujours su que la peur est le meilleur moyen de convaincre les populations réticentes à accorder leur soutien inconditionnel au gouvernement. Que ce soit pour détourner l’attention de la population, pour justifier plus de taxes ou pour faire accepter une législation impopulaire les politiciens peuvent toujours compter sur un évènement dramatique réel ou annoncé.
Graduellement, en maintenant les populations dans un état d’appréhension constant, les gouvernements grugent les libertés individuelles au profit des politiciens et de la bureaucratie gouvernementale.
Le processus s’est grandement accéléré depuis les évènements tragiques du 11 septembre 2001. Les gens acceptent à peu près tout ce qui leur est imposé graduellement incluant la perte de leur liberté. Il est plus que jamais important de se rappeler les paroles que Benjamin Franklin prononça en 1759 : « Ceux qui troquent leur liberté en échange d’une sécurité temporaire ne méritent ni la liberté ni la sécurité. » (They that can give up essential liberty to obtain a little temporary safety deserve neither liberty nor safety.)
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