La mission des souverainistes

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Bock-Côté reste prisonnier des années 1990 : il faut prendre acte de la fin du paradigme référendaire


Même si elle manquait d’élégance, la démission de Catherine Fournier n’était pas absolument imprévisible. N’en faisons pas pour autant un événement historique. La jeune députée a certainement du talent et de l’aplomb mais son geste ne fait que confirmer une tendance depuis longtemps constatée par les meilleurs observateurs, soit la décomposition du Parti Québécois, que confirme le sondage Léger de ce matin. À 15% dans les sondages, le PQ est devenu un tiers-parti, dernier bastion de l’indépendantisme militant, et plus exactement, de l’indépendantisme orthodoxe. Le nationalisme québécois, lui, s’est recanalisé vers la CAQ, qui en représente aujourd’hui l’expression dominante. La CAQ mise sur une forme d’autonomisme de centre-droit faisant la promotion de l’identité québécoise. Après quinze ans de régime libéral, c’est beaucoup. On comprend les Québécois d’apprécier leur nouveau gouvernement. 


Mais ne confondons pas tout. On peut croire, et j’en suis, que la CAQ contribuera à la repolitisation de la question nationale en révélant à ceux qui en doutaient ou qui l’avaient oublié la contradiction fondamentale entre les intérêts du Québec et le fédéralisme, et plus encore, entre l’affirmation de notre identité nationale et le maintien du lien fédéral. À force de se faire dire non par le régime canadien, la CAQ va révéler aux Québécois que les marges de manœuvre sont bien moins grandes qu’ils ne le croient dans le Canada. Il n’en demeure pas moins que la CAQ ne travaillera qu’involontairement et indirectement à la renaissance de l’idée d’indépendance. Il se pourrait qu’un jour, elle redécouvre cette idée, et que son fondateur renoue avec elle, mais telle n’est pas son objectif ni son programme et on ne saurait en être certain. En d’autres mots, un indépendantiste peut soutenir la CAQ parce qu’il juge qu’elle sert bien la cause du Québec mais cela laisse entièrement ouverte la question d’une action politique directement tournée vers l’indépendance. Que doivent faire ceux qui veulent continuer de militer explicitement pour la souveraineté du Québec? 


Il devrait y avoir de la place dans notre vie politique pour un parti se donnant pour mission de faire la promotion de la souveraineté du Québec et on ne voit pas pourquoi ce parti ne serait pas le Parti Québécois, même s’il devra inévitablement se transformer en profondeur, ce que reconnaît son chef actuel, Pascal Bérubé, qui joue si bien son rôle que plusieurs se demandent pourquoi il devrait se contenter d’être un chef intérimaire. Il faut toutefois le dire: l’existence même du PQ est compromise dans la configuration politique actuelle et on peut craindre, sans le souhaiter, qu’il connaisse le sort de l’Union nationale. Quoi qu’il en soit, la mission des souverainistes n’est pas simplement de reconstituer un parti de pouvoir. Elle doit être de reconstituer au sens large un mouvement politique capable de convaincre les Québécois de l’importance de la question nationale. Elle doit être de garder vivante l’idée de souveraineté en réactivant dans la conscience collective et le discours public les raisons fondamentales qui la justifient. Les souverainistes doivent faire en sorte que la discussion sur la souveraineté revienne peu à peu au cœur de la vie publique, au-delà des cercles militants indépendantistes. 


Qu’on me pardonne l’image: les militants devront s’engager dans une forme d’apostolat souverainiste, en montrant comment la cause de l’indépendance demeure essentielle. Une chose est certaine: ils n’y parviendront pas s’ils continuent de donner l’image d’un mouvement fracturé, en crise permanente, incapable de se rassembler autour d’un noyau commun, s’éparpillant sans cesse, et seulement occupé à gérer ses querelles internes en imposant ce spectacle à l'électorat. Quand les souverainistes font les marioles, ils trainent leur cause dans la boue – qu’importe s’ils prétendent ainsi mieux la servir. Il est normal qu’un mouvement politique soit traversé par des divisions, mais lorsque celles-ci prennent un air de cirque, c’est l’idéal porté par ce mouvement qui devient l’objet de la risée par la population. Combien sont-ils à avoir largué la souveraineté parce que les souverainistes les énervaient ou les exaspéraient? Les indépendantistes, aujourd’hui, doivent reprendre un étendard déchiré, le retisser et le rebrandir pour faire renaître l’aspiration au pays chez les Québécois. La tâche est noble. Elle n’aura rien d’évidente.