La métamorphose (calculée) de Philippe Couillard

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L'électoralisme vulgaire des libéraux

Doublé dans les sondages par la CAQ, Philippe Couillard se métamorphose en preux chevalier de la justice sociale. Du moins, c’est la nouvelle image qu’il tente de projeter. Dans son cas, c’est comme si Séraphin se faisait passer pour Robin des Bois.


À dix mois des élections, le premier ministre jure vouloir s’attaquer à la pauvreté. Or, les « marges de manœuvre » qu’il se vante tant d’avoir dégagées, y compris pour payer son plan de lutte à la pauvreté de 3 milliards de dollars sur 5 ans, ont surtout pénalisé les plus vulnérables. Comme déficit de cohérence, c’est majeur.


Si M. Couillard ne faisait pas de son nouveau combat un enjeu aussi partisan, on croirait peut-être plus facilement à sa conversion « progressiste » tardive. Il ne cesse en effet de répéter qu’à la CAQ, « on ne parle pas de pauvreté ».



Cela dit, saluons le mérite principal de ce plan qui est de faire passer de 12 749 $ à 18 029 $ le revenu annuel des personnes prestataires d’aide sociale jugées inaptes au travail. Une mesure phare méritant d’être reprise par les autres partis.


Comment protéger ?



Attention, cette bonification ne serait toutefois atteinte qu’en 2023. Autre problème : que fera le gouvernement pour mieux protéger ces personnes vulnérables, dont des milliers d’adultes handicapés intellectuels et/ou physiques ? Comment les protégera-t-il de l’exploitation qu’un certain nombre d’entre elles pourraient subir en ressources d’hébergement une fois leurs revenus augmentés ?


Quant aux personnes « aptes » au travail, ce plan n’offre en fait que des grenailles. Même une fois à l’emploi, combien finiront en « travailleurs pauvres » – ce fléau social où travailler à petit salaire est une condamnation à la privation ?


Derrière la vaste catégorie des « aptes au travail » se cachent aussi plusieurs personnes « inaptes » dans les faits. On parle, entre autres, de nombreux aidants naturels obligés de recourir à l’aide sociale. En majorité des femmes, ces aidants s’occupent d’un parent âgé ou d’un enfant adulte, sœur ou frère handicapé. Ces aidants font économiser une fortune au trésor public, mais ne reçoivent que des miettes en retour.


Relooking post-austérité


Ajoutons d’autres injustices non corrigées, dont les pensions alimentaires déduites des chèques d’aide sociale et le maintien du plafond mensuel ridicule de 200 $ pour « gains au travail ».


Parce que ce plan marque une avancée réelle pour les personnes inaptes au travail, mais en fait trop peu pour les autres « pauvres », personne n’est dupe d’une opération qui participe surtout d’un relooking post-austérité du gouvernement.


L’objectif étant de coincer la CAQ dans le coin « droit » de l’arène tout en repositionnant le PLQ dans le coin « justice sociale ». Le tout, tant qu’à avoir du culot, après que les libéraux eux-mêmes aient passé leur mandat à singer la CAQ et à placer leurs émules à la tête des plus gros ministères.


Bref, le problème de Philippe Couillard est que son relooking « progressiste » arrive trop tard dans le mandat pour être vraiment crédible.