Jacques Parizeau aimait dire que la politique est un sport extrême. En effet. Mais il savait aussi qu'elle peut être particulièrement cruelle.
À voir Mario Dumont le soir des élections partielles, l'homme paraissait plus blessé et plus fatigué qu'au lendemain des élections générales de 2003. Le choc avait été énorme. Après avoir touché le sommet des sondages l'automne d'avant, l'ADQ s'écrasait en bout de piste avec un maigrelet 18 %.
Cette fois-ci, M. Dumont tombe de plus haut encore. En 2002, les sondages lui faisaient miroiter une prise possible du pouvoir. Le 26 mars 2007, ce sont les électeurs eux-mêmes qui lui ont passé le témoin en lui remettant l'opposition officielle. Les sondages passent, mais des électeurs déçus peuvent avoir la main lourde.
MONSIEUR DUMONT
Replaçons-nous au printemps dernier. Les péquistes étaient anéantis, les libéraux tenaient par un fil et l'ADQ avait le vent dans les voiles. Le petit Mario devenait enfin "monsieur Dumont". La prochaine fois, ce serait SON tour. L'homme était devenu "premier ministrable". Plusieurs espéraient aussi que l'ADQ serait autre chose. Que si elle prenait le pouvoir, contrairement aux deux "vieux partis", elle en profiterait moins pour distribuer postes et nominations chèrement payés aux tinamis. Branché sur les régions et les accommodements raisonnables, on prêtait à M. Dumont une faculté d'ÉCOUTE devenue tout à coup exceptionnelle. Des commentateurs y voyaient même une virage à droite soudain des Québécois. Pris de panique, le PQ et le PLQ plagiaient la plateforme de l'ADQ dans l'espoir d'y trouver la potion magique qui les ramènerait à la vie.
On connaît la suite: équipe faible, idées confuses, absences remarquées, arrivée de Pauline Marois, résurrection de Jean Charest, etc. Puis vint cette étiquette dévastatrice de "girouette" collée sur le front de Dumont par les libéraux avec de la Crazy Glue! À 17 % dans les sondages et sonné par les mauvais résultats des partielles parce qu'ils reflètent l'état de son parti dans l'opinion publique, Dumont voit 5 années de reconstruction lui glisser entre les doigts.
Évidemment, les choses peuvent changer. Dumont a modifié son entourage et remaniera son cabinet fantôme. Mais il y a des limites à tenter de rafistoler du matériel défectueux. Son caucus n'est pas à la hauteur. Un point, c'est tout. Prochain appel. L'an dernier, Dumont a tiré son parti vers le haut. Aujourd'hui, son parti menace de l'engouffrer.
Dans les prochains jours, Dumont sera inondé de conseils. On lui dira d'avoir un programme clair, d'avoir plus de substance, de recruter plus de femmes, etc. Mais on a peine à voir comment, pour le moment, il réussira à attirer de bons candidats pour monter sur une chaloupe prenant de plus en plus l'eau.
UN BIEN GRAND MYSTERE
Et pourtant, jusqu'à la pointe conjoncturelle de 31 % en mars 2007 (due en partie à André Boisclair), l'ADQ était le SEUL des trois partis principaux dont les appuis progressaient à chaque élection. L'ADQ partait de 6,5 %, en 1994, pour monter à 12 %, en 1998, et à 18 % en 2003. Mais aujourd'hui, avec la performance respectable du Parti vert et de Québec solidaire, la remontée du PLQ et un PQ carburant à la question linguistique, s'il fallait que l'ADQ chute de plus belle dans les prochains sondages, Mario Dumont ne vaudrait plus cher la livre. Ni chez des candidats potentiels, ni auprès de son ami Stephen Harper, ni dans les milieux d'affaires prêts, l'an dernier, à le financer généreusement.
La chute de l'ADQ participe aussi d'un mystère bien plus grand encore que celui de la Caramilk: celui d'un Jean Charest devenu pour ainsi dire intouchable. Misant sur l'économie de manière pourtant générique, le PLQ ne souffre plus de rien. Ni de la non-construction du CHUM, ni de son inaction quant au recul du français, ni de son acceptation béate de la prise de contrôle par Ottawa des fêtes du 400e, ni de quoi que ce soit d'autre. Dumont aura beau avoir dénoncé avec raison la "canadianisation" des relations internationales du Québec, il en retire zéro bénéfice. Quant à Mme Marois, débarrassée de son référendum, elle lui a subtilisé sa carte identitaire et sa vision autonomiste à la vitesse de l'éclair. Quand ça va mal, ça va mal.
Jean Charest espère surtout que le tout revienne lentement à une lutte à deux entre libéraux et péquistes. Il sait que plus les appuis à l'ADQ glissent au PLQ, et non au PQ, plus grandes sont ses chances d'obtenir une majorité la prochaine fois. Si la tendance se maintient, bien sûr.
Le côté cruel de la politique se trouve aussi dans l'oubli. Dumont passant un sacré mauvais quart d'heure, certains l'enterrent presque, oubliant que malgré ses nouveaux cheveux gris, il n'aura que 38 ans, ce 19 mai. On oubliera aussi qu'en 1991-1992, par principe, il quittait et le PLQ et son mentor, Robert Bourassa. On oubliera qu'incapable d'approuver les reculs du PLQ après l'échec de Meech, à l'âge impossible de 24 ans, il s'est retrouvé chef d'un nouveau parti, lequel allait faire damner autant les libéraux que les péquistes! On oubliera que sa présence dans le camp du Oui aura contribué à sa quasi victoire en 95. Un vieux de la vieille du PLQ me disait d'ailleurs qu'il a compris que Jean Charest était enfin devenu un VRAI libéral le jour où il l'a vu détester Dumont autant que les Bourassiens le haïssaient depuis son départ!
Mais aujourd'hui, quatorze ans plus tard, après une ou deux bonnes résurrections, force est de constater que Dumont a plus qu'une simple côte à remonter. C'est presque l'Everest... À moins, bien entendu, que le fameux "instinct" Dumont ne revienne.
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