Essais québécois

La force tranquille de monsieur Parizeau

Livres - revues - 2010


L'année 2010 sera-t-elle celle du retour en force des souverainistes québécois qui, depuis quelques années, se cherchent? On commémorera, dans les mois à venir, le 30e anniversaire du référendum de 1980 et le 15e de celui de 1995. Les souverainistes sauront-ils profiter de ces rappels pour se remettre en selle? La Souveraineté du Québec. Hier, aujourd'hui et demain, le récent essai de Jacques Parizeau qui reste un succès de librairie deux mois après sa sortie, peut-il les inspirer dans cette entreprise?
La crédibilité de l'ex-premier ministre du Québec reste très forte. Peut-elle contribuer à «accroître la crédibilité du projet souverainiste», selon le voeu que formule Parizeau? Sur la base de sondages solides, ce dernier constate qu'une majorité de Québécois croient la souveraineté souhaitable, réalisable, mais pensent qu'elle ne se réalisera pas. Comment en finir avec ce fatalisme défaitiste? «Cela n'est possible, répond Parizeau, qu'en rendant le projet plus pertinent, en faisant ressortir les avantages, à la fois sur le plan interne que face à la mondialisation» (sic).
La Souveraineté du Québec. Hier, aujourd'hui et demain n'est pas un essai éclatant sur le plan stylistique. Son propos est clair, mais sobre, voire professoral. Même s'il reconnaît que «vouloir réaliser l'indépendance de son pays ne s'appuie pas que sur des arguments rationnels, des calculs de coûts et bénéfices et des espoirs d'amélioration du niveau de vie», Parizeau adopte néanmoins, selon sa propre formule, le «point de vue du technicien», parce que lorsque le peuple qui souhaite devenir indépendant «a atteint un certain degré d'aisance, de bien-être, il hésitera à se lancer dans ce qui pourrait passer pour une aventure». Il faut donc, ajoute-t-il, «faire appel au rationnel, convaincre, démontrer».
Et ce que démontre avec brio Parizeau, c'est que, à l'heure actuelle, «il n'y a pas de pays trop petit pour se développer, à la condition d'être partie d'un grand marché commercial». La mondialisation, en d'autres termes, inévitable même si elle nécessite des encadrements, offre une occasion en or aux souverainistes de réaliser leur projet. Le boulet de l'association avec le Canada, un passage soumis à l'assentiment de celui qui s'oppose au projet, n'est plus. «L'intégration économique ne réduit pas le nombre des pays indépendants, elle contribue à l'augmenter. Dans ce sens, un peuple qui aujourd'hui veut devenir un pays n'est ni attardé ni ringard. Il se situe dans le sens de l'histoire.» Ce n'est plus tant l'économie que la culture qui définit un pays. Aussi, avec la mondialisation, «plus les pouvoirs des États seront nombreux à être délégués à des organismes internationaux, plus il faudra que le citoyen sache qu'il reste quelqu'un qui soit responsable de son bien-être et de sa protection. Et ce quelqu'un doit être l'expression d'une culture commune, d'institutions communes — la plupart du temps d'une même langue — et en tout cas d'un vouloir vivre ensemble».
Parizeau, dans cet ouvrage, tire aussi quelques leçons des deux premiers référendums. De celui de 1980, écrit-il, il faut retenir que les souverainistes ont montré qu'ils pouvaient bien gérer l'État québécois, que le Québec peut se défendre facilement contre les tentatives de déstabilisation financière, que le projet d'association avec le Canada est une chimère tant que les souverainistes n'ont pas gagné et que le charisme du premier ministre du Québec joue un rôle essentiel dans cette entreprise (doit-on lire, ici, des doutes sur le charisme de Pauline Marois?). De celui de 1995, il faut retenir que le libre-échange a libéré le Québec de la menace économique canadienne, qu'un partenariat avec le Canada est souhaitable, mais que «le refus canadien ne nous empêche pas de procéder», qu'il importe de clarifier le statut des anglophones et des autochtones dans un Québec souverain, que l'intégrité territoriale d'un Québec souverain est reconnue par le droit international et qu'il faut préparer la reconnaissance internationale du nouveau pays avant le vote, en tablant principalement sur la collaboration des pays francophones, au premier chef de la France.
À cet égard, Parizeau s'inquiète de l'attitude d'un Sarkozy par rapport à la question nationale québécoise. Il parle «d'un véritable scandale, de quelque chose de littéralement insensé, une caricature des rapports de la politique et de l'argent». On sait, en effet, que l'actuel président de la France doit beaucoup au financier fédéraliste Paul Desmarais et on apprend que la filière nucléaire française a des intérêts dans l'industrie des sables bitumineux albertains. Sarkozy, cela étant, n'est pas la France. Les souverainistes ne doivent pas l'oublier et doivent continuer à développer les relations internationales du Québec, notamment par l'entremise de l'aide humanitaire.
Jacques Parizeau consacre de bonnes pages à réfuter les arguments des déclinologues soi-disant lucides. Un Québec souverain, démontre-t-il, est clairement viable, voire rentable, et les discours alarmistes sur le déclin de la population, la dette du Québec (inférieure à la cote moyenne des pays de l'OCDE) et l'enfer fiscal ne tiennent pas la route. Le Québec a du rattrapage à faire en matière de réussite scolaire, de productivité et, dans certains domaines, d'innovation, mais la souveraineté, loin de nuire à ces missions, pourrait les faciliter.
Le plaidoyer de Jacques Parizeau en faveur de la souveraineté du Québec, plus riche et plus complet que ne le laisse voir cette chronique (les pages sur le dossier environnemental sont très solides), reste trop froid pour être spectaculaire, mais il a une force tranquille dont le mouvement souverainiste a bien besoin par les temps qui courent.
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louisco@sympatico.ca
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La souveraineté du Québec
Hier, aujourd'hui et demain
Jacques Parizeau
Michel Brûlé
Montréal, 2009, 256 pages


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