Le cours Éthique et culture religieuse (ECR) et, par association, notre collègue Georges Leroux ont été l'objet, depuis quelques semaines, d'attaques assez virulentes. C'est une étude de la sociologue Joëlle Quérin qui a remis le feu aux poudres en accusant ce cours d'endoctriner les enfants en leur imposant d'être favorables aux accommodements raisonnables et de mettre en avant des «aspects dénationalisants [...] sur le plan identitaire». Christian Rioux, dans Le Devoir du 18 décembre dernier, en rajoutait dans le même sens.
Plus surprenante, peut-être, est l'attaque que réserve le journaliste français de droite Guy Baret au même cours. Dans un essai intitulé Plaidoyer pour Benoît XVI, Baret défend les positions du pape au sujet du préservatif, de l'avortement, du retour de la messe en latin et de la levée de l'excommunication des évêques intégristes. Écrivain conservateur énergique et doté d'un certain sens de l'humour, Baret conclut son ouvrage, très contestable mais néanmoins intéressant, en déplorant la montée de l'ignorance religieuse, qui menacerait la démocratie. «Car la culture religieuse, écrit-il, en permettant d'entrer dans les raisons de l'autre, empêche de ne le voir qu'à travers le prisme déformant de sa propre conception du monde ou de sa morale, assimilant ainsi ce que l'autre est à ce qu'il pense. De ce fait, la personne à respecter en tant que telle disparaît, elle s'efface au profit de l'adversaire à abattre. Si ce que je défends est le bien qu'il faut répandre, l'adversaire ne peut être que le mal que je dois endiguer. Dès lors la violence, fût-elle seulement verbale, dans un premier temps, n'est plus loin.»
Cette citation résume, d'une certaine façon, l'esprit du cours ECR et pourrait avoir été écrite par Georges Leroux. Or, surprise, quelques pages plus loin, Baret utilise le cours ECR, un «système» dont «l'inventeur» serait «un certain Georges Leroux», comme exemple d'une attaque contre la culture religieuse! Baret prétend même, faussement, que la «loi» ECR interdirait l'enseignement religieux dans les écoles confessionnelles, imposerait une religion d'État «humaniste» au Québec et viserait à abolir le pluralisme religieux au nom du pluralisme. Il présente le cours ECR comme anticatholique, favorable aux accommodements religieux envers les seules minorités (il cite incorrectement le cas des vitres givrées du YMCA) et range Georges Leroux dans le camp des «nouveaux athées» militants à la Richard Dawkins. Faut-il comprendre que, pour Baret, combattre l'ignorance religieuse se résume à «catéchiser les élèves catholiques dans les écoles catholiques»? Que devient, alors, la belle volonté «d'entrer dans les raisons de l'autre», d'abord exprimée par le défenseur du pape?
Sur le même pied?
Après cette parenthèse qui nous rappelle qu'il faut toujours se méfier des Français à l'heure de penser le Québec, revenons à nos moutons. Au nom du pluralisme, qui ne serait que l'autre nom du multiculturalisme, le cours ECR met-il vraiment toutes les traditions religieuses sur le même pied? Dans son essai Éthique, culture religieuse et dialogue (Fides, 2007), Leroux écrit noir sur blanc que le programme reconnaît le catholicisme comme «la tradition religieuse de référence au Québec, et en l'associant au protestantisme, au judaïsme et aux spiritualités des peuples autochtones, il en fait le patrimoine offert au premier chef à l'effort de compréhension».
Rioux et Quérin en veulent aussi à l'affirmation de Leroux selon laquelle il faut «inculquer le respect absolu de toute position religieuse». L'excision et la polygamie, écrit Rioux, ne sont pas respectables. Or Leroux ne dit pas le contraire puisqu'il est clair, selon lui, que toutes les positions en dialogue doivent respecter la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, qui «est au coeur de notre identité». Aussi, il est inexact d'affirmer, comme le fait Rioux, que le cours ECR prône «de façon irresponsable le respect de tous les phénomènes religieux sans distinction».
Rioux ajoute que les concepteurs du cours ECR «n'ont jamais été capables de démontrer la nécessité d'un cours à part». Dans son essai, Leroux écrit que «le savoir moral et religieux est constitutif du langage même de notre identité et de notre expérience la plus actuelle, il est la condition fondamentale de notre compréhension de nous-mêmes autant que la condition de notre accès à l'autre». Il ajoute que «l'histoire nous enseigne en effet que ce savoir est précaire, fragile et même périssable, elle nous enseigne aussi que ce savoir est indispensable dans le processus même de la formation». L'argument, sauf à décréter toute culture religieuse inutile, voire nuisible, ce qui n'est pas la position de Rioux, porte.
Endoctrinement?
Qu'en est-il, enfin, de l'accusation d'endoctrinement formulée par Quérin? Y a-t-il un sens à parler d'endoctrinement au sujet d'un programme qui veut inculquer aux élèves la pratique du dialogue entre des conceptions religieuses et morales qui respectent la Charte québécoise des droits et libertés de la personne? Peut-on, moralement et logiquement, qualifier d'endoctrinement une démarche qui vise la reconnaissance de l'autre et le dialogue avec lui dans le respect d'une culture éthique partagée? Que veulent, au juste, les adversaires de ce programme qui se réclament d'une critique nationale? Accorder la priorité au patrimoine religieux majoritaire au Québec? C'est déjà le cas. Gommer les autres traditions? Voilà qui serait antidémocratique et pas très pédagogique.
Au lieu de faire peser sur le cours ECR et sur ses concepteurs toutes sortes de soupçons injustifiés, les Quérin, Rioux et autres Bock-Côté devraient saluer cette innovation pédagogique québécoise qui reconnaît la valeur de notre patrimoine religieux, le pluralisme de la société québécoise actuelle et forme les citoyens de demain à une saine pratique du dialogue substantiel qui, selon Larouche, Leroux, Proulx et Rousseau, «promeut la construction commune d'un "vivre-ensemble" au sein d'une culture partagée».
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o Le cours Éthique et culture religieuse: transmission de connaissances ou endoctrinement?
o Joëlle Quérin
o Institut de recherche sur le Québec
o Montréal, 2009, 29 pages
o Plaidoyer pour Benoît XVI
o Guy Baret
o Éditions Alphée et Jean-Paul Bertrand
o Monaco, 2009, 254 pages
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louisco@sympatico.ca
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