La fausse séparation

Conflit étudiant - Désobéissance civile - 22 mai - un tonnerre d’espoir






Une injure à gauche, un peu de mépris à droite, un jeune qui montre le poing et un vieux qui le maudit. Dans les journaux comme à la télé, le conflit actuel est mis en scène, grossi à la loupe: luttes des classes, fossé entre les générations et crise sociale.
On nous invite à y participer. Toute contribution est acceptée, mais les plus spectaculaires sont bien sûr préférées et nous n'avons que très peu de temps pour la nuance, merci beaucoup. Au sujet des hausses des droits de scolarité, de la loi 78 ou des dérives étudiantes, politiques ou policières, il vous faut maintenant prendre parti. Êtes-vous pour ou contre? Vous n'avez pas répondu? Peu importe, car votre opposition à l'autre est déjà décortiquée dans le plus récent sondage. Et si vous n'êtes toujours pas au fait qu'un match se jouait entre les deux camps adverses, chroniqueurs et commentateurs vous le rappelleront en vous donnant régulièrement le pointage et les derniers faits saillants.
Chaque jour, on trace ainsi au crayon noir les pourtours de nos divisions. Il est pourtant difficile de se reconnaître dans ce portrait. Certes, nous pouvons éprouver un malaise à aborder le sujet avec nos collègues, proches et parents. Mais le Québec est-il vraiment séparé en deux?
Au-delà du cirque médiatique, on ne peut pas mettre en doute l'existence d'une lutte. Celle des étudiants est bien réelle et elle a éveillé bien des esprits et bousculé le quotidien de plusieurs personnes. Mais si les revendications étudiantes ne font pas l'unanimité (et on nous le martèle tous les jours), elles s'inscrivent toutefois dans un contexte bien particulier. Et c'est dans ce cadre plus large que nos divisions s'effacent.
La grogne actuelle a pris racine dans un terreau fertile: celui de la confiance brisée envers nos élus, nos représentants et nos institutions démocratiques. L'enthousiasme politique est rare et depuis des années, les enquêtes confirment le scepticisme grandissant des Québécois.
Cette confiance s'érode davantage chaque fois que notre bien commun est détourné au profit d'intérêts particuliers. Pour plusieurs, il semble de plus en plus clair que notre intérêt collectif passe après celui des «amis» du parti au pouvoir. Et qu'il ne s'agit pas d'une triste exception, mais bien d'une règle! On reconnaît ainsi derrière les récents abus de pouvoir et la corruption un système désuet voué à reproduire les mêmes déviances.
Jeunes et vieux, à droite comme à gauche, nous voilà donc de plus en plus réunis dans une sorte de décrochage envers le système politique actuel. Un sentiment qui s'exprime autant par la révolte et l'exaspération des uns que par la fatigue et le je-m'en-foutisme des autres.
Dans ce climat, il n'est pas surprenant que nous soyons collectivement peu réceptifs aux différentes propositions des politiciens en place et que la crise actuelle semble stagner. Toutefois, cette situation n'est peut-être pas l'impasse que certains analystes décrivent. Vécus individuellement, cette méfiance et ce sentiment d'insatisfaction nous désabusent et nous rendent cyniques. Mais lorsque partagés avec toute une population, ils deviennent de légitimes moteurs de changement aptes à propulser toute une société.
Et c'est ainsi qu'en tapant sur leurs casseroles, des milliers de Québécois pacifiques nous disent qu'ils en ont marre d'être cyniques, qu'ils ont envie de représentants qui travaillent au bien commun des habitants du territoire. Ils nous rappellent à grands coups de cuillères de bois que ce n'est pas le désespoir, mais bien l'espoir qui nous rassemble.


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