Au cours des dernières années, de futurs enseignants se sont fait dire qu’ils devaient enseigner aux enfants en respectant le style d’apprentissage de chacun et son type d’intelligence (la théorie des intelligences multiples) ;
Qu’il n’était pas nécessaire d’enseigner systématiquement le décodage des lettres aux enfants pour leur apprendre à lire (la théorie du Whole Language et ses dérivés) ;
Que les meilleures pédagogies devaient amener les enfants à découvrir par eux-mêmes ce qu’ils doivent apprendre ;
Que l’usage des technologies en classe avait un fort effet positif sur les apprentissages ;
Que les compétences du XXIe siècle existaient et qu’elles pouvaient être enseignées et se généraliser ;
Qu’il n’était pas recommandé de passer des tests pédagogiques et encore moins de le faire fréquemment ;
Et qu’au préscolaire, le simple apprentissage des lettres et encore plus l’apprentissage de la lecture sont non seulement dangereux, mais constituent même d’impardonnables sacrilèges...
Les recherches dévalorisées
Tout ce qui précède est soit invalidé par la recherche scientifique (données probantes), soit non appuyé par celle-ci. Alors, pourquoi ces approches pédagogiques sont-elles enseignées au futur personnel enseignant ? Pourquoi sont-elles présentées comme si elles étaient des connaissances appuyées par la recherche scientifique ?
La réponse à ces questions est simple. Dans les facultés d’éducation, un fort contingent de professeurs dévalorise les données probantes et la recherche scientifique, et ce, depuis presque toujours. Ils le font en adoptant des doctrines comme le constructivisme et le postmodernisme, ce qui les conduit à adhérer aux idées énoncées plus haut.
Qu’est-ce que ça mange en hiver le constructivisme et le postmodernisme ?
Essentiellement, ces approches considèrent que le savoir est quelque chose de relatif, variable selon les cultures, et qu’il y a plusieurs façons d’accéder à la connaissance, toutes aussi valides sinon plus que la méthode scientifique expérimentale. Parmi elles, le point de vue culturel, le ressenti personnel, l’observation, les savoirs traditionnels, les dogmes religieux, etc.
Au cours des 50 dernières années, les facultés d’éducation ont eu amplement le temps de se renouveler pour adopter une posture plus rationnelle, plus rigoureuse et en laissant une place plus grande aux données probantes et à l’effort nécessaire pour appuyer scientifiquement ce que l’on affirme. Mais elles ne l’ont hélas ! pas fait.
On l’a constaté dans les très rares critiques des professeurs universitaires à propos du Renouveau scolaire en l’an 2000, lequel n’était pas basé sur des données probantes.
On l’a aussi noté dans le rejet par 257 professeurs universitaires de l’idée avancée en 2016-2017 de créer un Institut national de l’excellence en éducation (INEE). On l’a encore vu dans les récentes levées de boucliers par de nombreux professeurs universitaires contre la modeste réforme au préscolaire qui sera appliquée à l’automne 2021, laquelle est pour une fois basée sur des données probantes et intègre donc l’apprentissage des lettres de l’alphabet, tout en conservant les objectifs de développement intégral ainsi que la prédominance des activités ludiques dans le programme.
Un institut national de formation
Le professeur Jérôme Saint-Amand, professeur agrégé en sciences de l’éducation à l’Université du Québec en Outaouais (UQO), a publié un texte dans ces pages proposant la création d’Instituts nationaux de formation du personnel enseignant qui seraient moins allergiques aux données probantes. Cet homme est courageux parce qu’il ose remettre en question publiquement les facultés d’éducation. Il sera sans doute attaqué de toute part, mais le professeur Saint-Amand a raison ; il faut créer ce que les facultés ont été incapables de faire, et ce, au bénéfice des enfants, du personnel enseignant et de la société québécoise dans son ensemble.
Christian Boyer
Consultant en pédagogie et en orthopédagogie (SESSIONS)
Steve Bissonnette
Professeur titulaire au département d’éducation de la TÉLUQ