Depuis deux ans, les porte-parole du gouvernement Charest ont répété ad nauseam que le but n'était pas de faire parader les bandits devant les caméras de télévision, mais ils étaient bien aises de voir la horde médiatique se bousculer autour de Tony Accurso.
En attendant que la commission Charbonneau se mette en branle, l'UPAC vient de jeter un gros morceau en pâture à l'opinion publique. Si le premier ministre décidait de déclencher des élections à brève échéance, il serait en mesure de faire valoir des résultats concrets.
Avec le maire de Mascouche, Richard Marcotte, et l'homme d'affaires Normand Trudel, le caïd de la construction forme un trio patibulaire à souhait, qui peut servir d'exutoire à l'écoeurement provoqué par les odeurs de corruption qui flottent sur le Québec.
Certes, la mise en accusation d'un organisateur libéral quasi légendaire, Louis-Georges Boudreault, est un peu embarrassante, mais le premier ministre Charest a pu y voir la preuve que nul n'est au-dessus des lois. Pas même ce bon vieux Georges. De toute manière, le «bénévole de l'année» en 2010 devait déjà comparaître en cour le mois prochain pour contester l'amende de 2500 $ qui lui a été imposée par le Directeur général des élections.
Normand Trudel a bel et bien organisé chez lui un cocktail de financement où M. Charest lui-même a fait acte de présence, mais ce n'est pas ce qui lui est reproché. S'il a fricoté avec le maire Turcotte, ce n'est tout de même pas la faute du premier ministre, n'est-ce pas?
Dans une lettre adressée à La Presse l'automne dernier, des membres de la SQ affirmaient qu'aucun membre du gouvernement ne serait inquiété par l'UPAC, parce que celle-ci ne jouissait en réalité d'aucune indépendance face au pouvoir politique, mais cela n'exclut pas de s'en prendre au menu fretin libéral.
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Amir Khadir a raison de dire que l'arbre ne doit pas cacher la forêt. Aussi spectaculaire soit-il, le coup de filet de l'UPAC se limite aux méfaits commis dans une petite municipalité que les médias avaient déjà présentée comme un modèle de corruption.
La pratique des pots-de-vin versés à des maires et des fonctionnaires véreux par des entrepreneurs sans scrupule doit certainement être combattue, mais cela est très différent du financement des partis politiques.
Quand la commission Charbonneau a été créée, plusieurs ont pensé que le gouvernement se trouvait engagé dans une sorte de course contre la montre qui le forcerait à déclencher des élections avant que les témoins de sa turpitude ne commencent à déballer leur sac.
En réalité, M. Charest calculait déjà que la scène municipale occuperait la commission assez longtemps pour lui assurer une marge de manoeuvre suffisante. Elle le sera plus encore si un manque de collaboration de la GRC devait ralentir ses travaux.
L'ordre du jour de la commission sera largement tributaire des informations que lui transmettra l'UPAC, et les enquêtes policières en cours semblent cibler essentiellement les municipalités. La tâche des commissaires pourrait se compliquer davantage si des opérations comme celle de mardi devaient se multiplier, comme on le laisse entendre. Les accusés pourraient prétexter leur souci de ne pas s'incriminer eux-mêmes pour refuser de témoigner.
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Cela dit, M. Charest ne demanderait pas mieux que de voir la fenêtre électorale s'ouvrir dès ce printemps. Alors que les rumeurs d'élections générales le 11 juin s'amplifient, les partis d'opposition n'entendent évidemment pas le laisser s'abriter derrière une espèce de digue municipale qui lui éviterait d'être trop éclaboussé durant la campagne.
Si besoin était, le cas de Boisbriand, remarquablement documenté par l'émission Enquête, démontre bien que le financement des partis politiques transcende les juridictions. La façon dont Nathalie Normandeau avait littéralement sous-traité sa collecte de fonds à des entreprises qui bénéficiaient de contrats pour des projets municipaux largement subventionnés par son ministère était pour le moins troublante.
Hier, à l'Assemblée nationale, le député caquiste de La Peltrie, Éric Caire, a demandé quel rôle Louis-Georges Boudreault avait joué dans l'élection partielle du 15 avril 2002, qui a permis à l'actuelle ministre du Travail, Lise Thériault, de succéder à Jean-Sébastien Lamoureux, qui avait dû démissionner pour cause de fraude électorale.
Soulignant que M. Boudreault avait également organisé la campagne du député de Vimont, Vincent Auclair, élu dans une partielle en juin de la même année, M. Caire a demandé si M. Auclair avait «d'autres confessions à faire». En novembre 2010, il avait affirmé que le maire de Laval, Gilles Vaillancourt, lui avait offert une enveloppe bien remplie pour financer sa campagne.
Le PQ a plutôt accusé le gouvernement de refuser à l'UPAC les documents qui faciliteraient son enquête sur l'octroi de nouvelles places en garderie à des contributeurs à la caisse du PLQ. La ministre de la Famille, Yolande James, s'est empressée d'assurer que tous les documents demandés seront remis à l'UPAC.
Tony Accurso a beau être une belle prise, il semble bien tard pour se refaire une vertu.
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