Avec plus de 7 milliards d`être humains vivant sur la planète en ce début du XXIe siècle, l`humanité est au prise avec un problème de surpopulation et cela engendre plusieurs problèmes. De plus, la population n`étant pas répartie également et principalement concentré dans de grands centres urbains, certains pays comme la Chine et l`Inde doivent même instaurer un maximum d`enfant par couple pour contrer cette montée démographique sans précédant. Cependant plusieurs pays profitent, en quelque sorte, d`une faible population et leurs populations jouissent ainsi d`un plus grand espace vital et c`est le cas du Québec. Si le Québec présente une faible population (environ 7 000 000 d`habitants pour un territoire six fois plus grand que la France), cela se comprend très bien par les nombreux échecs de colonisation qui se sont produit au début de son histoire lorsqu`elle se nommait Nouvelle-France.
Le visage du Québec que l`on connait aujourd`hui avec ses 17 régions administratives est le produit d`une autre tentative de colonisation, dirigé à ses débuts par le curé Antoine Labelle. À l`époque, le Québec était principalement concentré sur les rives du fleuve St-Laurent et il devenait nécessaire pour que la province se développe de trouver d`autres terres vivables pour les nouveaux arrivants ou les nombreux enfants des québécois. La colonisation de certaines régions se sont fait très rapidement et ce thème amène une problématique grandement intéressante; est-ce que la colonisation du curé Antoine Labelle avait pour but l`expansion démographique et géographique du Québec ou plutôt avait comme but d`exploiter les ressources naturelles du territoire. Mon hypothèse serait que le curé Labelle avait comme principal objectif l`expansion démographique et géographique pour renforcer la place de la religion catholique en Amérique, mais que ceux qui l`appuyaient avaient comme objectifs de s`enrichir avec les ressources naturelles.
Définition
Avant de débuter, il faut bien situer le contexte et le sens du mot « colonisation » pour la province du Québec. Selon Dussault , cette colonisation consiste au : « défrichement de territoire couverts de forêts, leur aménagement en vue de leur mise en valeur agricole et de l`exploitation de leurs diverses ressources, leur peuplement et leur organisation en paroisses canoniques et en municipalités civiles » (Dussault, 1983, p.7) Bref, il faut conquérir le territoire avec sa force humaine et le peu de ressources et d`aides que les colons possédaient à cette époque représentait un véritable défi. La population, toujours grandissante, ne pouvait plus vivre dans les vieilles seigneuries qui bordaient le St-Laurent et c`est au cours de cette période qu`il y eu d` importantes vagues migratoires vers l`intérieur de la province et du pays. Il y eu six régions qui se sont principalement développées du à ce mouvement de masse ; Les Cantons de l`Est, le Saguenay, la Mauricie, la Gaspésie, le Témiscaminque et le nord-ouest de Montréal (Laurentides et l`Outaouais). La religion était omniprésente dans ce projet et voici une citation du sociologue français Gauldrée-Boileau , qui était sur place su Saguenay en 1861, qui le prouve bien : « On voit les prêtres explorer eux-mêmes la contrée, choisir et désigner les endroits qui semblent les plus favorables à l`établissement de nouveaux centres de population et prêcher d`exemple en s`y installant eux-mêmes ». (Dussault, 1983, p.9) En effet, les religieux vivaient cette expérience comme une véritable mission et un des principaux architectes de la construction du Québec est le curé Antoine Labelle.
François-Xavier Antoine Labelle
Le curé Antoine Labelle fait véritablement partie des bâtisseurs du Québec et à l`époque, il était considéré comme un héros et plusieurs mythes sur sa vie ont largement circulé dans l`imaginaire québécois. Il est né en 1833 à Ste-Rose de Laval et il est mort à l`âge de 57 ans dans la ville de Québec. Les historiens savent très peu de choses sur sa jeunesse, toute sa famille étant illettré et vivant dans une petite cabane de bois. Pour plusieurs historiens, dont Dussault, Labelle est dans une catégorie « inclassable » car il est à la fois un prêtre, un homme d`État, un homme politique et aussi un colonisateur. Il fût d`ailleurs surnommé le Roi du Nord lors de ses missions de colonisation. Il a fait des études en théologies au Grand séminaire de Montréal et débute sa vocation de curé dès l`année suivante. Lors de son arrivé à St-Jérôme en 1867, après un « épuisement », il s`implique dans sa communauté pour combler ses nombreux besoins. Il milite activement pour la construction d`un chemin de fer vers le Nord pour tenter d`enrayer l`émigration massive vers la Nouvelle-Angleterre. Il s`est principalement illustré comme promoteur de la colonisation de la Vallée de l`Outaouais. Cet homme est imposant par nature. Du haut de ses 6 pieds et de ses 330 livres, il incarne la force et le désir de réussir et surtout, il prouve que sa mission de colonisation est le but de sa vie et que rien d`autre ne peut le distraire. Par exemple, il plaide pour la construction du chemin de fer à St-Jérôme et au-même moment, ses biens et ses meubles sont saisis et selon les témoins, « il affiche un détachement personnel absolu de tout ce que les« hommes convoitent d`ordinaire si ardemment » (Dussault, 1983, p.200). Il est souvent vu comme un non-conformiste au sein de l`Église catholique. Cette réputation est essentiellement tiré de sa vie politique et de sa lutte acharnée contre le courant de pensé ultramontain. Il fait définitivement partie des prêtres qui sont à vocation libérale. Un de ses grands rêves consistait à « une reconquête francophone et catholique de tous les territoires du Nord du Canada compris entre Montréal et Winnipeg par l'établissement d'une chaîne continue de colonies » (l`Encyclopédie Canadienne). Selon l`ouvrage de Gabriel Dussault, le rêve de Labelle consistait à une utopie de reconquête du territoire et d`indépendance par une stratégie pacifique et légale d`expansion territoriales. Il eut une carrière politique, qui s`est mal terminée, et cela sera abordé plus tard dans cette analyse.
Les voyages avant la colonisation
Les terres que le curé Labelle et son compagnon Ididore Martin ont choisies ne recèlent pas du hasard. Ils ont exploré auparavant les grandes forêts, à pied ou en canot, et s`est ainsi qu`ils décideront des emplacements des futures localités. Le curé Labelle découvre ainsi les principales ressources des régions et la topographie du terrain et il décide d`installer ses même localités près de rivières ou de cours d`eau. Une des techniques de Labelle pour s`assurer que ses choix soient respectés, « il les marque en y faisant planter une croix par son compagnon et en inscrivant dans une entaille […] place d`église ; je réserve deux lots pour la fabrique ». (Dussault, 1983, p.183)
Dès la construction des premières routes, Labelle recrute ses premiers colons dans son village de St-Jérôme et ses alentours. Cependant Labelle ne donnes pas de fausses illusions à ceux qui tenteront l`aventure et il les avertit bien que n`est pas colon qui veut : « Pour suivre cette carrière, il faut être courageux, ferme dans ses convictions, robuste et façonné d`avance par une vie dure et pénible aux travaux des champs ou bien être un artisan dont le métier a toujours exigé un fort exercice corporel. La femme doit être d`une constitution vigoureuse et initiée à tous les secrets de la vie agricole. Sur une terre neuve, la femme vaut l`homme par son travail et son industrie » (Dussault, 1983, p.184). Les colons qui acceptent ce défi sont principalement issus de deux groupes ; il s`agit soit d`ouvriers, soit des fils de cultivateur qui ne peuvent plus vivre sur la terre familiale dû au trop grand nombre de subdivisions. Ses deux groupes de gens ont comme point commun leur extrême pauvreté. On peut donc comprendre que ceux qui tentait l`aventure ne le faisait pas par choix, mais plutôt par obligation pour simplement survivre et ne pas s`exiler aux États-Unis et ainsi trahir sa religion et sa langue.
Les ressources ou les buts
L`agriculture est une conséquence directe de la colonisation. Tout d`abord c`est principalement dû au manque de terre fertiles sur les berges du St-Laurent que la colonisation du territoire commence, et c`est aussi un objectif de vivre de l`agriculture une fois les nouvelles terres défrichées. Lors du 19e siècle au Québec, l`agriculture est le secteur économique qui occupe le grand nombre de Québécois (Linteau/Durocher/Robert, 1989, p.129) et une idée populaire de cette époque est que les Canadiens-français ont une vocation agricole. Le fait que le sol québécois est très propice à ce mode de vie et très fertile (il ne faut qu`une saison pour récolter ce que l`on a semé, tandis qu`en Europe cela peut prendre plus de huit mois à certains endroit). Cependant, les technique agricoles causent un certain problème et les Québécois ne retirent pas le maximum de ce qu`il pourrait retirer. Selon Linteau, Durocher et Robert, « les défauts principaux de ce système, sont : (1) le manque de rotation appropriée dans les semences; (2) le manque ou la mauvaise application des engrais ; (3) le peu de soin donné à l`élève et à la tenue du bétail ; (4) le défaut d`assèchement dans certains endroits ; (5) le peu d`attention donnée aux prairies et a la production de légumes pour la nourriture des troupeaux ; (6) la rareté des instruments perfectionnés d`agriculture » (Linteau/Durocher/Robert, 1989, p.131-132). Dans les années qui suivirent, l`agriculture évolua et d`autres cultures vont apparaitre au Québec comme la pomme de terre, l`avoine, la production laitière et l`élevage d`animaux. C`est alors que le projet de la colonisation arrive et que l`agriculture sera liée à son succès. Le curé Labelle veut y fonder des paroisses, car ses dernières ne seront pas uniquement au service de la religion, mais deviendra « l`institution de base de la société rurale et même de la société québécoise » (Linteau/Durocher/Robert, 1989, p.136). Le but du clergé est de garder le Québec dans une société ou l`église aurait encore une place importante et la société resterait ainsi rurale.
La réalité du secteur forestier
L`objectif principal des dirigeants de la colonisation consistait à ce que le colon arrive sur sa terre donnée, la défriche en quelques années pour s`y installer une petite ferme et cultiver pour sa subsistance. Cependant la réalité est très différente ; le bois constitue un véritable marché et la conjonction des éléments qui poussent les colons à travailler dans ce secteur sont énormes. Premièrement le colon n`a pratiquement pas de tâches à accomplir l`hiver comparativement à l`été. Deuxièmement la pauvreté du sol ne permet pas de faire des profits et le relief n`est pas toujours idéal pour y faire de l`agriculture. Troisièmement les deux secteurs sont liés ; « l`exploitant forestier a donc besoin du colon, qui lui fournit la main d`œuvre à bon marché et la nourriture pour les chantiers. Le colon de son côté a besoin de l`exploitant forestier, car il lui fournit un revenu d`appoint indispensable et un marché pour ses produits agricoles. » (Linteau/Durocher/Robert, 1989, p.141). Comme le Québec est déjà capitaliste à cette époque, c`est l`industrie dominante (forestière ici) qui impose son rythme et ses lois sur son secteur dépendant (l`agriculture). C`est donc dire qu`il est arrivé souvent que lorsque la coupe de bois était terminée dans cette région, le colon décidait de suivre les compagnies forestières et devenait alors un bûcheron. Le secteur forestier deviendra alors le produit qui sera le plus exporté et occupera une partie importante dans l`économie québécoise et ce, jusqu`à aujourd`hui.
Les mines
Un secteur moins important que les deux derniers mais qui occupent une très grande place est celui des mines. Le curé Labelle est convaincu que le sol du territoire québécois regorge de richesse de tout genre avec des métaux comme l`or, l`argent, le cuivre et le fer. Il tente de convaincre certaines entreprises de venir exploiter le sol et d`investir dans certaines régions, mais les investisseurs se font rare. La découverte de plusieurs mines de fer dans les Laurentides ouvre cette région à la colonisation et le secteur prend peu à peu son envol. Même si cette région pourrait concurrencer la vallée de l `Outaouais pour le secteur forestier, Labelle préfère y investir dans le secteur des mines pour tenter d`y installer un mode de vie sédentaire et ne pas uniformiser le développement de l`industrie minière.
Le curé Labelle, pour ou contre les villes?
Même si Antoine Labelle est un homme de Dieu, il n`en reste pas moins qu`il est un homme moderne et qu`il ne reste pas accroché au passé. Durant les 23 années de son règne de curé à St-Jérôme, il voit sa ville s`industrialiser et s`urbaniser très rapidement et il souhaite même en faire une grande ville. L`augmentation des manufactures à St-Jérôme fait vider les campagnes avoisinantes de cette ville. Il y a plusieurs moulins à farine, des scieries, des manufactures de tweeds et de chaussures et aussi une de papier. Labelle se rend évidemment compte qu`il y a des conséquences au niveau de l`emprise de la religion sur le peuple, mais malgré quelques protestations de sa part sur les mœurs de la ville, il veut à tout prix que le développement se poursuivre. D`ailleurs le journal Le Nord écrit dans une de ses éditions : « le jour n`est pas loin sans doute où M. le curé Labelle verra se réaliser ses prévisions et apparaître à ses yeux cette ville de St-Jérôme tant rêvée pleine de commerce et d`industrie, d`où le mouvement et la vie devront rayonner jusqu`aux derniers cantons du Nord ». (Dussault, 1983, p.113)
Les chemins de fer
Pour arriver à ses ambitieux objectifs, le curé Labelle y voit la nécessité d`y construire un chemin de fer reliant le Nord à St-Jérôme. Il se battra plusieurs années pour avoir raison de cause et il rêve que son royaume du Nord soit relié d`une extrémité à l`autre. Après sa mort, le journal anglais The Gazette reconnait que la construction de voies ferrées représentera peut-être l`article le plus important de son vaste projet (Dussault, 1983, p.118). Voici deux petite anecdotes qui illustrent bien l`obsession que le curé Labelle accordait à ses routes sur rails : « voudra qu`il (Labelle) ait une fois commis le lapsus d`imposer à l`un de ses pénitents de faire un chemin de fer plutôt qu`un chemin de croix. […] On raconta également […] que son supérieur hiérarchique crut devoir lui rappeler […] que les voies du Seigneur ne sont pas des voies ferrées » (Dussault, 1983, p.118). Antoine Labelle ne passe pas par quatre chemins pour expliquer son point de vue : « Les États-Unis vont vite parce qu`ils colonisent en chemins de fer tandis que nous, nous colonisons en charrette » (Dussault, 1983, p.118). Un commentaire assez étonnant de la part d`un membre de l`Église qui affirme que le modèle américain est une voie à suivre. Cependant, le « scandale du Pacifique » de John. A. McDonald ralentira le projet, mais Labelle continuera de se battre plusieurs années et verra plusieurs voies ferrées être construites.
Vraiment agriculturisme?
L`idéologie de l`agriculturisme consiste à une idéologie de conservation. Il s`agit en résumé de vivre de sa terre dans un monde strictement rural et d`un rejet des progrès technologiques, industriels et du monde moderne. Le clergé québécois a certes véhiculé et imposé cette idéologie pendant un certain nombre d`années, mais pas le curé Labelle. D`ailleurs plusieurs prophètes de l`industrialisation du Québec comme Parent et David ont par ailleurs été des fervents défenseurs du mouvement colonisateur et encourageait les colons à exploiter le territoire et s`y installer pour qu`un jour, ce grand territoire devienne industriel. Drapeau , qui étudia la colonisation à cette époque, évoque même dans un rapport qu`il constatait « un facteur de développement rapide des entreprises industrielles et envisageait l`avenir du Canada comme celui d`un grand peuple agricole et manufacturier ». Bref, il est difficile de dire si l`agriculturisme était directement lié au projet colonisateur car plusieurs acteurs de ce mouvement se contredisent idéologiquement. L`objectif était peut-être l`agriculturisme, mais le résultat fût particulièrement différent et on peut même affirmer que la colonisation a contribué à ce que la province de Québec devienne moderne.
La propagande
Antoine Labelle était vraiment un homme moderne. Il a su profiter de la faveur de l`opinion publique pour faire pression sur ceux qui détenaient le pouvoir, les gouvernements. Premièrement cet homme était un orateur de premier plan et il utilisait abondamment la propagande orale. À cette époque le meilleur moyen de rejoindre le plus de population possible était lors de rassemblement populaire afin d`y faire passer son message. Le Roi du Nord était curé et disposait donc d`un auditoire nombreux et cela quotidiennement! Avec sa fonction, il détenait certes un pouvoir d`autorité. Il engagea aussi un curé qui voyageait de paroisse en paroisse pour faire de la propagande. Labelle n`hésitait même pas à lancer de fausses rumeurs pour manipuler en quelques sortes les populations : « Il fera répandre le bruit que les gens de Saint-Jérôme se préparent à aller prendre en masse les lots de certains cantons ; la nouvelle court comme une traînée de poudre ; les habitants de Sainte-Agathe, par une émulation bien légitime, pour ne pas se laisser couper l`herbe sous le pied, se jettent dans les dits cantons ». (Dussault, 1983, p.220)
Deuxièmement Labelle use de la propagande écrite de façon indirecte. Il n`écrit que deux petites brochures sur la colonisation, mais le journal local de St-Jérôme, le Nord, suit et rapporte ses faits et gestes de façon très régulière et le journal peint souvent le portait de cet homme de façon grandiose.
Troisièmement il achète lui-même quelques cantons pour montrer que lui aussi s`implique de façon directe dans ce projet.
Quatrièmement il veut frapper l`imaginaire québécois. Dans un contexte où il luttait pour obtenir une subvention de 1 000 000 $ de la part de la ville de Montréal pour la construction du chemin de fer Montréal/St-Jérôme, il profita de l`hiver rigoureux. En effet, alors que Labelle avait comme principal argument que ce chemin de fer pourrait transporter de grandes quantités de bois vers les centres de Montréal, il profita de la montée ridicule du coût de la corde de bois pour arriver en ville avec 60 cordes fournies par les habitants de St-Jérôme pour aider les pauvres à se chauffer. Il gagna instantanément la faveur de l`opinion publique (Dussault, 1983, p.222).
Finalement il utilisa aussi les manifestions comme moyen de pression. Il a réussi à réunir 3000 personnes dans la petite municipalité de Sainte-Adèle.
Si on ne parle pas des plans de chemins de fer du curé Labelle pendant un instant, sa stratégie de colonisation repose sur deux types d`organisations d`encadrement ; la paroisse et la communauté religieuse. Il veut utiliser ses deux types d`organisations pour arriver à son rêve.
L`implication de la bourgeoisie
Plusieurs autres personnes, excluant les communautés religieuses, sont aussi intéressées à ce que le nord soit colonisé. C`est le cas de plusieurs avocats, hommes politiques et de membres de la bourgeoisie professionnelle. Leurs motivations ne sont pas toujours évidentes à saisir. Pour certains, « ils trouvent le moyen de rehausser leur réputation d`être au service du bien commun, et partant, de maintenir ou d`accroître leurs chances politiques » (Dussault, 1983, p.153). Pour l`autre groupe cependant, des intérêts financiers joueraient en leurs faveurs : « il semblerait aussi que les postes de directeurs qu`ils détiennent fréquemment dans la compagnie locale de chemin de fer les incitent, dans les intérêts même de la compagnie, à favoriser le peuplement de la mise en valeur de la région » (Dussault, 1983, p.153). Il est donc difficile de trancher à savoir leurs véritables intérêts, mais au moins ils se sont impliqués et sans eux le projet aurait été beaucoup plus difficile à réaliser.
L`échec d`Antoine Labelle
Au début de l`année 1891, l`écrivain Arthur Buies écrit : « soudain tout s`écroule. Un mot arrive de Rome qui brise le rêve et l`âme de l`apôtre, et lui-même, qui sent qu`il n`a plus qu`à mourir, reçoit avec grâce la mort qui vient à son appel » (Dussault, 1983, p.190). Ce genre de phrase, nous ne les rencontrons pas souvent dans l`histoire d`Antoine Labelle. Gabriel Dussault explique que l`histographie a de la difficulté à reconnaître que le projet d`un si grand héros pour notre province se termine par un échec. Même la religion catholique vit un malaise devant se déchirement entre Rome et Labelle, car se dernier ne se cachait pas pour avouer que cet échec le menait directement vers le désespoir et la mort. Labelle écrit lui-même une lettre de démission au Premier Ministre Mercier, qui la refusa : « À présent il ne me reste plus qu`à me retirer de mon poste et d`aller m`abriter, en silence, sous le drapeau de la colonisation et du mérite agricole […] en faisant les vœux les plus sincères pour la prospérité du pays et son avancement matériel et religieux » (Dussault, 1983, p.290).
Cet échec se résume à une guerre interne entre Labelle et Fabre, son archevêque. Fabre ne peut tolérer que Labelle et Mercier communiquent directement avec Rome sans passer par lui et il exige la démission de Labelle au poste de sous-ministre. Le Pape Léon XIII fait savoir qu'il souhaite que le curé Labelle reste au ministère, mais Mgr Fabre maintient sa décision, estimant que son autorité est en jeu. Envoyé par Mercier, le curé Labelle se rend à Rome pour plaider sa cause. Fabre réplique en dénonçant le libéralisme de Mercier et celui de Labelle. En juin 1890, Rome désavoue l'archevêque de Montréal : de par la volonté de Léon XIII, Monseigneur Labelle restera sous-ministre d'un gouvernement libéral. Cependant, Fabre remporte la deuxième bataille et la guerre contre Labelle : Rome refuse de diviser le diocèse de Montréal pour en créé un à St-Jérôme et Labelle est détruit! Il meurt quelques mois plus tard, d`une infection à l`hernie…
Les retombés
Une fois l`œuvre de Labelle terminée, du moins l`œuvre que lui aura accompli, il faut en tirer des conclusions. La construction de son chemin de fer n`aura pas atteint les ambitieux projets que Labelle s`étaient imposés ; seulement quelques voies ferrés dépasseront St-Jérôme pour se rendre à Mont-Laurier en 1909.
L`exploitation des mines ne se développent pas autant que prévu, à part dans sa ville de St-Jérôme. Plusieurs paroisses resteront de petits villages agricoles ou de simples stations estivales. L`immigration française que souhaitait Labelle n`a pas donnée les résultats voulus, mise à part quelques centaines de colons répartis sur plusieurs années.
Il y aussi quelques points positifs; Labelle a fondé entre 20 et 80 paroisses, les chiffres n`étant pas officieux et les historiens ont de la difficulté à s`entendre. On estime aussi à 20 000 le nombre de colons qui ont tenté l`aventure que leur proposait le curé Labelle.
Il ne faut pas négliger non plus que sans les efforts d`une vie, le Québec que l`on connaît aujourd`hui serait fort différent et probablement moins développé!
En conclusion, on peut affirmer que la colonisation du Nord fût un succès mitigé. D`une part, le clergé n`a pas véritablement réussi à stopper l`émigration massive des Québécois vers les États-Unis et le nombre de colons qui s`installent dans les nouvelles terres se comptent par 1000 approximativement annuellement (Hamelin et Roy). Même si l`agriculture s`est développé considérablement, c`est le domaine de l`industrialisation, notamment le secteur forestier, qui attire les colons et supporte le surplus de population.
Il faut cependant prendre en compte que le Québec n`est plus seulement concentré sur les plaines du St-Laurent et que la véritable conquête du territoire québécois est réellement commencée. Pour en revenir à mon hypothèse qui était que le curé Labelle avait comme principal objectif l`expansion démographique et géographique pour renforcer la place de la religion catholique en Amérique, mais que ceux qui l`appuyaient avaient comme objectifs de s`enrichir avec les ressources naturelles n`est pas complètement fausse. Le curé Labelle vivait pour sa mission et il souhaitait de tout son cœur que le Québec devienne moderne, tout en restant fier de son identité francophone et catholique. Et il est aussi vrai que plusieurs hommes d`affaires se sont enrichis avec la construction du chemin de fer et le secteur forestier.. Il serait intéressant d`étudier l`impact que le curé Labelle aurait pu avoir si les ultramontains ne lui auraient pas constamment nuit.
Mikael St-Louis
Bibliographie
G. Dussault, Le Curé Labelle. Messianisme, utopie et colonisation au Québec (1850-1900), Montréal, Hurtubise (1983)
G. Dussault, Dictionnaire biographique du Canada, « Labelle, François-Xavier-Antoine », vol. XII.
É.-J. Auclair, Le curé Labelle. Sa vie et son œuvre, Montréal, Librairie Beauchemin, (1930)
Linteau, Durocher et Robert, Histoire du Québec contemporain, Montréal, les Éditions du Boréal (1989)
A.Pelland, La colonisation dans la province de Québec : Guide du colon, Québec, Ministère de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries (1910)
L`encyclopédie canadienne, François-Xavier-Antoine Labelle, Bibliographie, Page consultée le 5 décembre 2009, [En ligne] http://thecanadianencyclopedia.com/index.cfm?PgNm=TCE&Params=F1ARTF0004416
Une petite page d`histoire
La colonisation du Québec dans les années 1850-1900
Le projet ambitieux du Curé Labelle
L’âme des peuples se trouve dans leur histoire
Mikaël St-Louis14 articles
Étudiant au baccalauréat en histoire et en sciences-politiques à l`Université du Québec en Outaouais
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1 commentaire
Laurent Desbois Répondre
20 janvier 2012Entre 1870 et 1930, l’exil de millions de Québécois aux États-Unis (13 millions sont recensés en 1980)
Lors du recensement américain de 1980, les personnes qui se déclaraient d’origine Française constituaient le cinquième groupe ethnique aux États-Unis, juste avant les Italiens et ils représentaient 13 millions d’habitants. Si le sujet vous intéresse, il est exploité dans le livre « The French-Canadian Heritage in New England » écrit par le franco-américain Gerard J. Brault, University Press of New England, Hanover, 1986. On peut y lire : « Many Franco-Americans also have Acadian ancestors, but an overwhelming majority are descended from Quebecois. Emigration to the United States occurred mainly from 1870 to 1930, peaking in the 1880s. ».
Effectivement, il y a deux fois plus de Québécois aux Etats-Unis, qu’au Québec!!!!!
Cette émigration était aussi motivée par les mêmes raisons économiques.
Après la pendaison de Louis Riel et le génocide des métis dans l’ouest canadien, le gouvernement canadien appliqua une politique de colonisation dans l’ouest canadien, en y distribuant des subventions et en y donnant des terres. Il y eu une vaste campagne de promotion en Europe. Il est important de noter que ces privilèges n’étaient pas disponibles pour les Québécois, qui manquaient de terres à cultiver. C’est ce qui explique leur exil aux États-Unis, plutôt que vers l’ouest canadien.
Il y a environ 7 millions de francophones au Québec et un million de francophones hors Québec. Si le Canada avait permis aux Québécois de coloniser l’ouest canadien plutôt que de s’exiler aux États-Unis, on peut supposer qu’il y aurait 21 millions de canadiens dont la langue maternelle serait le français. La population totale du Canada est d’environ 32 millions d’habitants.
Les francophones seraient, et de loin, le groupe majoritaire dans ce beau Canada, n’eut été des lois du gouvernement d’Ottawa.
Est-ce que la politique d’exclusion des Québécois dans ce beau Canada, tout comme celle de rendre le français illégal dans tous les autres provinces à la même époque, était préméditée ou un pur hasard???
Serait-ce l’application du rapport Durham, qui préconisait la disparition ou le génocide des Québécois?
Que de se poser la question, c’est d’y répondre!!!!