La basilique Sainte-Sophie est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO : en 2019, 3,8 millions de touristes l’ont visitée. L’UNESCO s’est alarmée des dégradations qui pourraient être la conséquence de l’islamisation de Sainte-Sophie et a demandé aux autorités turques, pour ce mois-ci, un rapport exact de l’état du monument. Gouvernement qui, explique Anne Andlauer, dans Le Figaro, s’en est offusqué. Le dirigeant turc ne manque pas de culot !
Le 10 juillet 2020, la basilique Sainte-Sophie d’Istanbul a été transformée par Recep Tayyip Erdoğan en mosquée. Depuis 1934, la basilique désaffectée était un musée, par décision de Mustafa Kemal Atatürk.
Et avant ? Cette basilique chrétienne a été construite dès le VIe par l’empereur Justinien sur le lieu où l’empereur Constantin avait fait édifier une première église : elle est alors le symbole de l’universalité du catholicisme tout autant que de ses racines orientales. Aussi, lorsque, le 24 juillet 2020, en présence du chef de l’État turc, les prières musulmanes retentissent dans ce haut lieu de l’Antiquité chrétienne, lieu de couronnement des empereurs et chef-d’œuvre mondialement connu de l’architecture religieuse chrétienne, c’est, indubitablement, une écrasante victoire symbolique du « sultan » Erdoğan sur un Occident vieillissant et déchristianisé. Même si, curieusement, le muezzin qui s’était porté volontaire pour cette prière musulmane, la première depuis 83 ans à Sainte-Sophie, est mort dix jours plus tard d’un arrêt cardiaque..., on assistait bien à la revanche symbolique d’une civilisation sur une autre.
À l’époque, la Russie, la Grèce et même la France – quoique bien plus faiblement, comme on l’imagine,- avaient émis de vives protestations. Selon Le Figaro, la minorité orthodoxe hellénophone de Turquie, héritière des Byzantins, a été particulièrement amère de cette islamisation de Sainte-Sophie : « Un symbole pour tous les chrétiens et, au-delà, pour toutes les minorités religieuses de ce pays », dit l’un d’eux.
Lors de l’affectation de Sainte-Sophie en mosquée, sans aucune concertation avec l’UNESCO, les mosaïques uniques au monde de l’abside ont été recouvertes d’un voile. Le Figaro nous apprend que le ministère de la Culture d’Erdoğan avait promis que les mosaïques seraient à nouveau visibles, en dehors des heures de prières musulmanes. Selon Anne Andlauer, il n’en est rien, cette concession des autorités musulmanes n’a même pas été respectée. On ne voit donc plus, entre autres, la mosaïque de Marie Théotokos, une Vierge à l’Enfant qui date de 867, et qui était la première mosaïque créée après la période iconoclaste. Des Iconoclastes qui ont aujourd’hui, avec l’islam turc nationaliste et conquérant, de dignes successeurs… Comment ne pas s’inquiéter de ce patrimoine chrétien en Orient dont les islamistes semblent bien plus conscients que les Occidentaux de la valeur réelle, patrimoniale mais surtout symbolique ?
On assiste, en Turquie mais aussi en Arménie, ou ailleurs en Orient, à une vaste entreprise de cancel culture version islamiste… dans l’indifférence occidentale quasi générale.