Dans son bulletin de nouvelles du mercredi 22 mai, Radio-Canada rapportait que l’ONU avait exprimé des préoccupations à l’égard du projet de loi sur la laïcité du gouvernement Legault, affirmations reprises dans l’édition du Devoir du lendemain sous le titre « L’ONU exprime sa préoccupation à l’égard du projet de loi sur la laïcité ».
Prenant la balle au vol, le député de Québec solidaire (QS) Sol Zanetti affirmait en conférence de presse que c’était un signal d’alarme « qui invite le gouvernement de la CAQ à sortir de sa bulle provinciale » et que c’était au gouvernement de la CAQ « de se remettre en question ». M. Zanetti faisait cette déclaration dans le contexte où il avançait que la crainte de certains Québécois à l’égard des immigrants qui affichent ouvertement leurs convictions religieuses avait été alimentée par des chroniqueurs alarmistes et des sites de fausses nouvelles.
Méconnaissance
J’ose penser que les propos attribués à l’ONU par ces intervenants ne l’ont pas été de mauvaise foi, mais plutôt par méconnaissance du fonctionnement du système des Nations unies avec ses 22 agences spécialisées, notamment du Conseil des droits de l’homme. C’est pourquoi il m’apparaît important de remettre les pendules à l’heure sur cette question.
En réalité, il ne s’agit aucunement d’une mise en garde de l’ONU par l’entremise de son Conseil sur les droits de l’homme, encore moins d’une velléité d’ingérence dans les affaires internes du Québec ou d’une critique du gouvernement de la CAQ, notamment dans le débat sur la laïcité, ingérence qui serait contraire au principe fondamental de l’ONU de non-ingérence dans les affaires internes d’un pays membre.
Il ne s’agirait, en fait, que d’une opinion personnelle de trois rapporteurs spéciaux (consultants) du Conseil des droits de l’homme de l’ONU consignée dans une lettre remise à la Mission permanente du Canada auprès des Nations unies. Dans cette lettre, ces trois consultants soutiendraient que des dispositions du PL 21 seraient « susceptibles de porter atteinte à la liberté de conscience et de religion et aux principes d’égalité » dont certains impacts violeraient la Convention internationale sur l’élimination de toutes formes de discrimination raciale, convention que le Canada a ratifiée le 14 octobre 1970. Ils en auraient aussi contre la disposition relative à la prestation de certains services à visage découvert.
La Commission des droits de l’homme de l’ONU est le principal organe chargé de la promotion des droits de l’homme au monde. Elle est assistée dans ses travaux par la Sous-Commission de la promotion et de la protection de droits de l’homme, et peut compter sur l’appui de plusieurs groupes de travail et d’un réseau d’experts, de représentants et de rapporteurs chargés de questions spécifiques. Tous ces mandataires peuvent avoir leurs propres opinions personnelles qui ne reflètent ni n’engagent la responsabilité du Conseil lui-même.
Les titulaires de mandats au titre de procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme sont des rapporteurs spéciaux, des experts indépendants ou des groupes de travail composés de cinq membres nommés par le Conseil et qui siègent à titre personnel. Ils effectuent des visites dans les pays ; s’occupent de cas individuels et de préoccupations de nature générale et structurelle en envoyant des communications aux États et à d’autres acteurs pour leur signaler des violations ou des abus présumés ; mènent des études thématiques et organisent des consultations d’experts.
Appréhensions personnelles
Il serait intéressant de savoir qui sont les signataires de cette lettre pour mieux comprendre leurs appréhensions et s’ils ont consulté le gouvernement du Québec avant de les exprimer. Cela fait partie de leur éthique professionnelle. Certains rapporteurs ont même été déclarés persona non grata et expulsés de pays où ils avaient manqué à cette délicatesse dans l’exercice de leur mandat.
Par respect pour l’objectivité de l’information et pour éviter la propagation de fausses nouvelles, que dénonce avec raison le député Zanetti, il aurait été préférable de préciser que les préoccupations qu’ont exprimées trois consultants du Conseil des droits de l’homme concernant le PL 21 ne reflétaient que leurs appréhensions personnelles et ne pouvaient d’aucune manière être interprétées comme exprimant « une préoccupation de l’ONU », comme l’ont laissé entendre Radio-Canada, Le Devoir et, peut-être malgré lui, M. Zanetti.