L’incontournable «épouvantail» référendaire

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D'où la perte de temps, d'énergie et de motivation à chercher à finasser sur l'option





«Ne jamais sous-estimer Jean-Marc Fournier». Ce conseil discret d’un politicien d’expérience prodigué il y a quelques années dans les couloirs de l’Assemblée nationale était et demeure toujours des plus sages.


Leader parlementaire du gouvernement Couillard, ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne et surtout, un redoutable stratège et conseiller pour son premier ministre, Jean-Marc Fournier ADORE enfoncer le main à répétition jusqu’au coude dans la grande plaie référendaire du Parti québécois.


Quoi que le PQ dise sur le sujet – ou plutôt, quoi que déclare son chef du jour depuis le départ de Jacques Parizeau -, Jean-Marc Fournier y trouvera irrévocablement matière à fouetter les ardeurs anti-souverainistes de la base électorale du PLQ.


Ça devient lassant à la longue, même hautement prévisible, mais en politique partisane, c’est aussi de très bonne guerre. D'autant plus lorsque son gouvernement fracasse des records chez les francophones quant au taux d'insatisfaction envers lui et que les perquisitions de l'UPAC se poursuivent.


Cette fois-ci, le Richelieu du PLQ pousse l’enveloppe un cran plus loin. Il s'en prend exceptionnellement aux positions défendues par une candidate à la chefferie péquiste. Dans ce cas-ci, Martine Ouellet. Laquelle, qui plus est, n’est même pas considérée comme la meneuse de la course. Voilà une «publicité» qui devrait plaire à ses supporteurs, voire même lui en valoir de nouveaux...


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Les «vraies affaires» ?


Donc, hier, Jean-Marc Fournier émettait un communiqué plutôt étonnant dans les circonstances.


Titré «Le Parti québécois complètement déconnecté des vraies affaires» - une référence directe au slogan libéral de la campagne électorale de 2014 -, il avançait ceci :


«Les Québécois et Québécoises ont été clairs lors de la dernière élection générale : ils ne veulent plus entendre parler de référendum sur la séparation.


Ne semblant pas capter le message, les cinq candidats à la chefferie du Parti québécois proposent cinq mécanismes référendaires différents. Issus d’une formation politique habituée à la division, ils se disputent sur le quand, le comment et le combien, quand la vraie question est : pourquoi?

Aujourd’hui, Martine Ouellet a encore échoué à y répondre. En dévoilant son plan pour la chicane, elle a tenté de faire croire aux Québécois que le français n’est pas déjà leur langue officielle et commune, que les femmes et les hommes ne sont pas égaux au Québec, que nos droits et libertés ne sont pas enchâssés dans un texte de loi et que la religion n’est pas séparée de l’État. Elle choisit délibérément de prendre congé de la vérité.

C'est la même candidate qui raconte qu'elle s'oppose au développement des hydrocarbures à Anticosti, alors que c'est elle, comme ministre de l'Énergie, ainsi que ses collègues Lisée, Cloutier et Hivon, à l'époque ministres, qui ont signé les contrats liant le Québec pour l'utilisation de la fracturation sur une île. À dénaturer à ce point les faits, il ne faut pas s'étonner que le Parti québécois soit déconnecté des réalités vécues par les Québécois.

« Pendant ce temps, le gouvernement formé du parti libéral s'occupe des vraies affaires. Nos comptes sont bons, nous contrôlons les dépenses et les revenus sont au rendez-vous », a déclaré le ministre Fournier.

« Notre gouvernement prépare le Québec des prochaines générations. On ne veut pas leur passer nos dettes; on veut moderniser notre économie et innover en santé et en éducation. Nous voulons bâtir un Québec où tout est possible pour chacun de nos concitoyens. Nous ne le ferons pas en nous repliant sur nous-mêmes dans un climat de méfiance. Nous le ferons en nous appuyant sur notre fierté et notre confiance, en bâtissant des alliances et en nous ouvrant à la diversité », a conclu le ministre.
»


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Joli exercice discursif, en effet.


Ratoureux comme toujours, Jean-Marc Fournier en profite surtout pour se moquer des cinq candidats à la chefferie péquiste de même que pour placer certains d’entre eux face à leurs propres contradictions dans le dossier Anticosti – un dossier où Philippe Couillard lui-même fait ses propres pirouettes contradictoires depuis quelques mois.


Postée sur le site web du PLQ, la «lettre ouverte» de M. Fournier se trouve aussi agrémentée d’une illustration portant le véritable message derrière sa missive.


Sous le titre «5 candidats – 1 seule priorité», on y voit cinq pancartes. Sur chacune d’elle figure la photo d’un candidats à la chefferie péquiste. Au-dessus des pancartes, les mots «l’éducation», «la santé» et «l’économie» sont biffés d’un trait rouge. Dans une bulle rouge, on lit alors que la «seule priorité» des cinq est «La séparation du Québec». Dernier message de l’illustration, à droite : «Au Parti libéral du Québec, on s’occupe des vraies affaires». Bref, c'est la campagne de 2014, comme disent les Anglais, all over again...


Joli exercice, question surtout pour M. Fournier, à l’aube de la rentrée politique, de rapailler les troupes et d’installer déjà, pour la énième fois, le thème de la prochaine campagne électorale pour le PLQ... en tout point semblable à celui des élections précédentes.


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Thème incontournable


L'objectif est clair: rappeler à la base libérale que nonobstant le prochain ou la prochaine chef du PQ et nonobstant du fait qu’il s’engage ou non à tenir un référendum – la forte probabilité étant qu’il n’y aura pas d’engagement et les libéraux le savent trop bien-, le thème référendaire sera de toute manière incontournable.


Un thème décliné, comme à l’habitude, sur les sous-thèmes habituels de la «chicane», de la «division», de la «peur» et du fameux «repli sur soi» - un grand classique.


Et là-dessus, les péquistes, même si plusieurs, et non les moindres, refusent de se l’admettre, pourront compter sur les libéraux pour frapper sur ce même clou, quoi qu’en dise le prochain ou la prochaine chef du PQ.


Pour les sceptiques, se faisant déjà les dents pour mieux ronger cet os en vue de l’élection du 1er octobre 2018, la sortie de M. Fournier le confirme assez clairement merci.


En d’autres termes, la prochaine ou le prochain du PQ aura beau faire toutes les pirouettes du monde pour se délester du référendum, bref, de ce que l’establishment péquiste voit lui-même comme un «boulet» électoral, les libéraux ne lâcheront pas le morceau aussi facilement. D'autant plus qu'ils pourront aussi compter sur la CAQ et son chef François Legault pour marteler le même thème.


Même si la ou le prochain chef péquiste, à l’instar de ses propres prédécesseurs depuis 1996, enterre le référendum six pieds sous terre «en attendant» on ne sait quelles «conditions gagnantes» ou cette fois-ci, un registre magique,  un deuxième  mandat majoritaire hypothétique encore plus miraculeux qu’un premier ou une «atmosphère» qui se «sent», le Parti libéral en fera néanmoins un enjeu électoral majeur. Point.


Comme d’habitude, quoi. C’est son pain et son beurre en campagne électorale.


Du moins, pour être plus précis, ça l’est depuis l’élection de 1998. Celle-là même où le PLQ, malgré qu’il avait perdu l’élection générale, récoltait néanmoins plus de votes que le PQ de Saint-Lucien.


La raison?


Essentiellement parce que Jean Charest – alors le nouveau chef du PLQ fraîchement débarqué au Québec du paquebot conservateur fédéral-, s’était moqué efficacement du miroir aux alouettes des «conditions gagnantes» de Lucien Bouchard.


Des «conditions gagnantes» qui, en langage politique codé, voulaient dire dans les faits que le PQ ne s’engageait PAS à tenir de référendum sur la souveraineté s’ils était réélu.


À l'opposé, pour les libéraux, du moins pour consommation de leur base, la formule signifiait que le PQ en ferait peut-être un, finalement, si les «conditions gagnantes» étaient réunies un jour...


Bref, ce qu’on appelle le FLOU référendaire du PQ depuis 1998 se retourne invariablement contre lui justement parce qu’il est FLOU.


Le FLOU démobilise les souverainistes et galvanise les fédéralistes. Point.


Quand la plupart des chefs du PQ depuis 1996 ont eux-mêmes considéré le référendum comme un épouvantail électoral, difficile de blâmer les libéraux de s’en inspirer...


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Mais attention. Euréka!


Ce constat évident, le PQ, dit-on, l’aurait enfin compris. Plus précisément, 16 ans plus tard et une fois poussés à voir enfin la lumière par leur propre défaite historique en 2014. Soit après que Pauline Marois, paniquée par le «poing levé» de PKP pour «le pays», se soit enfoncée elle-même plus profondément encore dans son propre FLOU référendaire.


Et donc, au PQ, plusieurs se sont dits pour cette course-ci à la chefferie : soyons clairs! Or, la clarté, semble-t-il, est une notion toute relative. Du moins, en politique.


Alexandre Cloutier annoncerait ses couleurs référendaires plus tard. Donc, peut-être un référendum dans un premier mandat, mais peut-être bien que non.


Idem pour Véronique Hivon – à la différence majeure toutefois que la députée, consciente de la fragmentation du vote francophone, propose aussi de travailler de concert avec les autres partis et regroupements souverainistes.


Martine Ouellet est la seule à promettre un référendum dans un premier mandat, mais poserait une question portant sur une «constitution». Ce qui, en l’absence prévisible de la participation du PLQ et de  la CAQ à sa préparation, pourrait annoncer des conflits préréférendaires corsés.


Jean-François Lisée, déjà renommé depuis son arrivée au bunker en 1994 pour avoir tout dit et son contraire sur le sujet, promet maintenant un référendum. Mais seulement dans un deuxième mandat. Si premier et deuxième mandat il y a, bien entendu. Comme si ceux qui, parmi les électeurs, ne sont pas souverainistes, seraient assez naïfs pour lui donner un premier mandat pour mieux préparer un référendum dans un deuxième...


Dernier arrivé, l’avocat et ex-orphelin politique, Paul St-Pierre Plamondon, propose quant à lui de combattre la «peur du référendum» en s’engageant à ne PAS en tenir un dans un premier mandat. Appelons-cela la stratégie de l’évitement. Mais il en tiendrait peut-être un dans un deuxième mandat si, et seulement si, 20% de la population en exprime le désir par écrit...


Bref, on se corrige illico : malgré la défaite cinglante de 2014, un nuage de flou flotte encore au-dessus du Parti québécois...


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La routine habituelle


Et donc, de manière tout à fait prévisible, comme le PLQ le fait depuis 1998, lors de la prochaine élection, il aura beau jeu d’accuser le PQ de «cacher» son option et de planifier secrètement un autre référendum.


L’argument est pratique puisque la base libérale en est convaincue de toute manière. Il s’agit seulement pour les libéraux de le lui rappeler tout au long de la prochaine campagne électorale.


Et pourtant, si le passé est garant de l’avenir, la clarté peut être payante électoralement pour le PQ.


Malgré l’immense cliché voulant que LES Québécois ne veulent JAMAIS de référendum, lorsque Jacques Parizeau en a promis un en 1994 – et rapide à part ça - il a néanmoins remporté une majorité de sièges.


Bref, il a rallié les souverainistes – quel concept...


Lorsqu’en 1995, il a tenu promesse, il a perdu de très peu. Il n’en demeure pas moins que le Oui a frôlé le 50% alors que près de 94% des Québécois qui, supposément n’en voulaient PAS, ont voté. C’est un taux de participation que bien des démocraties envieraient au Québec.


Le contexte politique post-Meech n’était certainement pas le même que celui d’aujourd’hui. De toute manière, il ne l’est jamais d’une époque à l’autre.


Un tel taux de participation, de même que la victoire électorale de M. Parizeau en 94, confirment cependant que de se comporter comme si le référendum était d’office un «boulet» électoral ne tient pas la route.


À moins de...


C’est pourquoi, lors de la campagne électorale de 2018 et d’ici-là, les libéraux se feront un plaisir de braquer à nouveau les projecteurs sur le flou référendaire.


Et même, n'en doutez point, s'il s'avère en effet que le ou la prochaine chef s’engageait clairement à ne tenir AUCUN référendum, pariez sans crainte que Philippe Couillard et François Legault, de concert, accuseraient alors le PQ de «cacher» la «vérité» aux  électeurs... et chacune de leur base électorale n’y verrait que du feu.


En d’autres termes, à moins de rayer carrément son «article 1» de son programme à son prochain congrès, le Parti québécois devra toujours répondre à la question existentielle suivante.


Cette question ne porte toutefois pas, comme un autre cliché le veut, sur la «date» d’un référendum, mais bien sur le fond des choses.


À savoir: qu'entend faire le PQ s’il reprend un jour le pouvoir? Gouverner seulement, bien ou mal? Ou gouverner tout en misant sur les leviers du pouvoir pour tenter, démocratiquement, de réaliser l’option sur laquelle il aura été élu?


Dans cette deuxième option, la «date» devient l’accessoire et l’engagement, l’essentiel.


Le reste n’est que politicaillerie.


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Demain, sur mon blogue, la suite de ce billet : La «clarté» selon Philippe Couillard...




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