L'impérialisme culturel et linguistique anglo-saxon ne date pas d'hier. On trouve dans Le rapport de Durham, publié aux éditions du Québec en 1848, les passages qui suivent:«Je n'entretiens aucun doute sur le caractère qui doit être donné au Bas-Canada: ce doit être celui de l'Empire britannique, celui de la majorité de la population de l'Amérique britannique, celui de la race supérieure qui doit à une époque prochaine dominer sur tout le continent de l'Amérique du Nord.» (p. 303)
«(...) cette nationalité canadienne-française, devrions-nous la perpétuer pour le seul avantage de ce peuple, même si nous le pouvions? Je ne connais pas de distinctions nationales qui marquent et continuent une infériorité plus irrémédiable. La langue, les lois et le caractère du continent nord-américain sont anglais. Toute autre race que la race anglaise (j'applique cela à tous ceux qui parlent anglais) y apparaît dans un état d'infériorité. C'est pour les tirer de cette infériorité que je veux donner aux Canadiens notre caractère anglais.» (p.309)
L'impérialisme britannique continue à s'exercer sur nous dans sa version canadian qui a pris la relève de celui de la mère patrie et le «Quebec bashing» en est la manifestation la plus détestable. Le gouvernement Harper qui affirme que le Canada n'est pas un pays bilingue, qui nomme des unilingues anglophones à des postes stratégiques et qui sort la monarchie du placard n'est pas en reste.
Les États Unis d'Amérique ont aussi pris le relais de leur mère patrie après le déclin de l'Empire britannique. Jean Eudes commence ainsi son livre La conquête des esprits paru en 1982 chez Maspéro:
«Le rayonnement culturel des États-Unis à travers le monde est aujourd'hui aussi largement établi et reconnu que leur puissance économique ou militaire. Il s'agit d'un phénomène massif et durable, qui intéresse tous les continents et presque toutes les nations à un titre ou à un autre. En outre, il est à la fois global et extraordinairement multiforme, puisqu'il semble capable d'emprunter tous les canaux de diffusion culturelle, des plus simples aux plus sophistiqués, et qu'il affecte un très grand nombre de secteurs de la vie culturelle des autres nations. L'aspect le plus spectaculaire de cette pénétration est l'omniprésence des produits audiovisuels importés des États-Unis dans l'ensemble du monde occidental. Mais la présence américaine se fait également sentir dans bien d'autres domaines, par exemple dans les secteurs plus classiques de la presse et de l'édition, dans les méthodes et le contenu de l'enseignement d'un nombre croissant de disciplines, ou encore dans de nombreux domaines artistiques.»(p.7)
Suit, à quelques pages de là, la présentation du rapport Rockefeller publié en 1966 qui esquissait une nouvelle stratégie face à l'Amérique latine:
«Le principe de l'action à entreprendre est simple: il s'agit de gagner la «bataille des esprits» en «exposant les sociétés latino-américaines à l'influence des réalisations fondamentales du mode de vie américain».
«(...) Rockefeller précise que le message des États-Unis aux peuples latino-américains doit utiliser avant tout le canal des appareils éducatifs et celui des mass media. L'efficacité de l'entreprise suppose donc leur contrôle aussi complet que possible. (…) En fait Rockefeller établit un programme cohérent de pénétration culturelle et idéologique systématique où tous les moyens à la disposition du gouvernement fédéral seront mobilisés : création d'organismes régionaux spécialisés, refonte des appareils d'éducation locaux et du contenu de l'enseignement, échange massif de professionnels de l'éducation, de l'information et de la culture, augmentation des émissions de radio nord-américaines en direction de l'Amérique latine, rôle accru des ambassades dans la diffusion des activités artistiques américaines,etc.»(pp.53-54)
Deux rapports à un siècle de distance : même message.
Les programmes d'étude offert en anglais par les université francophones du Québec, les articles et les livres publiés en anglais par nos professeurs d'université francophones, les évaluations de ces professeurs par le nombres de publications faites dans les revues de langue anglaise participent de la même logique d'assimilation culturelle et de mépris à l'égard des étudiants francophones et de la population québécoise.
La récente décision des HEC d'offrir un programme unique en langue anglaise est un nouveau cheval de Troie linguistique qui vient s'ajouter aux autres programmes du même genre offerts par les autres universités francophones du Québec et témoignent à la fois du peu de cas que certains membres de nos élites font de la langue française quand vient le temps de promouvoir leurs intérêts carriéristes personnels mais aussi de la faiblesse de nos institutions qui devraient être un rempart contre les assauts perpétrés par une culture étrangère qui vise rien de moins qu'à faire disparaître toutes les autres cultures du monde qui à ses yeux n'ont pas le droit d'exister.
Quand nos universités communient avec l'esprit des commis de dépanneur, il y a de quoi craindre pour l'avenir.
Nous devons nous ressaisir.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
1 commentaire
Tremblay Sylvain Répondre
26 mars 2012Une belle démonstration de ce que les Anglais sont venus faire en Amérique, leur idée derrière la tête. Il y a une philosophie derrière tout ça. Une idée de tout rafler, de s'appropier tout ce qui ne leur appartient pas.
Oui, il faut se ressaisir, comprendre ce qui se passe. Quand j'étais en 12e année, le professeur disait que nous étions la crème de la société, que nous étions chanceux d'être là, que nous allions faire de hautes études et être les dirigeants de demain. Et il semblait fier, notre professeur, de nous, de nous enseigner. Mais moi je ne suis pas fier des gens favorisés qui nous éduquent et nous dirigent sans tenir compte de qui les a favorisés, qui les font vivre en leur sein et qui leur permettent d'avoir des conditions de vie et de travail supérieures à la moyenne, en rejetant leurs origines comme étant inférieures et en se mettant au service de plus fort que nous, dans leur esprit. Ils ne comprennent pas que ce sont eux qui doivent prendre les devants et nous protéger de l'adversité. Au lieu de celà, ils nous rendent la vie encore plus difficile en s'accrochant à une société immigrante d'origine anglophone, qui n'a jamais su s'adapter au fait qu'ici, au Canada, c'est en français que ça se passait et qu'il n'y avait pas du tout lieu de changer la langue et les coutumes de ce pays. Malgré celà, c'est ce qu'ils ont faits, et ils se prétendent toujours Canadiens. C'est ce que nos élites agenouillées devant cette prétendue co-nation canadienne ne comprennent pas, et ça fait 250 ans que ça dure, c'est dire que la mentalité se transmet de génération en génération sans aucune remise en question, comme si c'était normal d'agir ainsi, de tourner le dos à son peuple tout en vivant en son sein et profitant des retombées valorisantes que leur procure sa langue, ses coutumes et son droit, sans pour autant y participer activement, lorsqu'ils occupent des postes stratégiques ou bénéficient d'une notoriété privilégiée.
Je vais donner l'exemple qui me trotte dans la tête depuis deus semaines. C'était un samedi après-midi, Hubert Reeves participait à une discussion avec d'autres personnalités au sujet de la langue française, surtout ou entre autre, sur les ondes de la radio de R-C. Le sujet de la langue scientifique est venu sur le tapis. Comme m. Reeves est un scientifique, on lui a demandé son opinion sur le rayonement de la langue françise en science. Et là, il a dit quelque chose qui a estomaqué tous les participants, on sentait la lourdeur de l'atmosphére dans le studio, avec un silence gênant après qu'il eut parlé.
Il a dit que la langue de la science c'était l'anglais, les magazines scientifiques, c'est en anglais que ça se passe, comme "Nature", au niveau mondial, le prix Nobel, etc., qu'il ne valait pas la peine d'écrire des théories ou expériences scientifiques en français, dans une revue locale, car personne ne les lirait, et qu'un jour, comme 10 ans après, un anglophone va lire ça et il va vous voler votre idée, la réécrire en anglais et faire passer que c'est lui qui a écrit ça, que c'est sa découverte. C'est après qu'il y a un silence assourdissant, moi-même j'étais tout à fait ébranlé par une telle déclaration. Pour détendre l'atmosphère, l'animateur a demandé à Louise Beaudoin ce qu'elle en pensait, elle qui a occupé des fonctions relativement à la francophonie et qui oeuvre depuis l'avènement du Parti Québecois pour la promotion et la valorisation du français au Québec, comme députée et ministre. Visiblement, mme Beaudoin était complètement décontenancée par une telle déclaration de m. Reeves, elle a dit quelque chose comme
- Bien écoutez, à l'âge que j'ai, je ne recommencerai pas à ..., etc..
Elle était visiblement déçue, pas fière du tout de ce que m. Reeves avait dit, comme gênée, même, d'avoir pris part à cette discussion. Elle ne voulait pas en parler, elle a rejetée toute opportunité de discuter de tels propos, comme si elle en avait vraiment honte. Les autres participants non plus n'étaient pas de coeur à commenter les assertions de m. Reeves.
Voyez-vous, c'est de celà qu'il s'agit, de gens qui ont profité toute leur vie de l'éducation supérieure qui leur a été donnée, en plus d'emplois priviligiés et même d'une audience fidèle pour leurs écrits, et qui rejettent carrément la société dans laquelle ils vivent, comme si ce n'était pas une vraie société, du vrai monde. Pour eux, la vraie affaire, c'est du côté des anglophones que ça se passe. Ils vivent parmi nous mais ils se considèrent bien au-dessus de nous, vivant dans le monde virtuel d'une anglophonie qui ne leur appartient pas et qui se foute bien d'eux - si ce n'était pas le cas, ça ferait longtemps qu'ils auraient sauté la barrière, comme bien d'autres l'ont fait avant eux. Mais tous ne sont pas autant bénis des dieux, et à défaut ils restent dans une société qu'ils jugent médiocre, et n'ont aucune intention de valoriser et faire progresser.
M. Reeves travaille en France, participe à des rencontres de vulgarisation scientifique et publie là-dessus, sous forme poético-philosophique, en français. Dans son esprit, d'après ce qu'il a dit, les choses sérieuses, dès que ça dépasse la vulgarisation, c'est en anglais que ça se passe, et c'est probablement ce qu'il fait - mais c'est sûr que son nom n'est sûrement pas aussi connu dans le monde anglophone qu'il l'est dans celui francophone. Et je parierais qu'il n'y a pas grand monde qui le connait dans le merveilleux monde de l'empire américano-britannique, même s'il écrit des articles ou des livres très savants, en anglais, que les francophones, eux, ne seraient jamais capables de comprendre, dans son esprit, s'il les écrivait en français.
L'exemple que m. Reeves a donné, se faire voler des écrits par des anglophones parce qu'ils sont écrits en français dans des revues scientifiques qu'il appelle "locales", montre bien qu'il s'est échappé, qu'il a dit quelque chose qui est comme un secret bien gardé dans le monde scientifique. D'où vient la prétendue science anglophone? Ceux qui ont étudié l'histoire des sciences, ou se sont le moindrement informés là-dessus, savent qu'il n'y a, en fait, pas grand chose qui vient de l'anglophonie en science. La force des Anglais, c'est d'avoir créé des universités où toute les sciences du monde y étaient enseignées, ce qui impliquait beaucoup de traduction, ce qui a fait beaucoup se développer l'édition de ce côté. La tradition s'est poursuivie du côté des colonies américaines, d'où la grande notoriété des universités américaines, à l'exemple de celles anglaises. C'est sûr qu'il y a eu du plagiat, du vol d'idées, etc., au cours de ces siècles de développement scientifique, mais dire celà aujourd'hui laisse entendre que les lois sur le droit d'auteur, qui se sont développées partout dans le monde depuis l'époque moderne, peuvent être transgressées et pardonnées si le délit provient du monde anglophone. C'est probablement un mythe que les scientifiques entretiennent entre eux, mais la loi s'applique à tout le monde, quelle que soit sa langue ou son pays. Les textes que l'on publie sont protégés par le droit d'auteur, il est ridicule de dire qu'on va se les faire piquer par des anglophones si on les écrit en français. Ça montre aussi l'ignorance du droit d'auteur de la part de celui qui propage de telles idées complètement inappropriées et inacceptables.
Mais, on ne peut quand même pas demander aux scientifiques de s'informer un peu sur des réalités très terre à terre qui pourraient les faire vaciller du haut de leur piédestal. Pourtant, ils sont assez riches pour se payer des livres là-dessus et s'informer un peu; peut-être qu'ils n'ont pas le temps, que ça ne les intéresse pas, que ça ne les concerne pas. La politique non plus, le fait français dans le monde, ils vivent en français mais vivent dans un monde virtuel anglophone, au-dessus de tout le monde, dans les nuages de la vraie science, celle du monde anglo-saxon. La protection du français au Québec, premier pays au monde à vivre totalement en français, avant la France. Ils ne sont pas au courant de celà, ils pensent que la langue du Québec est une langue indigène composée de peu de mots qui ne saurait s'élever au niveau scientifique. Quand nous somes arrivés ici, Leibnitz découvrait le calcul différentiel et intégral, et écrivait là-dessus, bien avant Newton qui s'est fait accordé la découverte par des universitaires britanniques qui ne savaient probablement pas lire le français. Nous étions occupés à défricher, de notre côté, pas le temps de s'occuper de science pour le moment. Mais le français est une vraie langue scientifique, développée avant tout par les Français, toujours très avancés sur les autres. Nous devons en prendre conscience, en être fiers, et ne pas avoir peur d'écrire notre science en français. Personne ne va nous voler nos écrits, ce n'est pas vrai. Le droit d'auteur nous protège, et ce partout dans le monde.
C'est en forgeant que l'on devient forgeron, cent fois sur le métier remets ton ouvrage. On ne pourra pas survivre en Amérique si nous n'utilisons pas le français jusqu'aux plus hautes sphères de la science, c'est à ce niveau que vient le respect, pas à celui de la poésie astronomique à laquelle veulent nous contenir des gens comme Hubert Reeves qui nous prennent pour des innocents et des caves. Belle reconnaissance pour des lecteurs assidus qui les font vivre et qui leur vouent un culte sans borne. N'ayons pas peur: il n'y a pas un mot scientifique anglais qui n'existe pas en français, ou qui ne peut être traduit et adapté très facilement.
Je pense que le thème de m. Méthé se prêtait bien à cet exemple honteux que j'ai pensé partager, avant de l'oublier. Ne prêtons pas foi à cette élite déracinée qui nous rabaisse constamment, comme si nous n'étions qu'un peuple de ratés, rien que bons qu'à payer des études supérieures à des gens sans coeur qui vont parler contre nous par après, ailleurs, et qui font semblant d'être avec nous quand ils y voient leur avantage ou intérêt. Il y a de bonnes gens qui ont fait des études supérieures, qui ont des postes importants et qui ont une quelconque notoriété, qui sont avec nous, qui nous protègent et qui nous font évoluer. Ce sont eux qu'il faut voir, considérer et reconnaître. Ne perdons pas notre temps avec de supposées sommités qui s'en font valoir mais n'ont aucune considération pour nous, notre langue et notre pays. N'ayons pas peur de leur dire que nous avons d'autre chose à faire.