Après l'avoir empêché de faire une campagne propre et intelligente, voilà qu'on prétend le ridiculiser dans son être même. André Boisclair vaut mieux que cela. Et la grossièreté et la bassesse des attaques vont-elle susciter un mouvement de sympathie?
Bientôt, il n'y aura plus de démocratie possible au Québec. Depuis 1995 et la grande peur référendaire infligée aux fédéralistes, le chef du Parti libéral -- Daniel Johnson contre Lucien Bouchard en 1998 et Jean Charest contre Bernard Landry en 2003 --, n'ont plus besoin de faire campagne sur leur propre programme de gouvernement. Ils n'ont qu'à brandir l'épouvantail référendaire. Et comme la majorité des Québécois ne veulent pas entendre parler d'un autre référendum, les chances du Parti québécois sont comptées. C'est plus vrai que jamais cette année.
Quand il a rendu public le programme de son parti, samedi dernier, le pauvre André Boisclair s'est fait prendre dans une querelle de mots d'autant plus prévisible qu'il a eu recours à un grossier stratagème pour esquiver un débat sur le prochain référendum. Recourir à une périphrase comme «consultation populaire», c'était prendre nos vessies pour des lanternes!
Tous les adversaires politiques et tous les médias sont tombés à pieds joints dans le débat constitutionnel. Alors que le débat référendaire viendra toujours bien assez vite -- Lucien Bouchard a été au pouvoir pendant cinq ans et n'a jamais fait tenir de référendum -- les 30 pages de la «Feuille de route» du Parti québécois et les détails de ce programme sur l'éducation, l'environnement, la santé, le développement régional, les services sociaux et l'administration publique ont été complètement occultés.
Joli résultat: pendant qu'on se questionne sur la très hypothétique tenue d'un troisième référendum sur la souveraineté, personne ne se demande quel genre de gouvernement offrirait André Boisclair. Et comme on ne discute pas de programme de gouvernement, personne ne cherche à faire le bilan du gouvernement libéral ni à savoir ce qu'il propose lui aussi.
L'écran de fumée
La Constitution et le référendum, c'est l'écran de fumée qui empêche d'imaginer le chef du Parti québécois en premier ministre.
Ainsi privé de ses atouts politiques, André Boisclair a subi, en milieu de semaine, l'ultime affront à sa propre personne cette fois. Les remarques de l'animateur Louis Champagne, de la station de radio CKRS à Jonquière, ne sont pas innocentes. Elles ne visaient pas à provoquer un débat sur les chances d'un homosexuel de devenir chef de gouvernement -- un débat qui s'est tenu à Ottawa et dont j'ai souvent discuté avec Sven Robinson, du NPD, et avec... André Boisclair lui-même, en septembre dernier.
Un coup bas
C'est un coup bas que Champagne a voulu donner en utilisant le mot tapette, terme méprisant qui évoque un être efféminé, maniéré, faible. Les grands médias et leurs chroniqueurs bien pensants évitaient généralement le sujet, mais il fallait voir, jeudi soir à la télévision de Radio Canada et hier matin dans La Presse, comment on s'est vautré dans le sujet.
Pas homophobes les Québécois? Pas plus que les cousins acadiens par exemple qui ont voté en masse pour Richard Hatfield, leur premier ministre, pendant 17 ans, et un fumeux de pot qui s'est fait prendre dans l'avion de la reine Élisabeth! Mais Hatfield, contrairement à Boisclair, n'a jamais fait de cas de son homosexualité, ne l'avouant jamais ouvertement en fait.
Alors, ni premier ministre ni homme «normal» selon ses adversaires, André Boisclair peut-il passer à travers cette épreuve. Je dois avouer que j'ai admiré son aplomb jeudi soir. Le mégasondage de Léger Marketing pour le Journal hier, dévastateur pour le Parti québécois, pourrait bien amener les souverainistes à resserrer les rangs pour la cause. N'oublions pas qu'ils sont plus de 45 %, plus qu'il n'en faut pour battre les libéraux toujours aussi détestés.
Ce qu'il y a de nouveau cette année, c'est que l'Action démocratique de Mario Dumont est devenue une opposition non menaçante puisque, tout en flattant l'âme nationaliste, le parti écarte toute éventualité d'un troisième référendum sur la souveraineté.
Je vous l'avais dit, le 3 février, et je le répète aujourd'hui, le titre de chef de l'opposition officielle se jouera entre André Boisclair et Mario Dumont. Et Jean Charest, tout comme Stephen Harper, devra apprendre à négocier ses actions avec les partis d'opposition, car il sera minoritaire lui aussi...
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