C'est un appel au peuple très convaincant qu'a lancé André Boisclair hier, lorsque les journalistes lui ont demandé si son orientation sexuelle nuisait à la campagne du Parti québécois. "Je vais laisser les Québécois répondre à cette question-là. S'il y a des gens qui veulent amener la campagne électorale sur cette question, ce n'est pas moi qu'ils vont rencontrer sur leur chemin. Ce sont des millions de Québécois qui souhaitent plus de justice et plus d'égalité au Québec", a-t-il dit.
Les images sont parfois très fortes. Le silence et la dignité du chef péquiste avant de répondre à cette question qui fouillait une fois de plus dans sa vie privée lui ont sans doute gagné la sympathie de bien des gens.
M. Boisclair a raison de souhaiter que les élections du 26 mars ne soient pas influencées par son orientation sexuelle. Mais il n'est pas naïf au point de croire que l'homophobie n'existe pas. Quand un animateur radio aussi peu subtil que Louis Champagne affirme en ondes que les travailleurs d'usine ne voteront jamais pour une "tapette", il fait appel aux instincts les plus primaires de ceux et celles pour qui l'homosexualité est synonyme de déviation, de maladie ou de perversion. Un beau cas pour le CRTC. Et quand les médias, dont nous sommes, reviennent sans raison sur l'orientation sexuelle des politiciens, nous contribuons à cette dynamique.
C'est vrai que l'homosexualité provoque un blocage au sein d'une partie de la population. Il faut reconnaître cette réalité, mais il ne faut surtout pas l'encourager ou prétendre qu'elle touche tout le monde. Nourrir un tel préjugé, comme l'a fait Champagne, équivaut à dire non à tous ceux de nos amis, parents ou connaissances qui sont homosexuels, et qui contribuent pleinement à la société. Les travailleurs d'usine du Saguenay ou de partout ailleurs au Québec ne méritent pas qu'on leur prête un tel aveuglement. En fait, ce sont ses propres préjugés que l'animateur radio a affichés en tenant ces propos.
L'homosexualité n'a pas été le déclencheur principal des scandales sexuels qui ont marqué la vie politique des pays démocratiques. Les hétérosexuels en ont très souvent pris la vedette... Rien dans l'intérêt public ne commande qu'on en fasse un enjeu de campagne électorale.
L'appel à la tolérance et à l'ouverture d'esprit d'André Boisclair, hier, rappelle celui de Pauline Marois, qui avait déploré le sexisme pour expliquer ses difficultés pendant la course à la direction du Parti québécois. La Fédération des femmes du Québec avait abondé dans le même sens et avait fait valoir les difficultés éprouvées par les candidates féminines à se hisser aux plus hauts niveaux du pouvoir.
Les problèmes éprouvées alors par Mme Marois n'étaient pas liés uniquement à son sexe. Mais elle avait raison de prétendre qu'avec une feuille de route aussi convaincante que la sienne, l'accession à la direction du Parti lui aurait été plus facile si elle avait été un homme.
André Boisclair est dans une situation similaire. Les difficultés du PQ débordent de beaucoup la question de son orientation sexuelle. Il a commis des erreurs et il a été pris de court par le déclenchement hâtif des élections. De plus, sa consommation passée de cocaïne demeure une préoccupation légitime auprès d'une partie de l'électorat.
Mais M. Boisclair représente un grand parti politique et mène une campagne honnête et respectueuse. On peut aimer ou ne pas aimer, mais il a droit au respect de sa vie privée, tout autant que Jean Charest, Mario Dumont, Françoise David ou Scott McKay. Nous ne gagnerons rien en fouillant dans la poubelle des préjugés.
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